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vendredi 12 avril 2024

La mission spirituelle de la France. Par D. Blumenstihl-Roth

La mission spirituelle de la France 
Nous aimons la culture. La France se gausse d'être exemplaire en ce domaine. Mais de quelle culture parlons-nous ? 
Je m'interroge sur son état en apparence fastueux qui se complaît dans les prestiges de son glorieux passé, dans la légèreté de son art de vivre, son insouciance… Une forme de vacuité prétentieuse, peut-être de délabrement sous des marques grandiloquentes ? La France est-elle à la hauteur de sa vocation ? Avons-nous considéré suffisamment l'éducation, la littérature, la connaissance ? Avons-nous été assez français — universalistes — pour nous dire à la hauteur de ce que le destin attend de nous ? Se pourrait-il que nous vivions en deçà ou hors de notre destinée ? 
Comment nous résigner à n'être que des agents productifs, contribuant au bien-être collectif matériel par des cotisations sociales, consommateurs de biens et de services engraissant banques et assurances, citoyens angoissés quant à leur retraite future, abreuvés de 342 programmes télévisuels, connectés 24 heures sur 24 dans l'attente d'un appel qui ne vient jamais ? Quand l'essentiel vient à manquer — le minimum vital pour manger à sa faim —, quand l'attention à l'être se dissout, entraînant avec elle la dégradation de la dignité humaine, quand sont bafoués le droit à l'éducation, le droit au logement, le droit même de penser : alors survient en recours soit la violence, dans sa folie meurtrière, soit le droit à la folie quichottienne, suprême philosophie d'espérance. Pour ce qui me concerne, j'opte pour la démarche quichottienne. Ce n'est pas une attente, mais la mesure d'une action à mener, celle de participer à la mission dévolue à la terre et au peuple de Tzarfat. C'est-à-dire l'engagement par contrat d'alliance entre le territoire et sa vocation.
 
La France n'a de sens que dans la perspective du messianisme devant émerger d'elle sous conduction émanée du Sinaï. J'ai lâché le mot fatidique : « messianique ». La France le serait-elle ? Le messianisme est un mot qui fait rire ou trembler. 
En réalité, ce n'est rien d'autre qu'une position de l'esprit devant s'instaurer selon certaines règles et étapes. C'est une étape de la Révélation dont, sans aucun doute, Jésus est l'un des marqueurs, au sens où il ouvre un cycle vers l'Occident avec une visée sur l'universalité. Une étape, non l'aboutissement, qui reste à construire. Il serait absurde de minimiser son action symbolique donnant à voir, à travers sa mort, combien l'humanité est clouée sur la Croix. Sa crucifixion — supplice romain — est un symbole puissant qui s'est inscrit dans la mémoire du monde. Elle désigne l'humanité entière qui pourrait bien finir de la sorte si nous ne prenons garde. Il est donc temps de le décrocher, ce malheureux Christ-humanité, de passer à une étape suivante, post-religieuse, et désormais explicative, les religions étant des systèmes de codification symbolistes, dont le sens aujourd'hui échappe aux institutions qui voudraient les maintenir à tout prix. L'énergie propulse l'Histoire, pouvons-nous rester en-dehors du progrès qu'elle écrit ? 

