samedi 20 juillet 2024

Don Quichotte, par Dominique Aubier. Pour les vrais amis de Don Quichotte !

Le secret de Don Quichotte, par Dominique Aubier
 


Il est difficile d'aborder la littérature ou la peinture espagnole sans aller d'abord à la recherche de l'humain. C'est que toute littérature part de l'homme, s'occupe de l'homme et retourne à l'homme. Elle s'en échappe pour revenir sur terre, sur la chair. Les Espagnols semblent n'avoir jamais oublié que l'art est connaissance en même temps que création. Une création qui intéresse avant tout l'Homme.

 

1. El hombre a secas

L'Homme seul et nu, l'Humain qui peut toujours surgir de n'importe qui et n'importe où. Au sommet de toutes les valeurs, l'esprit espagnol place cette statue. Une silhouette humaine, essentiellement ouverte vers l'intérieur, montrant le vrai de la chair et du sang, jusqu'à l'os, jusqu'à l'âme. Témoin de cette vérité, par-dessus toutes les plaines ensoleillées de l'Espagne, tombe l'ombre toujours exemplaire du plus espagnol des personnages, Don Quichotte.

Cervantès réussit ce coup de maître, ce tour « castizo », d'enlever du premier geste la silhouette idéale, le fantôme espagnol poussé de tout un peuple. Il le capture et le glisse dans l'armure du chevalier « errant », qui va de l'avant : « andando ». Le fameux hidalgo de la Manche est la personnification même de l'esprit d'un écrivain et dans cette personnification trop bien faite, trop bien ajustée, surgit tout naturellement l'esprit espagnol. Un esprit qui connaît le mystère de vivre. Quand un danseur, un chanteur, un torero, un artiste a, par d'obscurs chemins, conduit le spectateur à entrevoir dans lui, par son œuvre, ce fantôme de l'homme éternel des terres castillanes ou andalouses, il est courant de dire d'après l'expression devenue fameuse de Federico Garcia Lorca qu'il a du duende. Du fantôme. Pour moi, je vois le duende avec l'allure et la nervosité de Don Quichotte et cette sagesse imperturbable qui fait éclater la folie que l'écrivain prête au « plus fin entendement de la Manche ».

 

2. Miguel Cervantès de Saavedra 

naquit à Alcala de Henarès en 1547, non loin de Madrid, dans un bourg où les Gitans vont une fois l'an se réunir, dans un soulèvement de poussière qui ferme le paysage et dans quoi piétinent des milliers de mulets luisants. Il écrit les aventures de l'ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, publié en 1605, sur le tard de sa vie. 

La littérature espagnole est de celles qui exigent la maturité. Même la langue demande un long apprentissage non de la grammaire, mais de la vie. Cette langue ne se donne qu'aux sages. Le Castillan ne se livre qu'aux esprits pour qui la chair et le cœur n'ont plus de secrets. Cervantès qui écrit pendant une bonne partie de sa vie reçoit, à la cinquantaine passée, les confidences de cette langue qu'il connaît, qu'il entend, qu'il fabrique. Dans son grand livre, chaque idée se met si naturellement en image, en mouvements, que le plus faux des personnages se met à vivre, d'une vie supérieure mais identifiable au regard. Don Quichotte agit avec toute l'espagnolité en lui. C'est l'essence de l'Espagne faite chair. Don Quichotte personnifie si souvent l'esprit dan ses explications que l'on en donne pour les enfants : il est à mon avis l'écrivain lui-même, qui conte ses mésaventures spirituelles par le truchement d'un fou qui souffre de trop de sagesse. Mais c'est là chose d'Espagne où l'esprit ne se conçoit pas hors de lui-même : il existe parce qu'il se manifeste, et s'il ne fait rien, il n'est pas.

Ces aventures peuvent être lues sur plusieurs plans, ayant secret à chaque étage, pour les simples et pour les subtils, emmenant les plus obstinés à des hauteurs insoupçonnées. Don Quichotte constitue, pour l'Espagne Le livre. Don Quichotte est Le personnage. Le livre de Miguel de Cervantès est la Bible de l'Espagne. Les enfants apprennent à lire dans ces pages, les étudiants apprennent l'art d'écrire dans ces phrases, les hommes apprennent, par lui, à penser.

