Avoir du cœur est une affaire d'intelligence
Un texte original de Dominique Aubier
Il y a 6 mois environ, j'ai reçu une longue lettre émanant d'une lectrice qui suit attentivement mes travaux mais qui finissait par enregistrer dans sa conscience un malaise. D'un côté, elle adhérait à ma thèse qui lui inspirait le plus grand respect pour l'hébraïsme. Mais par ailleurs, vivant dans le monde actuel, elle était pleine de compassion pour les Palestiniens et de ce fait jugeait avec sévérité le comportement de la nation dite Israël. Elle en éprouvait une antipathie irrésistible qui la mettait en contradiction avec mes enseignements. Je n'ai pas répondu tout de suite à sa requête. Mais dernièrement, une voix apparemment autorisé par la religion, m'a demandé si j'aimais les créatures de Dieu, elle paraissait en douter, alors qu'elle me reconnaissait un intérêt passionné pour la création et le Créateur. A ses yeux, j'étais dans une situation équivoque aimant la cause et pas les effets. Ce reproche, étant renouvelé, demande de ma part un possible éclaircissement.
Mais je ne peux pas le fournir sans invoquer les éléments informationnels sur lesquels s'appuient et mon intellect et ma psyché. Pour bien les comprendre, mieux vaut avoir vu le film L'Impromptu de Genèse. Ce document rend sensible la juxtaposition associative de deux décisions créatrices, l'une faisant apparaître la structure porteuse au moyen de la lettre Bet qui a été choisie pour remplir cet office organique, l'autre, le codage de l'alphabet qui rend sensible un déclic programmé selon lequel l'énergie cosmique investirait la structure prévue. Cet événement initial aurait été déclenché par le jeu du Tsm-Tsoum dans le Hé initial de l'alphabet, mouvement réalisé par l'énergie ambulante, le Yod. Cette opération se réalise automatiquement au moment codé d'avance où le Hé, dans la partie féminine éprouve l'émotion d'être sans énergie. Le fait de la lui accorder déclenche la Création. Cet acte est enregistré dans la structure sous la forme du point qui est au cœur du Bet dans Béréschit. Ce point représente la percée de l'énergie divine qui continue de s'écouler dans la réalité crée. Les écritures bibliques présentent sans cesse des lettres habitées par ce point, et c'est chaque fois dans l'intention de spécifier « cliniquement » une situation spécifique. Le bon lecteur de la Bible lit les points et suit à travers eux le circuit de l'énergie nourrissant la Création (continuité chronologique).
De ce dispositif duel il résulte une obligation, celle de se représenter d'une part l'état de l'organisme cosmique et d'autre part de suivre la percée dynamique de l'énergie qui le pénètre selon un ordre immuable, au fil du temps. Il y a donc deux problèmes à résoudre, d'une part, voir dans quel état se trouve la structure créée, l'étudier et le constater. D'autre part, décrypter le niveau où se trouve l'énergie. Dans cette optique, deux sortes de situation sont à différencier : énergie et structure. Quand l'énergie cosmique dévale et cascade sur son relief alphabétique prévu, dans la structure, tout se passe bien. Mais quand les hommes apparaissent, une capacité d'agir interfère et à partir de là, le parallélisme entre la structure et l'énergie n'est plus automatique, il est altéré par le comportement humain. Que celui-ci soit bon, semi-bon ou mauvais, il sera ce que les événements en font. Les événements, en s'accumulant, fondent à leur tour une influence. C'est ce que la pensée indienne appelle le karma, la Loi des actes. Le judaïsme l'appelle Mazal, la somme des événements. Mazal ou Karma, une réalité vivante parce que vécue se fait enregistrer comme un élément déterminant, lequel agit forcément à l'intérieur d'une unité tributaire de la situation alphabétique.
Cela complique le devoir d'y voir clair. C'est cette obligation qui me paralyse quand je dois parler ouvertement au public d'Internet. Cet auditoire m'est très sympathique, il présente un état d'esprit consensuel dont il est bon que je tienne compte, mais pas trop car si je m'adresse strictement à ce qu'il est capable d'assimiler, je ne révélerai rien de ce qui est de ma pensée personnelle et surtout je ne laisserai pas voir qu'il existe dans la nature une façon de penser autre que celle du regard instinctif. Dans les prestations, je veille à ce que chacun de mes objectifs reçoive sa part de satisfaction. Et je ne néglige jamais celui qui a pour but de faire comprendre la réalité de la pensée systémique et d'en faire désirer l'appropriation. Si je ne respectais pas cette part de communication, mes commentaires resteraient des illustrations imagées, comiques ou sérieuses, venant en quelque sorte agrémenter le passage du temps.