Les temps post-religieux sont là
Le mot Tzarfat (France) a pour valeur numérique 770. Même valeur que « Tu t'étendras », Genèse 28 verset 14. La mission « Tu t'étendras » est en cours. En effet, le temps des religions se termine, mais non le temps de la Connaissance qui poursuit son chemin. Terminé, également, le temps de la science autoritaire, qui se croit seule à décider de la marche du monde, qui s'imagine porteuse de l'éthique et de la morale tout en écartant, au nom de la prétendue objectivité et liberté de recherche, tout ce qui limiterait son pouvoir. Ce qui s'étendra, c'est la Connaissance et plus singulièrement en France. Je parle de la Connaissance dégagée des rituels et symbolismes archaïques. La Connaissance actualisée, par-delà les formes crispées de l'adhésion religieuse, par-delà le dogmatisme scientifique. 
Le messianisme, étant post-religieux, asséchera le stade de la religiosité pure pour le remplacer par l'intelligence totale. D'où l'opposition des religions à ce que paradoxalement elles annoncent : l'émergence messianique. Les unes affirment que cette émergence serait déjà réalisée, ce qui leur garantit un statut d'éternité, plus rien ne pouvant les perturber. Les autres estiment que le messianisme est à venir… le plus tard possible, à la fin des temps, ce qui donne pas mal de marge pour en parler pourvu qu'il ne vienne jamais. Et voilà que survient le retour de l'intégrisme religieux. Expression du « retour archigénique » : en fin de cycle, il y a toujours un retour momentané à l'archigène fondateur. A l'opposé de ce « retour au type ancestral » que Nietzsche appelait « l'Eternel Retour » et qui ne dure qu'un temps, il s'opère une montée vers un cycle nouveau, une sortie culturelle de synthèse. Le messianisme est une « sortie ». La prophétie Obadia prévoit que cette émergence s'effectue dans l'aire géographique de l'Occident, territoire structurel d'élection pour le manifeste. La fonction du messianisme consiste dès lors à faire sortir — expliquer — le Code de la Vie. C'est le rôle de la France que dévoiler, faire connaître, faire sortir et donner à voir l'identité du motif d'universalité. C'est dans son nom : Tzarfat, et plus précisément dans la lettre Resch de son nom et dans la lettre Pé qui désigne la fonction de dire, de parler. Parler l'identité du motif d'universalité, sans jamais se départir du rail sinaïtique : assumer le Tzadé avec ses deux branches par quoi se réalise l'union entre Connaissance et Science. C'est l'esprit même de son territoire, de ses contradictions, que parvenir à unir les contraires, et reconduire vers la source la mise au clair qui en découle. 


A lire :

vendredi 8 mars 2024

Cervantès, Don Quichotte et les chats. Par Dominique Blumenstihl-Roth

 Seulement pour les vrais amis de Don Quichotte : Paru dans la revue IN VIVO ARTS :

Dominique BLUMENSTIHL-ROTH : 

Ceux qui jouent avec les chats doivent s’attendre à être griffés…

 

RÉSUMÉ

L’étude  explore l’investissement animalier de la scène théâtrale au travers de trois grands auteurs du Siècle d’Or espagnol, qui se sont appréciés... et détestés : Cervantes — Don Quichotte — où chien, chat, cheval, cochons, lions et mulets portent un symbolisme exprimant les niveaux sémiologiques de l’expression ; Francisco Quevedo, auteur de Cabildo o la Consultacìon de los Gatos (la Consultation des chats), théâtre animalier anthropologique où les chats apprennent à imiter l’espèce humaine, miauler afin de réussir à dire Mio, c’est-à-dire moi ; Felix Lope de Vega, familier de l’Inquisition, possible inventeur du faux Quichotte signé Avellaneda et auteur d’un impitoyable Gatomaquia visant à réduire Cervantes au travers d’une mascarade cinglante. Partant de la physique quantique de Schroedinger, l’article ouvre le coffre d’où s’échappe un bestiaire théâtral qui pourrait effaroucher le lecteur, car comme le dit Cervantes : « ceux qui jouent avec les chats doivent s’attendre à être griffés »...

MOTS-CLÉS : Cervantes, Quichotte, Quevedo, Lope de Vega, Avellaneda, Marranes.

 

Those who play with cats should expect to be scratched 

ABSTRACT

The study explores the animal investment of the theatrical scene through three great authors of the Spanish Golden Age, who appreciated and hated each other : Cervantes — Don Quixote — where dogs,cats, horses, pigs, lions and mules carry a symbolism expressing the semiological levels of expression ; Francisco Quevedo, author of Cabildo o la Consultacìon de los Gatos (the Consultation of the Cats), anthropological animal theater where cats learn to imitate the human species, meowing in order to succeed in saying Mio, that is to say me ; Felix Lope de Vega, close to the Inquisition, who possibly wrote the fake Quixote signed Avellaneda and author of a ruthless Gatomaquia aimed at reducing Cervantes through a scathing masquerade. Starting from quantum physics, the study opens the trunk from which escapes a theatrical bestiary which could well frighten the reader, because as Cervantes says : "those who play with cats must expect to be scratched"...