 

3. Briser les enveloppes pour croquer l'amande

Il est impossible de comprendre la littérature espagnole dans son ensemble sans commencer par fréquenter ce livre qui parodie les romans chevaleresques du XVe siècle. La vêture du personnage et le décor des scènes sont empruntés à cette littérature, mais que l'on ne s'y fie pas. Cervantès entre dans cette coquille vide et y loge une vie neuve. Il est difficile pour le lecteur français, j'allais dire occidental, de pénétrer du premier coup dans ces images closes qui recèlent leur secret au centre. Il faut briser les enveloppes pour croquer l'amande. Les significations enfermées dans chaque scène, dans chaque mot apparaissent vivement à l'intelligence espagnole rompue à la compréhension des symboles, des gestes, des images. En un sens, l'œuvre maîtresse de Cervantès regroupe et réunit toutes les données de la vie spirituelle espagnole, et même le paysan s'y reconnaît.

On peut dire que la philosophie latente qui mène ces aventures est la philosophie même de l'Espagne, telle qu'elle sourd de son peuple et de sa terre. C'est pourquoi comprendre Don Quichotte c'est opérer la première naturalisation à l'esprit et à la pensée fondamentale de l'Espagne. Je fais allusion ici à la pensée non exprimée, non expliquée qui soutient le style de vie des paysans, de l'énorme masse rurale qui fait l'essentiel du peuple espagnol. Au début du XVIIe siècle paraît le livre qui met en action romanesque l'essentiel de cette pensée qui n'avait pas la possibilité de s'exprimer rationnellement. Depuis, ce livre entretient ceux qui le lisent dans cette connaissance d'un peuple qui ne change pas, s'interroge toujours sur lui-même et parfait son idéal.

 


4. La géométrie éthique - esthétique de Don Quichotte

Cette présence de l'Homme, dans Cervantès, est si caractéristique qu'elle décide même de ce que l'on pourrait nommer la géométrie esthétique. Le cadre dans lequel le plus « castizo » des auteurs place le plus « castizo » des personnages a toujours, en tout cas, cette proportion qu'auront les tableaux de Goya, l'horizontalité de la terre s'imposant à la plus grande dimension, le tableau mis en largeur plutôt qu'en hauteur. Et dans ce cadre, en plein milieu, dos tourné au lecteur mais fonçant vers l'horizon, Don Quichotte droit et hissé sur son cheval maigre afin d'en occuper toute la hauteur accordée. Vers quoi court-il à la vitesse de son cheval et de son imagination ? Remarquez-le : toujours vers des humains, sans souci du paysage, ayant plutôt soin de ce qui permet à l'être de venir, d'approcher, à ce qui est strictement humain dans les paysages, les chemins et les routes.

Cette préoccupation va loin. Elle engage la morale de tout un peuple qui dit : « Nadie vale mas que nadie », personne ne vaut plus que personne, et qui corrige cette affirmation toute métaphysique — la métaphysique espagnole étant retournée vers le cœur, vers l'être, et non partie de ce regard vers l'extérieur qui invente des dieux — par cette autre affirmation morale qui impose à l'homme, de se créer lui-même en toute responsabilité : « Chacun est fils de ses œuvres. » Ainsi, à une mauvaise plaisanterie du Duc, Don Quichotte répond que « Dulcinea est fille de ses œuvres et que les vertus corrigent le sang »… 

Le sang de Dulcinée avait-il donc besoin d'être « corrigé » de quelque indignité ? La question du sang… vaste préoccupation du Quichotte, qui traverse les siècles depuis que l'Inquisition, en prise directe avec le peuple d'Espagne de 1480 à 1820, exigeait que la pureté de l'hémoglobine garantisse le caractère immaculé de la « blanche colombe tobosine ». La maîtresse du Quichotte n'en est pas moins restée qui elle était, paysanne enfourchant le mulet, poitrine engageante si nous en croyons les estimations de Sancho, pas bégueule pour un sous, le bras leste, « n'ayant pas son pareil pour saler le cochon ». Le sous-entendu est énorme, tendu au-dessus de la corde raide qu'est l'Espagne dévote, tout adonnée à l'adoration de ses saints, à qui Cervantès — révolutionnaire — jette le défi d'être jamais démasqué, dans son jeu de cryptage qui serait ludique s'il n'était excessivement périlleux — encore aujourd'hui — de le mettre à jour… L'exégèse attendue — « tendra necesidad de comento para entenderlo » : mon livre aura besoin d'un commentaire pour être compris, précise Cervantès — est sans doute le véritable héros du Quichotte…
 