Mais je ne suis pas un amuseur public. Qu'on ne s'y trompe pas. A la lumière de ces précisions, je puis dire qu'effectivement je m'occupe surtout de l'écoulement de l'énergie et du système alphabétique où il se canalise, ce qui revient à privilégier l'aspect créateur du réel. Cela ne veut pas dire que la présence objective des êtres humains, de leur état de compréhension ou d'ignorance me soit indifférent. Il est vrai aussi que je ne m'attarde pas dans l'expression de ma compassion. Je n'en ai pas le loisir étant pressée par l'urgence d'accomplir mon devoir qui est de révéler en l'actualisant le don initial du modèle absolu.
Ce constat portant sur la disposition d'âme qui serait contradictoire en moi m'a rappelé un de mes premiers lecteurs. Dès mes premiers livres, il a été enthousiaste. Puis, un jour, il a rompu avec moi, très solennellement, en disant qu'il renonçait à suivre mes instructions parce qu'il voyait en moi une sorte de jubilation intellectuelle qui restait indifférente pour ne pas dire étrangère à la difficulté d'être un homme vivant. Où est le cœur, dans tous ces enseignements, me demandait-il. Je lui ai dit que le cœur, en hébreu, c'est Leb. Lamed Bet. Autrement dit : la structure enseigne. Le réel nous enseigne. Avoir du cœur, c'est donc faire acte d'intelligence. L'abandon à la sensiblerie n'est pas un acte de cœur. Je ne renie cependant pas la sensibilité, qui est une chose toute différente et en aucun cas je ne me désolidarise de la condition humaine pour m'adonner à la froideur de l'abstraction. Je pense que la sagesse cherche à suivre les deux instructions et je dois dire ici-même que c'est l'exemplarité décelable dans la Table des Séfirot.
Deux films ont été faits pour éclairer cette problématique : la Table des Séfirot et Séfirot, Je est un Autre. Il faut les avoir vus pour comprendre en quoi consiste l'exemplarité que je viens de citer. La Table des Séfirots (troisième films de la série sur les Séfiroth) présente une enfilade logique de dix points, 10 et pas 11, 10 et pas 9, insiste l'auteur du Séfer Yetsira. On trouve en effet dans certains livres modernes une présentation incertaine de cette table, tantôt exacte en ses 10 points classiques, mais il arrive parfois que l'une de ces présentations en ait 11.
On cite dans ces ouvrages les séfirot Hochma, Bina et Daat figurant le schème de Ségol. Des croquis ou énumération laissant alors apparaître 11 Séfirot. Ce qui est en totale contradiction avec la table de ses valeurs telles qu'elle se montre par ailleurs en toute circonstance. D'où vient l'erreur ? Elle vient de ce que ces auteurs comptent la Daat, la connaissance, comme une Séfira. C'est là une confusion. La Daat, c'est l'état de la révélation agissant au mieux dans la conscience humaine à un moment donné. La Daat est un ensemble de sagesse et de vision qui devient de plus en plus claire au fil du temps et qui descend l'échelle des séfirot dans le cycle de la révélation qui est celui dans lequel nous vivons encore. On ne peut pas confondre l'état acquit par le phénomène révélatoire avec les échelons d'infiltration énergétique qui en ont conduit la dynamique au fil du temps. Qu'il soit clair une fois pour toute que la Daat n'est pas une Séfira, elle n'est pas un lieu de percussion échelonné de 1 à 10. Elle est l'image de ce qui apparaît comme compris suivant les étages où se trouve l'énergie.
A ce titre, je suis autorisé à dire qu'au niveau de ces auteurs, les données de la révélation n'ont pas encore acquit leur totale liberté, leur définition absolue. La connaissance à laquelle ils se réfèrent est encore embrouillée dans une somme extravagante de données observationnelle, dans les textes comme dans la Bible, et aucun savoir humain ne peut échapper à l'oppression d'une telle masse de savoir. Mais la Connaissance elle-même, la Daat, finit par se libérer de ce carcan évolutif et c'est l'œuvre du temps, c'est-à-dire de la nature elle-même, que l'aider à s'en dégager. C'est toujours le temps qui travaille la Connaissance et la fait comprendre de mieux en mieux. Non pas que la Connaissance change dans ses principes, c'est la faculté de la comprendre qui change au fil du temps pour les créatures humaines. Il faudra atteindre un très haut degré de révélation pour comprendre que la Connaissance ait pu s'appeler Daat, un mot qui veut dire pratiquement, par le langage des lettres qui l'écrivent, que toute la Connaissance apparaît à « la porte des yeux » et ceci jusqu'à la fin de temps. Ce qui veut dire que le visible nous instruit à condition de le regarder à l'aide de la grille systémique, car c'est l'unique manière d'être à « la porte des yeux ». Et c'est ce que je fais quand j'essaie de notifier l'action des critères initiatiques pour lire ce que le réel me propose dans un événement récent.
Pour en revenir au problème posé au début, il y a nécessairement deux lectures à faire dans la réalité. Ce qu'elle est devenue matériellement et structurellement par l'action humaine et ce qu'elle voulait être par l'action séfirotique. Où est l'énergie, et que fait-elle, quand nous l'utilisons bien ou mal ?