mardi 9 mars 2021

La pédagogie du Pardon…

Par Dominique Blumenstihl-Roth

 

Commenter l'actualité

Plusieurs personnes m'ont demandé de commenter davantage l'actualité et si possible, y porter un regard initiatique. L'actualité ? Laquelle ? Celle du Covid ? J'en ai déjà parlé dans une série de textes. La politique ? — je devrais dire la gesticulation qui en tient lieu — franchement, mérite-t-elle que le regard initiatique se porte sur elle, tant elle est vaine ?

Cependant, on reconnaît dans les déterminations qui conditionnent la pensée de nos dirigeants certaines lignes directrices auxquelles ils s'adonnent, quelle que soit la couleur de leur parti. Gauche ou droite, l'inféodation à la pensée hyponeurienne est la même. Leur lecture du monde est essentiellement conditionnée par des croyances aux vertus économiques en toute ignorance de la notion de réalité. En ce sens, nos fameux experts qui soufflent le chaud et le froid, nos brillants penseurs es-politics ont beaucoup d'imagination : elle est fondée sur un motif frauduleux qui tourne le dos à la vie. 

On accuse la capitalisme… Mais à quoi bon, puisqu'il profite des critiques qu'on lui adresse. « Il est insensé de lutter contre l'état d'esprit acquis évolutivement dans une structure en mal de mort…» (Catalina p. 190). La sagesse consiste en réalité non à braver le passé des erreurs, mais à discerner les issues vers le futur…

 

Voir et se départir de certaines habitudes

Dans le système de la Connaissance, le pouvoir n'est pas politique. Il n'y a pas de isme dans la Connaissance. Pour l'initié, le pouvoir vient du vouloir invisible, celui de la structure d'Absolu qui implique chacun à titre personnel et collectif. Et pour ce qui est de l'actualité (toujours dramatique) que les médias distillent, le regard initiatique, doté des bonnes lunettes, sait voir.

L'initié (non que je le sois mais je ne vous interdis pas de le devenir) sait que la rationalité — celle qui veut toujours tout commander — ne peut pas atteindre l'Absolu par le moyen de la recherche. L'initié mise sur tout autre chose pour comprendre le monde : sur le code des archétypes qui lui enseigne les lois du réel.

Pour pratiquer la pensée initiatique, il faut se départir tout d'abord de certaines habitudes : par exemple cette manie de toujours faire confiance à la linéarité du « progrès » et de l'expérience. « L'expérience est une ombre qui t'éclaire par le dos », dit le proverbe taoïste. Elle ne te projette pas au-devant. Croire qu'une chose réussit parce que jusque-là cela a fonctionné : c'est cela l'expérience. S'en méfier, et laisser la porte ouverte à l'inattendu non-encore « expérimenté » est une règle du moine de Tchaolin… Ce fut la démarche d'Abraham quand il quitta Ur : partir, aller mais sans savoir vers quoi il s'élançait. En cela il a brisé la linéarité et a agi en rupture de toute expérience.

« L'expérience résulte de la linéarité du manifeste. Ce n'est qu'un aspect du réel, qui ne dure qu'un temps. Elle n'est qu'une accumulation protéinique de réalisations. Qui finissent par former un chapelet dont on croit qu'il ne se clôt jamais. Or le réel est cyclique, avec un début et une fin. Toute expérience avance vers la propre résolution terminale cyclique et ne vise pas à son infinie réitération ». (cf Catalina…) Allez dire cela aux adeptes de l'« expérience exigée ».

(Si je devais me lancer en politique — Dieu me garde ! —, on dirait : il n'a aucune expérience dans ce domaine… raison pour laquelle je n'ai aucune chance d'y réussir. Mais vous pouvez voter pour moi tout de même, précisément parce que je ne suis pas candidat).


Donc commenter l'actualité : laquelle ? 

La mienne, la vôtre ? Chacun est face à ses propres événements. Chacun peut les lire : considérer l'événement pur qui se déroule comme une métaphore exprimant plus qu'elle-même. Exprimer le sens de l'événement qui se déroule là, dans l'immédiat, devant mes yeux… C'est ce que l'on appelle « la petite voyance ». Elle est à la portée de tous.