KEYWORDS : Cervantes, Quixote, Quevedo, Lope de Vega, Avellaneda, Marranos.

Ceux qui jouent avec les chats doivent s’attendre à être griffés…

 

Ceux qui jouent avec les chats doivent s’attendre à être griffés…

samedi 10 février 2024

Hommage à Sophie Scholl et Hans Scholl, héros de la résistance en Allemagne contre le nazisme

Hommage à Sophie Scholl et Hans Scholl

Le 22 février, commémoration et hommage à Sophie et Hans Scholl, héros de la Résistance contre le nazisme.

 

De 1942 à 1943, Hans et Sophie Scholl, avec leur ami Alexander Schmorell, jeunes étudiants à l'Université de Munich, au cœur de l'Allemagne nazie, ont construit un réseau de résistance avec des ramifications dans plusieurs villes.

Ils ont imprimé, échéances régulière, six tracts diffusés à des milliers d'exemplaires, appelant à l'insurrection contre le nazisme, au nom du respect des valeurs humaines, de l'éthique et des valeurs de l'esprit. Ils ont dénoncé les crimes contre les Juifs, les massacres, la politique négationiste : pour eux,  « on ne peut discuter d'esprit avec les nazis, pour la simple raison qu'ils en sont la négation. »

Bravant le régime totalitaire, d'un admirable et exemplaire courage, ils ont appelé à la conscience, dénoncé l'imposture nazie, qu'ils ont identifiée avec précision comme un régime d'inspiration satanique dont l'objectif était de mener l'humanité à sa déchéance. Ils préconisent, dès 1942, le renouveau d'une Allemagne démocratique et fédérale au cœur d'une Europe réconciliée.

Ils sont l'honneur de l'Allemagne et prouvent que tous les Allemands n'étaient pas complices. Arrêtés par la Gestapo en février 1943, exécutés le 22 février après un simulacre de procès, ils ont payé de leur vie leur extraordinaire courage.

D. Blumenstihl-Roth


Ecrits en 1942-1943

Nichts ist eines Kulturvolkes unwürdiger, als sich ohne Widerstand von einer verantwortungslosen und dunklen Trieben ergebenen Herrscherclique „regieren“ zu lassen.

Rien n’est plus indigne d’un peuple cultivé que de se laisser « gouverner » sans résistance par une clique dirigeante irresponsable et vouée à de sombres impulsions.

Jedes Wort, das aus Hitlers Munde kommt, ist Lüge: Wenn er Frieden sagt, meint er den Krieg, und wenn er in frevelhaftester Weise den Namen des Allmächtigen nennt, meint er die Macht des Bösen, den gefallenen Engel, den Satan. Sein Mund ist der stinkende Rachen der Hölle und seine Macht ist im Grunde verworfen. Wohl muß man mit rationalen Mitteln den Kampf wider den nationalsozialistischen Terrorstaat führen; wer aber heute noch an der realen Existenz der dämonischen Mächte zweifelt, hat den metaphysischen Hintergrund dieses Krieges bei weitem nicht begriffen. Hinter dem konkreten, hinter dem sinnlich Wahrnehmbaren, hinter allen sachlichen logischen Überlegungen, steht das Irrationale, d. i. der Kampf wider den Dämon, wider den Boten des Antichrists.

Chaque mot qui sort de la bouche d'Hitler est un mensonge : quand il dit paix, il veut dire guerre, et quand il mentionne de la manière la plus sacrilège le nom du Tout-Puissant, il veut dire la puissance du mal, l'ange déchu, Satan. Sa bouche est la gueule fétide de l’enfer et son pouvoir est essentiellement rejeté. La lutte contre l’État terroriste national-socialiste doit certainement être menée par des moyens rationnels ; mais quiconque doute encore aujourd’hui de l’existence réelle des puissances démoniaques n’a en aucun cas compris le contexte métaphysique de cette guerre. Derrière le concret, derrière ce qui est perceptible par les sens, derrière toutes les considérations logiques objectives, se cache l'irrationnel, c'est-à-dire le combat contre le démon, contre le messager de l'Antéchrist.

