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lundi 21 juin 2021

Féminicide. Lecture initiatique.

Fémicicide. Lecture Initiatique. Partie 1/4

Par Dominique Blumenstihl-Roth ©

 

Féminicide. Pas un jour sans qu'un crime perpétré contre une femme ne soit mentionné dans les médias… Qu'est-ce donc que ce « phénomène » social qui semble s'étendre ? Le meurtre des femmes résulte-t-il d'une maladie de l'homme ?

Le meurtre est-il l'acte suprême d'un tortionnaire exerçant son emprise psychique et physique ? L'expression du pouvoir absolu d'un être sur un autre, qui s'estime maître du droit de vie et de mort sur autrui tout en baignant dans le narcissisme le plus épais ? Et qu'en est-il de la victime, nécessairement choisie ? La femme est-elle… l'adversaire mise à mort, sublimée puis exécutée, selon une fantasmagorie où l'objet de désir surinvesti doit être sacrifié ?

A moins que la mort de la femme ne soit la suprême démonstration de la domination virile ? La mise à mort du féminin devenant alors procédure régulière d'investissement du monde par la seule force admissible, homo erectus érige son autocontemplation, au travers du corps de la victime gisant à ses pieds. Ces lectures psychologiques expliquent-elles réellement les féminicides ? La femme sujet de mépris : déjà tuée avant sa mort physiologique. Le « prince régnant » exerce son droit de possession qui s'étend jusqu'à légiférer le droit à l'existence de l'être féminin… complexité de l'identité féminine du moins au regard des hommes à qui l'identification de la femme échappe. Elles sont amies, sœurs, amantes, maîtresses, épouses, mères, grand-mères, classées selon leurs fonctions sociales et familiales, mères vénérées, Mater dolorosa, ou Marie-Madeleine lapidée… mais quand sont-elles femmes pour elles-mêmes ? Que tue donc le l'assassin dans la femme ? L'image de sa propre mère car n'est-il pas fils de femme ? Ou l'expiation de la pécheresse originelle, le lointain fantôme de Hava dont il se pense le correcteur légitime ?


L'extermination de l'Autre

Le meurtre de l'Autre, de l'altérité que représente la féminité dans l'esprit du tueur, réaffirme l'orgueil dans la formidable puissance du droit autoconféré à l'anéantissement. Anéantir — vernichten — un des mots préférés d'Adolf Hitler qui l'accompagnait systématiquement dans ses discours de l'expression mit größter Gewalt : avec la plus grande violence. Les tueurs de femmes entrent dans cet idéologie d'extermination de ce qui leur paraît l'insupportable Autre que soi. Le disparition du non-moi leur apparaît comme une question de survie, dans une hiérarchie où ne peut dominer que le prétendu fort investi de la puissance létale. Le crime, dès lors, devient un rituel : Carmen doit être tuée, car pour eux, les femmes ne sont-elles pas des objets de désir devant être possédées, prises, soumises à la bandérille puis mises à mort afin que seul demeure qui de droit… divin ?

 

La tyrannie des petits chefs

Interdiction est faite à la femme de mener son existence autonome, elle se doit de réserver sa vie à l'univers domestique. Tout autre prétention est considérée comme un péché, faute méritant châtiment administré par le maître souverain.  Cette autorité des caïds sur les femmes impose la tyrannie des petits chefs ; ils sévissent sur le corps et l'esprit féminin, s'installent en persécuteurs et contrôleurs du droit de vivre. L'autorité des minables s'accroît, jusqu'au paroxysme qui se concrétise par le meurtre. Le moi s'en trouve vénéré, assouvi, en extase. L'être féminin n'est pas seulement soumis, mais anéanti : les coups, insultes, tabassages ne sont que les expédiants préparatifs comme des accessoires à la célébration sacrificielle.

Les violences verbales participent de ces préliminaires, en ce qu'il détruisent l'estime de soi et abattent la conscience de l'être mené à l'échafaud. Grande satisfaction du bourreau quand enfin réduite à n'être plus rien, à n'oser même plus regarder ou penser, sa victime paradoxalement sollicite la présence de l'anéantisseur, ce dernier ayant ainsi parachevé son processus d'emprise.

Extase caïnique renouvelée, au travers du féminicide, perpétuation du premier crime dont il est bon de rappeler que son inventeur portait un nom biblique assez évocateur signifiant en hébreu l'homme aux gros testicules.


Comment agir ? Que faire ?