Il s'agit donc de voir les signes et les situer à l'intérieur d'un cycle. C'est déjà plus délicat, car il faut avoir la mémoire du déjà vécu. Se souvenir « qu'une fois déjà dans ma vie… » Et appliquer à l'événement le décodage archétypal. Ce n'est pas si difficile… mais cela demande une certaine précision intellectuelle pour repérer l'occurrence des archétypes dont le modèle est théorique, mais dont l'application est très réaliste dans nos vies. Allons ! Nous avons tous eu affaire à des Redoublements ! C'est l'archétype le plus évident, le plus facile à voir… Par exemple, le matin je parle de Jean-Claude… l'après-midi, voilà qu'il m'appelle. Bip et BOP. Un ami me parle d'une certaine Catherine qu'il a rencontrée, et voici que j'ai des nouvelles de Catherine que je n'ai pas vue depuis 20 ans… Il y a une trentaine d'années, j'ai eu affaire à un jeune homme dont le physique éthérique me surprenait et dont l'esprit s'envolait facilement dans la grandiloquence et la mythomanie, rêves d'importance sociale et de richesse, l'amenant à concevoir scénarii et subterfuges proches de l'escroquerie pour nourrir ses fantasmes… Voici que je croise un autre jeune homme au portrait psychique tout identique au premier, mais augmenté d'une roublardise consommée et d'une ingéniosité manipulatrice redoutable pour qui se laisserait prendre à son charme. L'initié verra clair dans le jeu, par le rappel de la première occurrence. Et saura comment réagir : un signe lui dira que faire… J'ai consulté la Torah. Qui m'a répondu en des termes qui m'ont glacé le dos, car ils allaient à l'encontre de la mansuétude que j'aurais appliquée. La Bible tout au contraire me disait d'anéantir les prétentions de l'impétrant, en me mettant face à un verset extrêmement sévère. Dès lors je m'en suis tenu à cet ordre. Et j'ai mis en œuvre une « politique » résolue pour l'empêcher d'agir. Sans haine, sans ressentiment, mais dans le désir d'être dans le vrai.

 

Voilà qui m'amène à l'actualité : 

 Pardonner, comme le propose aimablement le Pape François 1er lors de son voyage en Irak, à la rencontre des communautés chrétiennes dévastées par la guerre et l'intolérance ? Son étrange visite à Ur, la ville qu'Abraham précisément quitta m'a étonné. Je n'ai pas compris pourquoi il se rendait dans le lieu que le Patriarche a fui, ce lieu de l'antériorité où l'on adorait les idoles. Quel hommage y avait-il à rendre là, quand le vieux père tout au contraire s'en échappa pour gagner une autre terre, encore inconnue de lui, d'où émanerait la Révélation ?

 Quant à l'idée de pardonner au bourreau… Idée sublime. Mais ne faudrait-il pas que le bourreau soit tout d'abord mis hors d'état de nuire ? Le pardon peut-il être accordé de manière anticipée donnant au délinquant la garantie — la grâce — de l'immunité au nom d'une faveur qui viendrait automatiquement ? Oui, Dieu est pardonnant : envers le repentant. Mais Dieu ne délivre pas de certificat de pardon pré-daté à qui commet un crime. La repentance, le regret doivent d'abord être clairement exprimés. Le regard que le criminel porte sur lui-même doit être dessillé afin qu'il se voit, dans sa propre misère. Et non dans la victoire qu'il remporterait s'il s'estimait « pardonné » d'avance par un Dieu dont la miséricorde ne serait qu'un sauf-conduit à de plus amples malveillances. Je pense à la malheureuse Alisha, tuée dans des conditions sordides par ses deux camarades de classe. Qui peut pardonner à qui ne mesure pas même sa culpabilité ?

Le pardon doit être donné : à qui le demande expressément. Et non comme un cadeau insensé que l'on attribuerait a priori par une fausse générosité de l'âme. Pardonner à qui n'en veut pas… Pardonner à qui répète le méfait suscitant… le pardon non demandé… Le pardon, en tant que concept initiatique, est grandiose. Mais il ne saurait s'appliquer à la légère. Invitant les chrétiens à pardonner, le souverain pontife en appelle à une supériorité de l'âme, à une élévation de l'être au-delà de l'entendement ordinaire. Le délinquant, le criminel qui se voit pardonné ne saurait en bénéficier s'il n'a lui-même parcouru le chemin difficile de la repentance qui en tout état de cause conditionne l'octroi du pardon.


Pardonnerais-je ? 