 
L'exégèse de Don Quichotte se développe en plusieurs volumes :
  
Ouverture 1
Don Quichotte Prophète d'Israel
Le codage hébreu et araméen de Don Quichotte
Traduit en espagnol sous le titre Don Quijote Profeta y Cabalista

Ouverture 2
Victoire pour Don Quichotte
Les sources hébraïques et araméennes de Don Quichotte. Décryptage du texte original.

Volume 1.
Don Quichotte, le prodigieux secours du messie-qui-meurt
La dimension messianique de Don Quichotte, décryptage du texte original de Cervantès,

Volume 2.
Don Quichotte, la révélation messianique du Code de la Bible et de la Vie
Le message du Quichotte traversant les siècles, au service de la Vie
Éd. M.L.L.  Livre cousu, 445 pages, 18 x 24 cm, lettrines et gravures extraites de l'original de 1608, : 47 €

Volume 3.
Don Quichotte, La Réaffirmation messianique du Coran
Don Quichotte et le soufisme d'Ibn' Arabî et Mansur Al Hallaj  

Film
El Secreto de Don Quijote
Film espagnol de Raùl Rincon, RTVE, prix du meilleur documentaire au festival Las Duñas
avec Dominique Aubier, en DVD, sous-titré en anglais, Luca-films, 32 €
 



 

lundi 8 juillet 2024

Les Nuits blanches de Féodor Dostoïevski et le film Saawariya, de Bhansali. Deux œuvres d'essence quichottienne

par Dominique Blumenstihl-Roth

Je viens de lire un livre superbe. Les Nuits blanches de l'écrivain russe Féodor Dostoïevski (1848-1881)*.
Ce magnifique roman raconte l'histoire d'un jeune homme solitaire — le narrateur — qui fait la connaissance, par une nuit, d'une jeune femme éplorée. Elle attend, sur une passerelle, le retour d'un mystérieux amant qui, un an plus tôt, sans explications, est parti, tout en lui promettant de l'épouser dès qu'il reviendrait.
Le narrateur est épris par cette âme en désarroi. Ironie dramatique, le sentiment qu'il éprouve reçoit réciprocité alors qu'elle est de toute son âme attachée à un autre. Nastenka, sans renoncer à son amant, d'apprécier la pureté des sentiments du jeune homme nouvellement entré dans sa vie. Ivre de la soudaine découverte de l'Autre, le narrateur flambe une euphorie partagée par Nastenka, qui cependant souffre le tourment d'une absence. Celui qu'elle aime n'est pas au rendez-vous comme il l'avait promis. L'affliction envahit l'âme de la jeune femme, qui ne peut imaginer qu'elle ait pu être trahie. Elle oppose au doute la réplique de l'autodérision et l'acuité de sa conscience face à ses propres sentiments. Rien ne peut affaiblir le lien l'unissant à celui qui, le premier, lui a tendu la main. Et rien non plus ne peut amoindrir l'amour sincère qu'elle éprouve pour le narrateur à qui elle confie son histoire.
Elle demande à son nouvel ami comment elle pourrait faire pour retrouver la trace de son amant évaporé. Il lui suggère de lui adresser une lettre qui serait déposée chez des personnes pouvant la lui remettre. Le narrateur, enthousiaste à l'idée d'aider son amoureuse (à retrouver son concurrent !), compose une missive inspirée qu'elle approuve. En peu de mots, précision subtile de l'esprit se connaissant lui-même, le narrateur écrit et assume à la première personne la lettre que Nastenka destine à son invisible amour.