Freiheit der Rede, Freiheit des Bekenntnisses, Schutz des einzelnen Bürgers vor der Willkür verbrecherischer Gewaltstaaten, das sind die Grundlagen des neuen Europa.
 
 
La liberté d’expression, la liberté de croyance, la protection des citoyens contre l’arbitraire des États criminels et violents, tels sont les fondements de la nouvelle Europe.


Die Weiße Rose - La Rose Blanche

La Fondation La Rose Blanche a pour mission statutaire de commémorer la résistance de la Rose Blanche contre la dictature nationale-socialiste, d'honorer ses protagonistes et de promouvoir le courage civique, la responsabilité personnelle et la conscience démocratique. Cela implique également de prendre position contre l’extrémisme, l’antisémitisme et le racisme.

La Rose Blanche est un groupe d'amis réunis autour des étudiants Hans Scholl et Alexander Schmorell. À partir de l’été 1942, ils publient à Munich des tracts contre la dictature nazie et appellent à la fin de la guerre. Des aides rejoignent le groupe de résistance dans d’autres villes allemandes. Fin 1942, le professeur Kurt Huber s’associe à eux. À partir de février 1943, sept résistants du groupe La Rose Blanche sont condamnés à mort par la justice nazie et exécutés. Parmi eux, Sophie et Hans Scholl. Une soixantaine d’amis militants sont accusés dans plusieurs procès et certains d’entre eux sont condamnés à de longues peines de prison.

Aujourd’hui, la Rose Blanche est l’un des groupes de résistance allemands les plus connus. A l'époque de la terreur nazie, ils faisaient appel à des motivations humanistes à la responsabilité de chaque individu pour la liberté et la justice.

Fondation Weiße Rose Stiftung e.V.
Ludwig-Maximilians-Universität
Geschwister-Scholl-Platz 1
D- 80539 München

Ouvrages recommandés :

Réponse à Hitler

Plaidoirie pour une cause gagnée

dimanche 4 février 2024

Les religions ne sont que des étapes de la pensée symbolique…

Par Dominique Blumenstihl-Roth

 

« Les religions sont nées de la pensée symbolique, étape de première instance issu de l'effort intellectuel dans l'acte de comprendre qui ne constitue pas l'aboutissement résolutif de la pensée. De même la raison raisonnante n'est qu'une approche du réel qui n'englobe pas sa totalité. La délivrance de l'esprit ne peut s'opérer que par une montée décisive d'ordre exégétique par quoi les symbolismes sont élucidés, les archétypes dégagés et le code du réel mis à jour. »



1. Voir au travers du tamis

Stéphane Lupasco écrit : « les potentialités doivent être actualisées ». Il en est de même pour l'initié. Il s'informe, surveille les forces en action. Il épie, « traque » la volonté de l'Invisible telle qu'elle s'exprime au travers des symboles et la décode pour mieux s'adapter au réel. Il actualise son propos et dépose sa synthèse. L'initié moderne connaît la force du symbolisme. Il voit le sens des événements en criblant le réel visible au travers du tamis, de la grille de lecture dont il est lui-même une expression. Il maîtrise la portée des pensées, des paroles, des actes symboliques, précisément parce qu'il sait que le symbole correspond à l'étape transitoire où l'information se présente sous deux aspects dialectiques suite à la bifurcation structurelle propre à la couche III de tout cycle.

 

2. Le lieu propice au symbolisme

L'alphabet hébreu signale le lieu propice à la pensée symbolique, au travers de la lettre Têt : elle est le symbole du symbole. Neuvième lettre de l'Alphabet, elle se situe au seuil de la projection dans le réalisme qui commence par Caf. La lettre Têt, initiale du mot Tal, ouvre sur l'avenir et l'irradie de tout ce dont les lettres précédentes l'ont informée et nourrie. La lettre Têt, en ce sens, correspond à la bouche d'une fontaine, comme on en voit sur les places des villages quand elles distribuent l'eau issu d'une source ou d'une citerne.