L'approche psychologique des féminicides reste assez démunie, et la lecture psychanalytique — réalisée après le passage à l'acte — ne l'empêche pas. S'y risquent les professionnels de l'art dont je ne suis pas certain que leur science cerne pleinement la spécificité de ces crimes. Ces techniciens de la conscience possèdent-ils la connaissance des lois structurelles, le code des archétypes qui sous-tendent la plupart de nos actes ? Les féminicides en tant que phénomène social qui semble se répandre — non par mimétisme mais par une tension archétypale peu comprise, et surtout non anticipée par les forces sociales qui pourraient les prévenir — méritent une étude initiatique qui pourrait éclairer les personnes appelées à en connaître. L'approche que je suggère ne vise nullement à excuser ces crimes ou justifier les exactions mais à comprendre ce qui se passe, afin de mieux les empêcher.


Le féminicide est anéantissement du non moi

Il est affirmation de surpuissance égotique. Elimination de l'interlocuteur et de la parole, substituées par l'acte criminel. Il est régression vers l'idolâtrie du « moi barbare » : le tueur du féminin se prosterne devant sa propre idole despotique. Il rejette le principe d'unité et de dualité structurelle pour n'imposer que la coupe de son désir de puissance. Il impose l'unilatéral au mépris de la réalité duelle des structures vivantes.

 

Le meurtre de l'être féminin est l'acte irréversible au terme d'un processus qui peut se lire sur l'arbre évolutif de la relation, en phase terminale que l'alphabet hébreu situe en Tzadé final 900. Là, l'énergie quitte les entropies maximalisées en couche Vc pour gagner la rive opposite du Tzadé 90 avant de monter en Qof. L'assassin interdit ce passage, par la rétention qu'il impose — possession de sa victime, soumission, mise à mort. Le meurtre est l'acte de l'impuissant qui ne peut accepter le transfert de l'énergie. Pour lui seul l'élimination du féminin peut lui garantir la main mise sur l'esclave qu'il exécute. C'est l'expédiant le plus absurde qui se puisse penser. Une pensée qui s'élabore sur des erreurs conceptuelles fondamentales qu'il devrait être possible de prévenir si la parole des victimes était mieux entendue. 

En aucun cas, l'assassinat ne peut résorber une situation.

La tension qui s'installe dans les situations de Tzadé final résulte de l'incapacité à accepter la notion d'arrêt, du « stop » que la branche évolutive de gauche ne parvient pas à se dire pour elle-même. « Les choses doivent cesser ». Le stop impose sa propre dynamique de cessation, sur un être qui n'envisage pas qu'il est lui-même l'objet de cet arrêt. Il en décide qu'il est mandaté d'infliger l'arrêt à son en-face. L'inversion agit, le voilà qui tue son épouse. L'arrêt concerne la relation, non pas l'existence de la personne. Il concerne le cycle de la relation, parvenue à un stade repérable sur la grille évolutive. En Tzadé final, les échanges latéraux entre gauche et droite structurelles cessent. Ce qui ne signifie d'aucune manière qu'il faille poignarder l'Autre.


La stratégie du transfert

Future victime, potentiellement en danger, celle qui ignore la stratégie du transfert d'énergie, avec projection résolue sur l'avenir, sans retour en arrière. La délivrance s'opère par une décision, une scission suivie d'une montée libératrice. Le criminel ne l'entend pas ainsi, il se confère l'autorité sur le temps de sa domination qu'il entend prolonger indéfiniment. Le recours au crime entre dans une logique d'extermination visant à éteindre, dans la victime, la possibilité qu'a l'être de gagner sa liberté dans le « lieu protégé ». Les féminicides se produisent dès lors que la limite du Tzadé final a été dépassée, que la relation, au lieu de dégager une dynamique libératoire demeure captive de l'enclos tyrannique qui étend sa durée, sa puissance, et aggrave son joug. Le meurtre se réalise, soit dans la sur-extension du Tzadé final. Soit lors du transfert de l'énergie, dans le labyrinthe, dans la partie qui reste sous l'influence des forces entropiques.