1. La lettre de Nastenka
J'ai cru reconnaître en ces lignes la réponse que Dulcinée, si elle était assujettie au devoir de réponse, aurait pu écrire à Don Quichotte en réponse à la missive qu'il lui adresse au chapitre 25 tome I. Sous la plume de Dostoïevski, Nastenka s'adresse à celui qui la tourmente :

« Maintenant que vous êtes revenu, peut-être avez-vous modifié vos intentions. Cette lettre vous dira alors que je ne me plains ni ne vous accuse. Je ne vous accuse pas, car je n'ai point de pouvoir sur votre cœur, tel est sans doute mon destin !
« Vous êtes un homme honnête. Ces lignes impatientes n'éveilleront ni votre sourire ni votre agacement. Souvenez-vous qu'elles sont écrites. Souvenez-vous qu'elles sont écrites par une pauvre jeune fille, qu'elle est seule, qu'elle est seule, qu'elle n'a personne qui l'instruise ou lui donne un conseil, et qu'elle n'a jamais su faire obéir son cœur. Mais pardonnez-moi si le doute s'est glissé un instant dans mon âme. Vous êtes incapable, même par la pensée, d'offenser celle qui vous a tant aimé, et qui vous aime… »


Echappant à tout jugement moral, à toute analyse psychologique, une désarmante sincérité illumine les personnages ; leur rencontre élève les âmes jusqu'à atteindre l'intime de leur destin. Se moquera-t-on de la naïveté de l'expression quand elle dit la vérité la plus profonde ? La vérité des cœurs vibre aux sollicitations des forces archétypales jetant les êtres les uns vers autres : plus que les personnages eux-mêmes, la déroutante intrigue met en scène la jubilation de leur relation, la joie des confidences, la secrète combustion des braises passionnelles. Les cœurs se livrent ; ils voudraient se dérober à l'inévitable, mais une intraitable puissance exige que s'accomplisse la volonté invisible de la seconde rencontre et des retrouvailles attendues avec l'hôte mystérieux. Nastenka, ne renonçant aucunement à ses sentiments pour le narrateur, retrouve celui à qui l'enchaîne le vouloir du destin : celui qu'elle attendait et qu'elle aurait attendu toute sa vie.

2. Un roman métaphysique
Dostoïevski intitule son ouvrage « roman sentimental, extrait des souvenirs d'un rêveur ». Cette dénomination dissimule la dimension métaphysique de l'œuvre où les archétypes entrent en action à chaque page : rangeant lui-même son roman dans la catégorie de l'onirisme, rubrique sentimentale, il ouvre par cette classification une brèche dans l'esprit du Lecteur qui, sans même s'en douter, livre sa conscience à l'impact d'une intention tout autre que celle annoncée : en effet, l'écrivain, ayant identifié certains invariants archétypaux, les mets en scène et en projette, sous couvert de « rêverie », les effets qu'ils produisent. Ainsi l'alliance existentielle entre Nastenka et son invisible amant évoque la connexion ontologique nous attachant à l'influx subliminal, informateur de nos existences, cette pensée « venue de plus loin »  dont nous recevons et attendons les instructions.
Les forces du destin sont constamment à l'œuvre dans ce roman d'exploration de la réalité métaphysique humaine, histoire qui nous renvoie vers nous-même : en effet, comme le narrateur, ou comme Nastenka, nous avons tous l'occasion, au moins une fois dans nos vies, d'éprouver la singulière beauté d'une rencontre déterminante avec le partenaire qui reçoit notre confidence et qui sait tout de nous : le narrateur ici est de toute évidence le Gardien de Nastenka, protecteur et garant de sa destinée, vecteur directeur en tension vers son accomplissement. Le subtil écrivain a dû relever la présence active de ces forces mystérieuses en scrutant le cours de sa propre existence ; aussi ce court roman n'est-il pas un récit onirique mais un véritable traité où le regard objectif d'un initié expose les effets, dans la vie, de la percutante rencontre de l'être avec son Gardien tutélaire. Pour Nastenka, comme pour le narrateur, il s'en suit une déflagration lumineuse de leur conscience soudain éveillées où l'amour s'impose comme la donnée intégrale conditionnant leur avenir, quand bien même ils ne vivraient pas ensemble.