 

3. La pensée ne peut stagner dans les séductions colorées et volatiles du symbolisme.
 Le symbolisme n'est qu'une étape menant à la Révélation. Dès lors, l'initié moderne, détaché de la religiosité, n'entre pas dans une tradition, mais les épouse toutes et surmonte leur niveau de compréhension par une actualisation intégrant les découvertes des sciences. Expert du Code et de la grille de lecture ouvrant les symbolismes particuliers, il-elle en dégage le cœur de synthèse. C'est la performance réalisée par Dominique Aubier. Initiée instruite du Code, elle a œuvré au degré maximal du dévoilement et s'en fait le porte-parole, ajoutant ses propres découvertes à l'édifice. 
 
4. car la lampe est obligation…
L'initié n'est pas répétiteur, mais constructeur apportant non pas redite ou opinion, mais éclaircissement nouveau par une mise au clair qui dépasse les apports de ses prédécesseurs. Il doit être « lumière sur lumière » selon la sourate coranique 24 verset 35, en ce sens, il doit être lampe, « car la lampe est obligation (mitsva) et la Torah lumière (or). » (cf : Raphaël Draï, La Traversée du désert, éd. Fayard, p. 167.)
 Raison pour laquelle Don Quichotte ayant affaire à d'obscurs inquisiteurs pendant son séjour à l'auberge (Don Quichotte, fin chapitre 16, tome I) reçoit de cette adversité (sanctifiante) un coup de lampe sur la tête lui faisant « pousser au front deux bosses assez grosses » — allusion à Moïse — et se voit aspergé d'huile, métaphore de l'onction messianique, autrement dit : l'huile de la pensée exégétique libérant le sens des symboles.
En homme de cœur, Don Quichotte ne parle (DaBaR) qu'avec cœur (LeB) pour en enseigner les lois. C'est-à-dire que sa Parole enseigne (Lamed) les lois de la structure (Beth) : il est en soi don du Verbe, suspendu à « la descente du Verbe ». « Et pour que la descente du Verbe se fasse, il faut qu'aucune résistance ne freine la pluie de ses étincelles se déversant sur nous, qu'aucune dérivation n'en modifie l'épandage. Tout doit passer par les intermédiaires naturels, qui vont de l'Émetteur primordial jusqu'au livre le plus abouti qui démarque l'avancée la plus précise de l'investiture humaine » (Citation : Dominique Aubier).
 
Livres et films de Dominique Aubier :
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jeudi 25 janvier 2024

Le secret de la Rosée et du Talit par Dominique Blumenstihl-Roth

Le secret de la Rosée, le secret du Talit

par Dominique Blumenstihl-Roth

 

Don Quichotte, quoique chevalier extrêmement pudique et toujours fidèle à Dulcinea, ne semble nullement offusqué par les filles de joie qui hantent les hôtelleries où il s'arrête. Il n'exprime aucun jugement à leur endroit et se laisse volontiers nourrir par la Molinera, puis adouber par elle et la Tolosa. Plus tard, quand Maritornes  l'invite à tendre sa main à hauteur d'une fenêtre entrouverte, il est charmé de l'initiative. Confiant, il tente d'attraper la main de la coquine. Elle se dérobe et lui joue au mauvais tour en ce qu'elle lui attache le poignet au verrou de la porte du grenier (don Quichotte, chap. 18, tome 1, éd. Garnier p. 439-440). Le piège se referme. Pour avoir cédé aux appels de la pécheresse, il reste suspendu par le bras dans l'attente d'une délivrance, et il a beau s'étirer, il ne parvient pas à toucher terre. Cependant, sans jamais accuser la jeune femme aux mœurs douteuses, il prend son mal en patience. En cela, la leçon de Don Quichotte est exemplaire, indiquant que la libération viendra en son temps, au lever du jour, au commencement du cycle nouveau. C'est-à-dire à l'instant où la rosée se lève, comme l'indique le verset Isaïe 26-19 : « La rosée sur vous est une rosée de lumière. » Lumière éclaircissant le symbole et donnant le sens fondé sur le code qui est à son initiale. Aussi, décrochons Don Quichotte, et laissons monter la Rosée.


1. Tal : la rosée à l'origine du Talit

Ce verset, lu au sens littéral est mystérieux. « Ki Tal Oroth Taleka ». Ce qui est de toute évidence un pléonasme : « La rosée (du matin) est une rosée… » Quel besoin est-il de préciser que la rosée est du matin, quand tout le monde sait qu'elle apparaît le matin ? Et à quoi bon nous dire que la rosée est une rosée, à moins de soliloquer, comme Gertrud Stein, pour qui « eine Rose ist eine Rose ». En quoi cette redondance méritait-elle d'être canonisée par les sages écrivains de la Torah ? 

