Conversation sur Don Quichotte avec un Lecteur averti.
Dans la série poursuivre le désenchantement de Dulcinea, je partage ici une conversation que j'ai eue avec un lecteur bien informé de Don Quichotte.
« Ceci n'est pas Don Quichotte ». ©dbr |
Réponse : Don Quichotte ne détourne pas le réel. Il en fait une lecture immédiate au travers de sa capacité visionnaire. Don Quichotte n'imagine rien, il voit. Il subit la pression des messages qui lui sont adressés et ces derniers prennent la forme des symboles. Il est un lecteur de l'immédiateté des signes. Il voit, comme le préconise don Juan, le sorcier amérindien Yaqui, le Maître de Carlos Castaneda, quand il dit qu' « un être de connaissance ne sait que ce qu'il voit… » Cataloguer cette perception de relation à l'imaginaire, cela serait une confortable manière de nous débarrasser de sa perspicacité de voyant. A moins que je ne considère l'imagination comme la force qui lui serve à assumer la part spirituelle de l'épreuve de vivre ? On l'appelle d'ailleurs « la folle du logis », parce qu'elle seule peut refléter la folie d'une existence. Je ne crois pas que la raison raisonnable n'en atteigne jamais les mérites. Quant à analyser l'imaginaire d'une personne ou d'un peuple, cela serait d'une grande utilité si l'on disposait de la grille de lecture autorisant la performance…
Question : Vous parlez des « mérites » de l'imaginaire…
Réponse : Oui, les luxuriances, si vous préférez. Elles procèdent de la réception d'une information inaugurale que l'imaginaire met ensuite en œuvre. La vie part d'une séquence parlée, « enregistrée » en quelque sorte dans les écritures de nos chromosomes. Les promesses sont inscrites là, et la vie — le fait de vivre — consiste à réaliser ces promesses. Elles s'ouvrent dans une structure d'Absolu qui se sert de ces éléments nourriciers pour révéler à la fois son existence et le plan qui formule le but de l'être. La raison ne peut à aucun moment infléchir le mouvement constructeur d'une existence. Nos existences ne sont pas raisonnables. Elles sont une forme de folie, dont il convient de faire l'éloge et de trouver le sens.
Question : La conscience, tout de même, intervient. La raison, la réflexion, la volonté.
Réponse : Oui, la conscience a affaire avec l'imagination. Et l'on s'imagine accomplir en toute raison des réalités qui s'inventent et qui constituent peu à peu la folie de notre participation minuscule à la pensée universelle.
Question : comme Don Quichotte est au cœur de la discussion, cela voudrait-il dire que votre folie passe par celle de Don Quichotte ?
Réponse : Je sais qui je suis grâce au Maître qui me l'a fait comprendre. Elle était une quichottiste et par contagion (méfiez-vous à trop me fréquenter) je puis bien dire que la sollicitation du Quichotte m'a captivé. J'ai subi, comme mon Maître, l'inoculation quichottienne, augmentée de ses travaux d'exégèse sur le sens de ce qu'il fallait en comprendre. Au début, je n'en voulais pas. Ce qui confirme, par l'Inversion, que cela m'était indispensable. C'était l'Appel de Don Quichotte, l'appel de l'Espagne et à travers eux, l'appel de la kabbale hébraïque à quoi je devais répondre. Mais au delà de la kabbale, j'étais appelé à devenir l'élève de la personne dont l'œuvre se situe au-delà de la kabbale, dont le mouvement historique atteint son apogée avec le Zohar. Avec Dominique Aubier, j'entrais dans le monde du Quichotte, post-kabbalique. Et avec ses exégèses, je pénétrais dans le monde post-quichottien. Serait-ce une folie de dire que ses travaux ouvrent sur l'espace messianique ? En ce sens, Dominique Aubier n'était plus une kabbaliste, ayant franchi cette étape du processus révélatoire (celle du Dalet de Pardès) : elle est résolument active dans le Sod, en complicité avec Dulcinée du Toboso, du Tob/Sod, le bon secret du quatrième niveau d'organisation, le Sod. Elle dévoile l'identité du motif d'absolu, s'appuyant sur l'ouverture pratiquée par Cervantès au chapitre 62 du volume II du Quichotte. Si ce n'est pas messianique, alors que l'on me dise ce que c'est. Je n'ai pu que suivre, comme le fit Sancho Panza, et comme lui, je croyais qu'en compensation, je recevrais un jour une île à gouverner. Cette île, j'ai l'ai conquise. C'est juste l'île de moi-même, dont je suis le maître-serviteur en unité conciliée.
Question : Vous parlez toujours de Don Quichotte comme si les trésors du Temple s'y cachaient dedans. Qu'y a-t-il de tellement spécial ?
Réponse : Ce n'est pas directement Don Quichotte qui m'a attiré à lui. Jamais je ne me serais rendu en Espagne sur la route touristico-littéraire du Quichotte. Si j'ai franchi les Pyrénées pour me rendre en Andalousie, c'était pour une tout autre affaire que visiter la Péninsule. C'était pour une affaire de famille (j'en ai raconté le détail dans mon livre Jean Racine, kabbaliste au service du Roi). Je recherchais alors mon père qui vivait dans le Sud de la France. Et c'est lui qui m'avait conseillé de rencontrer l'exégète de Don Quichotte, qui n'était autre que sa propre sœur. J'avais alors 27 ans, et c'était la première fois (et la seule fois de ma vie) que mon père me donnait un conseil. Je l'ai suivi. Cela m'a mis sur les rails de la Connaissance, à son plus haut niveau de conceptualisation. Je suis tombé droit dans la Caverne de Montésinos, me retrouvant face à Don Quichotte qui m'empoigna et qui, depuis, ne m'a jamais lâché. Je suis devenu l'éditeur de Dominique Aubier, éditeur des exégèses tablant sur la victoire de Don Quichotte. C'est mon destin. Si je pense à la réalité spirituelle que recèle cette œuvre, alors je suis l'homme le plus riche de la planète.