3. Le film Saawariya
Le cinéaste Indien Sanjay Leela Bhansali a réalisé une adaptation de ce délicat ouvrage — Dostoïevski est loyalement nommé au générique. Un pari pleinement réussi, sous le titre « Saawariya »**. Dans les rôles principaux, la jeune comédienne Sonam Kapoor dont c'est la première apparition à l'écran ; Ranbir Kapoor, dans rôle du narrateur. Le cinéaste, célèbre pour ses films Devdas et Black, a inventé, pour le décors, une cité internationale fantasmagorique composée d'éléments architecturaux prélevés des capitales du monde, éclairée de lumières tantôt saturées et finement complémentaires, tantôt conditionnées par un bleu profond évoquant l'intériorité des univers mentaux propres aux personnages. Il met en scène non seulement la romance — indispensable support narratif — mais également, par des jeux de colorisation très recherchés, l'espace intérieur de l'âme éprise du sentiment amoureux. La ville utopique dans laquelle se déroule l'aventure est en réalité l'image de la cité cérébrale qu'explorent les personnages selon leurs déterminations archétypales. Tout ici est symbole, le moindre geste, le moindre regard : les yeux de Chakinah filmés en gros plan, son collier perdu puis retrouvé, le clocher de l'improbable tour à l'intérieur de laquelle tourne une horloge au cadran translucide — transparence du temps non mesurable face au temps de la vision intérieure où les êtres échappent à la subordination de l'espace. Tout ici s'offre au regard et demande à être vu, compris, décrypté. Les dialogues tantôt pointillistes, parfois explicites, s'expriment en un langage élégant et précis : celui des cœurs cherchant à se dire l'un l'autre ce qui cependant reste dans le domaine du non-dit.

4. La Chékinah demeure
Sous la caméra inspirée de Sanjay Leela Bhansali, Nastenka devient Chakinah. Le cinéaste a judicieusement choisi ce nom qui laisse entendre, à travers cette transposition, l'écho de la Chekinah, la puissance de la grâce spirituelle protectrice de l'être. Dans la tradition juive, la Chekinah incarne « la Présence » divine dans le monde — bien que Dieu ne soit pas de ce monde. La Chékinah fût-elle en exil, est « ce qui demeure », du verbe hébreu « chakan » : rester. Elle est ce qui persiste au travers du Temps, auquel elle n'est pas assujettie ; elle est la mémoire du temps, se donnant à lui-même le temps d'être. Ce que Miguel de Cervantès appelle « donner du temps au temps » — dar tiempo al tiempo***.
Elle est la Connaissance de tout ; elle est ce à quoi il s'impose de s'unir, dit le Zohar ; celle à qui la vocation d'amour incombe. Elle doit aimer et être aimée. Chekinah - Chakinah rencontre celui à qui elle peut raconter son histoire d'amour la liant d'une part à l'humanité, d'autre part à l'invisible donneur d'information dont elle ne peut se séparer. Cette double union ontologique suscite la vive émotion de celui qui l'écoute : lecteur-spectateur succombant à son tour à l'éthique supérieurement métaphysique de la relation.
L'interprétation de Chakinah que compose la comédienne Sonam Kapoor est stupéfiante, tant elle pénètre l'âme de l'héroïne littéraire et en restitue, sous l'éclairage sophistiqué des studios de Mumbai et la direction du réalisateur, toute la richesse. A quoi elle ajoute sa grâce personnelle et une fine intelligence tout au service du personnage et du concept incarné. Le mystérieux amant est subtilement interprété par Salman Khan, l'invisible informateur dont la présence rare, subreptice et puissante oppose au jeu fantasque du narrateur un contrepoint de forte densité. Le temporel, le monde factuel, son illusoire séduction quant à eux, sont interprétés par l'extraordinaire comédienne Rani Mukerji tenant le rôle d'une prostituée au grand cœur qui, sans cesse, alliée du narrateur, le protège de cela même qu'elle incarne d'envoûtante tentation. Elle est l'alliée du jeune couple qu'elle entoure d'une aura protectrice, se livrant elle-même à la déliquescence du monde, mais sans jamais lui sacrifier son être profond.
Ni le film, moins encore le roman dont il est issu, ne relèvent de l'onirisme, mais du réalisme le plus exact, où chaque image — verbale ou photographique —, chaque réplique pénètre l'esprit et y sollicite le commentaire attendu de sa révélation. Le film de Sanjay Leela Bhansali et le roman de Dostoïevski sont des œuvres de pure essence quichottienne.