C'est qu'au-delà du littéral, le verset demande à être étendu et déployé. La parole doit s'ouvrir : ici, elle se comprime en un minimum expressif se limitant à un nombre restreint de lettres (11) codantes. L'hébreu compacte un maximum de sens en un minimum de signes, livrant leur intelligibilité à qui se dotera des clés de lecture ouvrant le sens. Dès lors, chercher les mots, les racines, les inclusions sémantiques et les sous-entendus subliminaux qui nourrissent l'esprit alors que l'œil n'aura vu qu'une compression d'informations centrées sur un noyau… atomique.

A regarder de près, on s'aperçoit que ce verset dit exactement : « La rosée sur vous est une rosée de lumière… », car le mot lumière Aor se trouve à l'intérieur du mot Oroth (Alef, Vav, Resch, Tav) et fait donc partie intégrante du texte sur quoi la traduction ne peut faire l'impasse. L'hébreu inclut la lumière (Aor) dans le concept du matin (Oroth), signifiant que le matin est nécessairement le moment lumineux d'ouverture cyclique. Toutes choses inclusives en un seul mot. Moïse Schem Tob de Leon, l'auteur du Zohar ne s'y est pas trompé, pour qui ce verset signifie « la rosée qui tombe sur vous est une rosée de lumière ». Il tire la lumière de ce qu'elle est présente dans le mot Oroth. La Bible du Rabbinat (traduction Zadock Khan), quant à elle, traduit : « Oui, pareille à la rosée du matin est la rosée… » laissant le sous-entendu non explicité, (le traducteur n'est pas missionné pour expliquer, laissant cette tâche aux exégètes et commentateurs). La répétition du mot Tal appuie en redoublement sur l'importance du concept de la rosée, qui représente la grâce divine qui se dépose sur terre à chaque début cyclique de renouveau. Aussi le verset Isaïe 26-19 se poursuit en ces termes : « grâce à elle, la terre laisse échapper ses ombres… » Les anciennes obscurités des cycles antérieurs sont abolies, laissant se déposer la nouveauté du dépôt matinal, soutenu par l'effet lumineux du jour naissant. Le renouveau accompagne dès lors la rosée (Tal) en ouverture de nouveauté cyclique.


2. Le secret des Talit et leur sens

C'est pour se rappeler ce concept du renouveau par la lumière dissolvant les ténèbres que le fidèle de la tradition juive est sommé de porter le Talit, sorte de couverture aux quatre coins de laquelle est aménagée une ouverture à quoi on ajuste quatre fils redoublés dont l'un est teinté en bleu azur. Dans la Torah, le Talit est mis au point après l'épisode de la médisance des « explorateurs » que Moïse avait envoyé en reconnaissance avant d'entrer en Canaan et dont les compte-rendus avaient été catastrophiques sans raison.

Raphaël Draï a écrit de lumineuses pages à ce sujet dans son ouvrage La Traversée du Désert, éd. Fayard, 1989, p. 228. L'auteur y décrit la fabrication de ces franges traditionnelles et nous renseigne sur les différents fils composant les tresses fixées aux extrémités. En résumé, on fait passer 4 fils tirés directement du châle,  et quatre fils ajoutés. « Les deux fois quatre fils sont tressés entre eux de manière à ce qu'ils apparaissent à la fois reliés et distincts », précise l'auteur. 