 

Les deux parties du Labyrinthe

Le « tunnel », passage qui mène du Tzadé 900 au Tzadé 90, se compose de deux parties, dont chacune subit la pression de la zone d'influence la plus proche. La partie gauche du labyrinthe, malgré la décision de cessation et de départ, reste sous la menace des injonctions du Tzadé final qui continue d'exercer son ascendant visant à retenir l'énergie, l'empêcher d'avancer. On y reconnaît l'attitude de Pharaon qui, après le départ des Hébreux, leur donne la chasse et jusqu'au bout de son territoire, tente de les exterminer. La partie droite du labyrinthe, quant à elle, ne s'ouvre qu'après le franchissement d'une limite, une frontière, que l'on pourrait appeler le lieu de vérité. Là se dresse le Minotaure, qui empêche le passage. Mais c'est là aussi qu'au moyen des critères de la Connaissance, l'obstacle peut être franchi. Déployer la stratégie de l'évitement et — sans tuer réellement le tortionnaire car aucun meurtre n'est acceptable — se libérer de son emprise. Cette épreuve, sur le « pont », est décisive. Elle consiste tout d'abord à avancer, sans regrets et sans jamais revenir en arrière dans le lieu du passé où s'exerçait la vindicte. On ne revient pas. Le retour en arrière est prohibé. Combien de fois faudra-t-il dire cela aux femmes qui, par nécessité économique, par bons sentiments ou absurde affaiblissement de la décision, reviennent sur le territoire, dans le lit même du bourreau auquel elles se sont attachées selon un syndrome bien connu. Les soignants, thérapeutes, policiers, amis et proches doivent alors entourer la personne pour empêcher la régression dont la tentation est forte, pour la victime, de renouer avec son dictateur. Monstre qui doit être écarté, mis à distance, surveillé… J'allais dire banni.

Le Minotaure doit être vaincu. Le Monstre tueur doit être cerné. Un saisissant chapitre y est consacré dans l'ouvrage La Face cachée du Cerveau, (p. 264 volume II).


Quitter le Tzadé final

Tant que le lieu du Tzadé final n'a pas été abandonné, les forces qui y résident exercent leurs prérogatives de captation. La lecture psychologisante du féminicide ne conçoit pas suffisamment la topologie : la possession du territoire — au sens physiologique premier — par le dominant conditionne l'état de la relation et marque de son empreinte le conjoint jusqu'au plus profond de son âme. Peut-être même de ses cellules, de ses neurones qui en reçoivent, à tout instant, la vision, le ressenti au travers des sens constamment mis en éveil. Il est indispensable que les conseillers en vie familiale ou intervenants sociaux soient eux-même instruits de ces réalités structurelles. Nul dialogue ne peut se concevoir sur le territoire où s'exerce l'oppression, d'autant que l'oppresseur vise l'anéantissement de la parole et de l'interlocution pour leur substituer le monologue de sa propre loi. Mettre de la distance physique, sortir de la zone de pouvoir, quitter le lieu, sans délai, quoi qu'il en coûte. Le prix à payer sera toujours moins cher que la destruction totale que devra régler la retardataire. Agir vite, sortir, et sans retour.

 

Plus facile à dire qu'à faire…

Et pourtant… Je garde en mémoire ce récit universellement connu, dont on n'a pas assez tiré la leçon telle qu'elle s'adresse à nous en exemplarité, à titre collectif et individuel, chaque fois qu'un cycle parvient au stade du Tzadé final. Ce lieu est l'endroit du « complot », l'endroit où se prépare le scénario de la mise à mort (réelle ou symbolique), l'endroit où le « Serpent » archétypal apparaît en avertisseur. Là se fomente le projet de l'élimination. La prise de conscience doit en être rapide, et la décision d'en quitter le territoire ne doit pas tarder.

 

Penser à Pharaon et Moïse

Nous avons tous, dans nos vies (que nous soyons homme ou femme), un Pharaon suprême qui entend nous « lessiver »… Le départ d'Egypte se fera rapidement, après que les négociations aient échoué, et cela sans régression et sans interférences nourries de regrets ou d'auto-culpabilité. Moïse s'arrache de la rétention du pouvoir en place, non par décision personnelle mais parce que l'ordre lui en est donné. La liberté est conquise parce que le Dieu d'Abraham ordonne à Moïse d'imposer cet acte libératoire. On en peut déduire que la liberté, inventée ce jour-là, fut donnée par un Dieu de liberté qui décida d'abattre l'idole pharaonique.