* Féodor Dostoïevski, Les Nuits blanches, trad. André Markowicz, éd. Actes Sud, 1992.
**Saawariya, film de Sanjay Leela Bhansali, interp. Ranbir Kapoor, Sonam Kapoor, Rani Mukerji, Zohra Sehgal.
*** Miguel de Cervantès, Don Quichotte, chap. 71, vol. II, éd. Garnier, 1989, p. 1059.
 
Ce texte sera publié dans le volume 2 des Nouvelles Exégèses de Don Quichotte.
 

mercredi 3 juillet 2024

La 23ème lettre de l'Alphabet hébreu. Un livre pour les initiés.

La 23e lettre de l'Alphabet hébreu
Un livre
de Dominique Aubier


Quelle est l'origine des violences qui embrasent la planète ? Comment remédier à l'état de barbarie qui marque notre époque ? La tragédie, commencée par la mauvaise sortie du Jardin d'Eden, a conditionné l'évolution. Peut-on redresser ce départ ?

Abraham, Isaac, Jacob et toute la généalogie des prophètes d'Israel — dont Moïse — ont travaillé à cette correction, avec pour outils, leur propre vie et la connaissance de l'alphabet hébreu dont les 22 lettres écrivent les algorithmes de l'universel. Cependant, cet alphabet a subi une altération. Il lui manque une lettre dont la descente sur terre a été blessée. La 23° lettre de l'alphabet hébreu ! Consigné dans la Bible, ce glyphe unique surgit au cœur d'événements dramatiques. Deux experts de la Kabbale en ont parlé : le kabbaliste anonyme catalan du 12° siècle, auteur du Sefer Ha Temouna qui en effleure le thème et Cervantès qui la désigne, dans Don Quichotte, à couvert d'une calligraphie dont il fait réaliser le moulage. Quel est le sens de cette lettre ?

Appliquant la méthode kabbalistique du Qorban — le Rapprochement — Dominique Aubier consulte les sciences et localise les fonctions cérébrales dédiées au Verbe. Elle salue les efforts des chercheurs (Damasio, Edelman, Changeux, Sacks) qui ont abouti à la thèse selon laquelle il doit exister un langage de l'Universel. Un locuteur général qui justifierait l'existence de nos facultés communicatives. Notre cerveau, dès la naissance, adhère à une langue maternelle de l'Univers, une langue du Système, dont les glyphes écrivent les lois universelles. Est-ce l'Hébreu, cette langue naturelle distributrice du sens qui nous est donnée sans conditions ? La langue de Moïse et des grands prophètes nous est offerte. Un don absolu se déverse en nous : si toutes les langues du monde conservent leur royauté correspondant au génie des territoires spécifiques dont elles sont les inductrices, une seule cependant est donneuse du sens ultime, l'hébreu et ses 23 lettres libérant la sémiologie du Réel.

Cette 23e lettre de l'alphabet hébreu est enfin libérée. Elle est toute intelligence du système alphabétique. Émettrice de vérité, de raison, de normes, elle est la charte fonctionnelle du cerveau. Elle restaure l'humanité dans son ontologie.

En rétablissant l'intégrité de l'Alphabet hébreu sur ses 23 lettres d'origine, cet ouvrage ouvre des temps nouveaux. La donnée d'origine est restituée, mettant fin aux temps barbares : une chance de libération, de rachat des douloureuses emprises du passé. Ce livre exceptionnel, véritable porte-bonheur, s'adresse à tout esprit sensible à la parole, au langage, au sens, à tout lecteur impatient de connaître le secret de l'alphabet hébreu. La 23° Lettre de l'alphabet hébreu est le premier des trois tomes de La Haute Kabbale de l'Éternité.

D. Blumenstihl-Roth


La 23e lettre de l'Alphabet hébreu

éd. M.L.L.
18 x 24 cm, dos carré, 482 pages