Il convient de compléter la description technique de cet ornement, et de dépasser la lecture psychologique qu'en réalise le chercheur. En effet, les deux origines distinctes des fils évoquent — c'est là mon commentaire et non celui de Raphaël Draï — évoquent deux sources distinctes de la pensée, l'une indirecte par le faisceau aménagé, et l'autre, directe, tirée du tissus même du châle. Leur tressage évoque l'évocation des échanges latéraux interhémisphériques, progressant vers leur union progressive en niveaux d'organisation. Cependant une partie des faisceaux (Tsitsit) seulement est tressée (un tiers) tandis que les autres faisceaux restent libres et fluorescents. Images de la conduction directe continue de l'information non compromise avec les effets de dualité. « Chaque frange doit être tressée en y faisant 5 nœuds, doubles, ménageant ainsi quatre intervalles ». Intervalles signalant les quatre niveaux de la formule kabbalistique PaRdES. « Le nœud est symbolique de l'union consentie », écrit Raphaël Draï, songeant au nœud sacré de l'union maritale. Les 5 nœuds des Titsit ne signifient pas 5 unions maritales successives, mais 5 marquages ouvrant sur 4 étapes résolutoires des niveaux repérables sur l'Alphabet hébreu. On peut ainsi présenter la cordelette à côté de l'Alphabet dressé en forme de Y et repérer l'endroit des nœuds : un nœud tout au départ avant l'Aleph, un nœud à la hauteur du Dalet, un nœud à la hauteur du Yod, un nœud en Tzadé et un nœud terminal en Tav. Les intervalles sont remplis par les lettres intermédiaires entre ces balises. Ce rapprochement entre le symbole des Tsitsit et l'édifice des lettres de l'Alphabet hébreu n'a pas, à ma connaissance été réalisé par les commentateurs. S'il l'avait été, je pense que l'immense talmudiste qu'était Raphaël Draï en aurait parlé dans le chapitre qu'il consacre aux Tsitsit (p. 238). Le chercheur en donne une lecture psychologique qui ne perce pas le sens ontologique : ce n'est pas sur une lecture psychanalytique que Moïse pensa à inventer ce vêtement, mais sur une inspiration exclusivement lettrique, donc sinaïtique.

En effet, toute la conception des franges ressortit d'un approfondissement de la leçon du Buisson Ardent, complétée par les épreuves vécues dans le désert. « après avoir introduit les quatre fils à l'extrémité du vêtement, on les attache par deux nœuds, on fait d'abord 7 tours au fil le plus long, appelé « serviteur ». [C'est de toute évidence le fil du sens, « serviteur » de l'ensemble de la structure ]. « On refait deux nœuds, puis 8 tours, deux nœuds puis 11 tours, et enfin deux nœuds, puis 13 tours et deux nœuds, le tout sur 1 tiers de la frange, le reste doit ensuite demeurer libre. » Au total, 39 tours des franges, 39 étant la valeur numérique de Tal. Précision du Choulh'ane Aroukh abrégé, version bilingue, tome I, p. 41, cité par Raphaël Draï, p. 231) : si l'un des quatre fils d'une frange est rompu, mais que les fils restant permettent encore de faire une bouche, le tilsit tout entier est valable. Si 3 fils sont rompus et ne permettent pas de faire une boucle, il n'est plus valable, même si le fil restant paraît résistant. L'explication du chercheur à cet égard en est que « la symbolique des tilsit n'est pas celle de la puissance individuelle, mais de la force issue de la conjonction. » Le talmudiste a raison, cependant il s'impose de préciser que la symbolique des franges, d'un point de vue initiatique, dépasse le point de vue sociologique et concerne avant tout la force de l'unité trilitère, dont la solidité provient du tressage de trois en une intrication des niveaux d'organisation fermement édifiés construisant une structure. Trois niveaux sur quatre suffisent à créer une structure solide, le quatrième étant celui du sens, de la compréhension qu'il faut en avoir.

Le nombre les fils (8), ajouté à celui des nœuds (5), additionné à la valeur numérique du mot tsitsit (600) donne 613, autrement dit le nombre des préceptes négatifs et positifs évoqués dans la Torah. Le chercheur s'interroge (p. 232) pourquoi ne sont décomptés que les nœuds et non les intervalles. Il émet l'hypothèse que « la symbolique des tilsit est surtout celle de l'union et de la conjonction, la distance séparatrice n'étant qu'un effet temporaire et transitoire de la première. » A mon sens, si la tradition ne compte que les nœuds dans cette addition aboutissant à 613 et laisse de côté les 39 tours d'intervalle, c'est parce que 39 écrit le mot Tal, la rosée, qui est en soi un précepte de la Torah, formant unité en tant que tel par un codage établi sur la valeur du 3. Le 9, carré de 3, évoque la lettre Tet, symbole de la fonction symbolique, chargée ici de la puissance du 3, Guimel, désignant la force des choses matérielles.