Raphaël Draï a écrit de magnifiques pages sur le sujet dans son livre La Sortie d'Egypte, où il rappelle que le Dieu de liberté agissant pour l'abolition de l'esclavage obtint gain de cause. Ce Dieu se présente comme Anokhi, dieu du dialogue et de la relation personnalisée, interlocuteur dont la parole est sûre. Tout au revers du « je » omnipotent égotiste de l'obscur exterminateur qui récuse la liberté. Les féminicides sont liberticides par principe. Ce même Dieu libérateur se présente ainsi : « je suis le Dieu qui t'ai fait sortir de l'esclavage… » tandis que le tortionnaire ne cesse de réaffirmer « je suis celui qui te maintiendra sous le gourdin ». La liberté cependant se conquiert, elle se prend, précisément parce qu'elle est donnée par Dieu comme la condition première de l'humanité. La liberté est de droit divin. Qui me semble dépasser ce que conçoit timidement la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, document respectable, mais dont l'application dépend du bon vouloir de ses (rares) signataires. La liberté ordonnée par Anokhi est un a priori non discutable, posé en principe non négociable par le Dieu libérateur.

D'où la gravité du féminicide, non seulement en ce qu'il s'agit d'un crime sanglant, mais de la négation totale de la vocation humaine du droit d'être libre…


La suite dans le prochain Blog 


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Sur le sujet :

Jehanne la Délivrance, épopée d'une femme exceptionnelle…

Esther, la DélivranceAutre femme remarquable

lundi 14 juin 2021

La Lecture des Symboles. Livre de Dominique Aubier. Vient de paraître.

Vient de paraître

La Lecture des Symboles

par Dominique Aubier


Dans ce livre exceptionnel, Dominique Aubier explique ce qu'est un symbole, en quoi il est opératif et lisible, annonciateur d'avenir. Sur quel code se fonde le symbole, dans la progression vers le sens. Comment lire, décoder les symboles ? Mieux les comprendre et les intégrer pour en comprendre les messages…

 


 


Les événements que la vie invente sans relâche sont des symboles. Ils se présentent par leur face imagée, car les événements sont figuratifs et on sent bien qu'ils ont un sens. Qui souvent nous échappe… Et que nous recherchons.

Dans ce livre, Dominique Aubier part de Don Quichotte, grand héros symbolique, et propose une lecture du monde qui dépasse les réductions conventionnelles du symbole : la démarche de l'auteure tend à prouver que tout est symbole, que le symbole, c'est le langage même de la vie, telle qu'elle s'exprime dans notre quotidien.

Encore faut-il savoir les lire, les décoder, voir au travers du tamis et accéder au sens. « Le but de cet ouvrage est d'établir une méthode qui permette de décrypter les symboles à quelque hauteur qu'ils apparaissent, qu'ils intéressent l'ensemble de la vie sur terre. Qu'ils en forment les événements, la nouveauté dans la brève vibration du présent, qu'ils soient enfermés dans des rituels religieux, traditionnels ou tribaux, qu'ils surgissent dans les songes ou les incidents du vivre au quotidien, qu'ils soient de dimension générale, nationale, sociale, individuelle, psychique ou littéraire, poétique… voire politique ». Lire nos symboles pour mieux vivre…

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La Lecture des Symboles

232 pages, format A5, 53 euros TTC

Expédition incluse pour la France (+ 6€ CEE/Suisse)


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mardi 8 juin 2021

Une porte se ferme, une autre s'ouvre…Texte de Dominique Aubier

Quand on connaît l'esprit de la couche I, dans une structure, on peut surprendre son passage dans les cycles qui animent notre vie. Rien n'est plus simple qu'en repérer l'émergence ; elle succède aux manifestations de fin cyclique. Les actes d'achèvement structural sont si violents qu'ils ne peuvent passer inaperçus. La doctrine initiatique les décrit avec soins. Connus, ils deviennent des repères énormes pour situer le passage d'un cycle à un autre

1. Une structure s'éteint, une autre se met en place. 

Une porte se ferme, une autre s'ouvre, dit un dicton. Les phénomènes qui accompagnent la fin d'un cycle exercent une forte pression sur la conscience. Les bouleversements qu'ils entraînent sont tels que l'état d'alarme est forcément ressenti. Il est dangereux d' ignorer la cause des troubles qui sévissent dans la réalité. A les dramatiser, à s'enfoncer dans leur concrétisation, on accentue leur gravité et leur durée. Mais si l'on reconnaît en eux le dispositif de terminaison, l'espérance, aussitôt succède au désespoir. L'on sait qu'après le grand mélange et la dislocation de tout qui caractérise de l'achèvement viendra le retour cyclique. Il présentera d'abord sa couche I, porteuse de renouveau. Cette épaisseur évolutive sera le siège des informations déterminantes pour le style du cycle à venir. L'élément de variation dont il sera l'alambic dépendent d'elles. Commodité que savoir à l'avance quels pouvoirs attendent et guettent, dans cet avenir. L'être conscient du changement à venir surveille les éléments de nouveauté qui se présentent sous une forme verbale. 