— Et quels sont vos projets ?
— Il y a encore quelques manuscrits de Dominique Aubier qui méritent d'être publiés. Son livre La Porte de France vient tout juste d'être édité. J'envisage aussi de publier un récit où je raconterai comment j'ai rencontré le Maître, comment la rencontre fut inévitable, me mettant face à mon destin. Un destin qui ne cesse de s'écrire, malgré des adversités puissantes qui tentent d'empêcher le projet éditorial. Mais cela est normal, Don Quichotte avait, lui aussi, de sacrés adversaires, comme le géant Malambruno, grand coquin fort intelligent dont il finit par obtenir le respect. Rien ne peut entraver la marche du Quichotte, pas même ceux qui s'imaginent que la réalité quichottienne n'ait pas eu lieu. Leur imaginaire est trop étriqué ou désespéré. L'un de mes projets est de me rendre au Toboso. J'y étais allé avec le Maître, lors d'une équipée sur la route du Quichotte. C'est le village le plus célèbre d'Espagne.
— Vous pensez y retourner vivre ?
— L'énergie va de l'avant et ne régresse pas. L'énergie a passé les Pyrénées, avec don Gaïferos et Mélisandre. J'ai participé au transfert, avec le Maître, quand nous avons traversé la frontière en 1992, afin d'inscrire, en France, le message du Quichotte. Ce serait une erreur de retourner vivre sur le territoire antérieur alors que l'énergie pousse de l'avant. Me rendre au Toboso… c'est une métaphore pour dire que je me tourne vers Dulcinea, figure de la Schékina accompagnant l'homme en tout lieu et tous ses projets.
Avec Dominique Aubier, l'énergie du Quichotte s'est transcendée en exégèse. Certes la France ne reçoit que faiblement le signal du Quichotte, elle est victime de son Tzadé, initiale de son nom, et de son incapacité à s'engager sur la branche menant au Resch, comme son nom Tzarfat le voudrait. Elle se laisse séduire par les extravagances de la branche gauche du Tzadé, oubliant le parcours de l'énergie quand elle reflue vers la branche droitière. Mais il se pourrait que 10 personnes, 10 lecteurs suffisent, car Dieu se serait contenté de 10 consciences pour sauver Gomorrhe. Abraham ne les avait pas trouvés, ces dix vertueux. Il était seul et Dieu s'en est contenté. J'ai plus de chances, les ouvrages de mon Maître bénéficient d'un « bouche à oreille » remarquable qui contourne les médias obstaculaires. L'œuvre existe, elle fait son chemin. Elle agit dans le monde. Don Quichotte est à l'œuvre. Chaque lecteur est une île où l'esprit élit domicile et le message se propage ainsi, d'être à être, dans la confidence d'une vérité bonne à dire, heureuse à entendre…
La suite au prochain Blog…
4 commentaires:
Délicieux DaBaR qui nous emmène sur la trace unique que son père lui a soufflé . Et il fut emporté par son homonyme Dominique vers des sommets de connaissance .Là , on peut dire que l'énergie ne régresse pas .
Dans le procédé narratif utilisé pour nous conter l'affaire , ce question /réponse ,parfois on pourrait entendre les questions de Paul Amard dans Catalina D.A (qui est un ouvrage magistral), pourtant une petite voix me dit que DBR s'interroge afin de se répondre .C'est drôle et sympathique .
C'est Pierre Amard et non Paul , çà mérite la correction immédiate .
Imaginer = mettre sous forme d'image.
Image réelle ou image virtuelle disent les spécialistes de l'optique.
Notre "réalité" la plus objective parvient au cerveau où elle est traitée par les influx nerveux générés par la lumière frappant les cellules rétiniennes.
On ne s'éloigne pas du sujet.
Soudain DBR a changé l'image illustrant son dialogue par une peinture frappée de son copyright et au titre magrittien de "Ceci n'est pas Don Quichotte".
Quelques googelisations plus tard voici sur ce titre, eureka, bingo !
u as raison, Sancho, reprit don Quichotte ; car, en effet, celui-ci ressemble à Orbanéja, un peintre qui demeurait à Ubéda, lequel, quand on lui demandait ce qu’il peignait : « Ce qui viendra » disait-il ; et si par hasard il peignait un coq, il écrivait au-dessous : « Ceci est un coq » afin qu’on ne le prît pas pour un renard. C’est de cette façon-là, Sancho, si je ne me trompe, que doit être le peintre ou l’écrivain (c’est tout un) qui a publié l'histoire du nouveau Don Quichotte ; il a peint ou écrit à la bonne aventure."
DQ Partie 2, Chapitre LLXL, traduction Louis Viardot page 1061 Garnier 1961.
Quel merveilleux double sens de " écrit à la bonne aventure" pour qui a lu - même juste un peu de - Dominique Aubier "
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