Il est certain que le Talit, en tant que symbole, est chargé d'opérer un acte mémoriel devant s'inscrire dans la conscience, un rappel permanent des critères initiatiques représentés sur la tenue vestimentaire et ses ornements, tous conçus selon les clés de la systémique alphabétique : redoublement (double faisceaux), quatre fils (quatre niveaux d'organisation) aux quatre coins, entrecroisés et tressés (en échange latéral) formant unité, en quatre mouvements (trois évocations du chiffre 4) séparés par cinq nœuds (évolution sur cinq couches) avant ouverture des faisceaux libérés sur le cycle nouveau.

Ce nouveau cycle nous le vivons en plein, dès lors que le sens même de ce symbole est explicité sur base des clés archétypales et alphabétiques de l'hébreu qui est la source même de ce symbole.



Bibliographie :

Raphaël Draï, La Sortie d'Egypte, la Traversée du Désert, éd. Flammarion

Dominique Aubier :

    — Le Principe du Langage ou l'Alphabet hébraïque, éd. M.L.L.

    Victoire pour Don Quichotte, éd. M.L.L.

    Plaidoyer pour une cause gagnée, éd. M.L.L.

    Les secrets de l'Alphabet hébreu (série de 3 films)

    La Face cachée du Cerveau (le code des archétypes), éd. M.L.L.


jeudi 4 janvier 2024

Pour les vrais amis de Don Quichotte… par Dominique Blumenstihl-Roth

Pour commencer l'année 2024, pour les vrais amis de Don Quichotte : Paru dans la revue IN VIVO ARTS :

Dominique BLUMENSTIHL-ROTH : 

Ceux qui jouent avec les chats doivent s’attendre à être griffés…

(Cette citation est de Cervantès)


 

RÉSUMÉ

L’étude explore l’investissement animalier de la scène théâtrale au travers de trois grands auteurs du Siècle d’Or espagnol, qui se sont appréciés... et détestés : Cervantes — Don Quichotte — où chien, chat, cheval, cochons, lions et mulets portent un symbolisme exprimant les niveaux sémiologiques de l’expression ; Francisco Quevedo, auteur de Cabildo o la Consultacìon de los Gatos (la Consultation des chats), théâtre animalier anthropologique où les chats apprennent à imiter l’espèce humaine, miauler assez prétentieusement afin de réussir à dire Mio, c’est-à-dire moi ; Felix Lope de Vega, familier de l’Inquisition, que j'identifie comme l'inventeur du faux Quichotte signé Avellaneda et auteur d’un impitoyable Gatomaquia visant à réduire Cervantes au travers d’une mascarade cinglante. Partant de la physique quantique, l’article ouvre le coffre d’où s’échappe un bestiaire théâtral qui pourrait effaroucher le lecteur, car comme dit Cervantes : « ceux qui jouent avec les chats doivent s’attendre à être griffés »...

MOTS-CLÉS : Cervantes, Quichotte, Quevedo, Lope de Vega, Avellaneda, Marranes.

 

Those who play with cats should expect to be scratched 

ABSTRACT

The study proposes to explore the animal investment of the theatrical scene through three great authors of the Spanish Golden Age, who appreciated and hated each other : Cervantes — Don Quixote — where dogs,cats, horses, pigs, lions and mules carry a symbolism expressing the semiological levels of expression ; Francisco Quevedo, author of Cabildo o la Consultacìon de los Gatos (the Consultation of the Cats), anthropological animal theater where cats learn to imitate the human species, meowing in order to succeed in saying Mio, that is to say me ; Felix Lope de Vega, close to the Inquisition, who wrote the fake Quixote signed Avellaneda and author of a ruthless Gatomaquia aimed at reducing Cervantes through a scathing masquerade. Starting from quantum physics, the studyopens the trunk from which escapes a theatrical bestiary which could well frighten the reader, because as Cervantes says : "those who play with cats must expect to be scratched"...

KEYWORDS : Cervantes, Quixote, Quevedo, Lope de Vega, Avellaneda, Marranos.