Oui, bien sûr… Mon tempérament est ainsi fait que mes colères ne durent guère, que j'oublie facilement les griefs causés, que — sottise de ma part ! — je recherche les voies de la conciliation. Que je suis disposé aux concessions à l'égard de qui a déjà largement pris. Tout cela est tempéramental. D'aucun reste figé sur un ressenti, sur une douleur, sur une rancune. Que faire ? Se laisser bercer, dans un cas comme dans l'autre, par ses humeurs et son caractère ? L'initié y a droit. Il a sa part d'humanité. Mais il a aussi acquis une compétence, une maîtrise de soi lui permettant de ne pas laisser les inclinations personnelles diriger son être. Il ne confond pas son regard avec la chose vue et il sait que tout appartient à un domaine plus secret et plus profond que l'apparent. Tout acte commis est la manifestation, la traduction de ce qu'édicte l'Absolu.

Aussi l'imposteur à qui j'ai eu récemment affaire, je pense qu'il a fait ce qu'il a estimé juste. Etait-ce moral ? Je ne l'ai pas jugé, mais rien ne m'oblige à être sa victime. Allais-je le dénoncer ? Cela me répugne. J'ai simplement fait en sorte qu'il échoue. « Pas avec moi », lui ai-je fait comprendre.


J'ai appris entretemps qu'il était recherché par la police. Il se pourrait que les gendarmes l'aident à vivre un grand moment de repentir et qu'un séjour en maison d'arrêt (Tzadé final) lui permette de réfléchir à son être, son destin, sa véritable vocation. Car c'est un homme qui a du talent, une intelligence subtile. S'il se mettait au service de la Connaissance, il réussirait au-delà de toutes ses espérances… Il est à mon sens lui-même victime… de son Allié. Allié non maîtrisé devenant l'adversaire le précipitant vers sa propre déchéance.

Je consacrerai prochainement un article à l'Allié… cette force adverse de notre vocation qui nous tire à elle jusqu'à nous engloutir. En soi, l'Allié est un archétype et tout le monde le rencontre. Il est le visage du « diable » en nous : au cœur même de notre actualité la plus prégnante et de nos événements personnels. A chacun de commenter les méfaits de son propre « Allié »…

 

La notion d'Allié est développée dans le livre Le Pouvoir de la Rose et Le Secret des Secrets. Il y a aussi une série d'articles à ce propos sur le blog. Quel est votre allié…

Connaître et maitriser son Allié (série)


5 commentaires:

  1. Gauche ou droite, l'inféodation à la pensée hyponeurienne est la même.nous souffle Dominique .Cette "expérience"semble ne pas pouvoir finir son cycle. Nous voilà assignés à une "pasteurisation" de virus , qui eux connaissent d'évident mouvements cycliques . C'est un monde qui ne demande pas pardon tant il est certain d'apporter un supplément de sécurité , la linéarité est devenue route à grande vitesse ces dernières semaines .On peut déjà entendre les trémolos comminatoires qui menacent certaines professions , on sent le basculement autoritariste s'alléger de ses oripeaux sanitaires . La maison d'arrêt dans les urnes ? Un Tzadé définitif par le vote ? ou une énième suite hyponeurienne ? Il est insensé de lutter contre l'état d'esprit acquis évolutivement dans une structure en mal de mort…» (Catalina p 190 ).

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  2. Help, please
    " « Il est insensé de lutter contre l'état d'esprit acquis évolutivement dans une structure en mal de mort…» (Catalina p. 190)."
    Mais, ce n'est pas ce que fait depuis des années ce blog lui-même ?
    J. Suipas

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  3. Ce blog ne lutte pas "contre". Car lutter contre Caïn l'augmente 10 fois, dit le Talmud. Je lutte "pour" un état d'esprit différent qui intègre les critères de la Connaissance. J.Suiclair

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  4. Il y a aussi de nombreuse pages consacrées à "l'allié" dans les ouvrages de Carlos Castaneda.Je ne sais si vous y ferez allusion, mais je pense qu'il peut y avoir des rapprochements.
    Fidèlement vôtre,
    Carolus

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  5. Nn seulement je fais allusion à Don Juan, cité dans les livres de Castaneda, mais je dis clairement que le nom "allié" est tiré de son lexique, car c'est Don Juan qui l'appelait ainsi "Alliado" et qui en a approché le thème au plus près. L'allié de Castaneda, c'était le moustique géant et l'homme au nez de fraise… et j'en parle dans la série consacrée à l'allié. Ce sont des images symboliques qui représentent la disposition hyponeurienne… qui conditionnait Castaneda

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