L'initié contrôle toujours les projets parlés qui s'introduisent dans l'espace de la couche I d'un cycle quelconque marquant sa vie. Cela revient, pour lui, à repérer l'idée qui va opérer par la suite, au sein de ses événements. L'accoutumance à la petite voyance, à l'entretien intime avec l'invisible, permet de distinguer l'information lorsqu'elle surgit. Elle possède toujours un caractère verbal auquel la reconnaître. Très souvent, cette verbalité insistée, puissante et libre, passe par les noms de lieu, de personnes, par les conversations en jeu, par les réflexions ou les dires des enfants. A partir de ces étincelles, un projet se dessine. Il est toujours en cohérence marquée avec la continuité des événements de l'être qui interroge, avec sa forme particulière. Cependant, par rapport à cette continuité, la nouveauté, l'invention est sensible. Quelque chose d'inédit se propose. Cette "idée" appréhendée, en couche I, intégrée là, à la façon dont la langue maternelle l'est dans un cortex d'enfant, va être gérée par tout un cycle d'évolution. Elle se retrouvera tout au long des circonstances suscitées par l'ascension évolutive. Si le projet qu'elle introduit est favorable, on en facilite l'exploitation. S'il est mauvais, on en élude la réalisation.

L'intime connaissance de la constante couche I rend un grand service à la petite voyance. Elle l'aide à se transformer en Grande Voyance. L'on peut même dire que la couche I, par son intervention en tant que lieu typifié, inaugure la transformation du petit ta'wil en grand ta'wil. Pour la première fois, — dans le cours de l'explication — l'archétype local interfère sur le mécanisme Dedans-Dehors. L' Echange latéral compose, négocie avec l'esprit du site. Par là, on assiste à ce qui se passe dans un cycle. L'Echange latéral à l'état pur, séparé de tout support cellulaire, n'existe pas. Il a été isolé comme concept pour la compréhension de ce qui, maintenant, apparaît dans la vérité exécutoire. L'on découvre ainsi la différence qui va se poursuivre entre la petite et la grande Voyance. L'Echange latéral ne cessera pas d'apporter sa moisson signalétique. Mais il s'exécutera sur un plan en coupe réel, mettant en jeu la totalité des neurones "de surface". Dans une structure qui enregistre son passé et l'assimile, poussant les acquis vers son avenir, plus le plan en coupe s'ouvre, haut dans l'échelle, plus il contient d'éléments appartenant à l'étiage où il se situe. La grande Voyance consiste à reconnaître dans les signes de surface, tandis qu'ils s'élèvent, la participation des zones archétypales traversées. Ces régions seront celles de la grille à six couches. D'un côté comme de l'autre les effets Dedans Dehors, en s'accumulant, susciteront des seuils d'expression qui seront autant d'unités de signification repérables. La Grande Voyance saura les voir passer et les situer en fonction des paramètres verticaux.
 

2. Utilité de l'archétype couche I pour la reconstitution du passé
Dans ce dernier paragraphe, l'on a assisté à une procédure analogique ayant la valeur d'une règle de raisonnement. Extrapolation, diront certains. Dans le cadre de la pensée scientifique, rationnelle ou simplement analytique, une telle appréciation est péjorative. Et l'on admettra aisément qu'elle puisse l'être. Comment une pensée linéaire pourrait-elle permettre le déplacement brutal de sa séquence logique vers un point imprévu ? C'est alors qu'il y aurait extrapolation et péril en la demeure. Mais le substrat dans lequel se localise la pensée initiatique n'a rien de longitudinal. Le support général n'est pas la ligne et moins encore la direction séquentielle d'un point vers un autre. Une structure pleine et complexe soutient les références. Dans cette manière de comprendre les choses, l'analogie de motif unique à motif unique permet de repérer des similitudes. Les signatures jouent, certes, entre les unités observables. Elles sont également applicables au plan conceptuel.

Et que l'on n'aille pas croire que j'en découvre la mécanique. Elle a toujours été utilisée par les initiés. Tenant compte des effets surgis en couche I, au sein des unités observables dans leur environnement, les êtres de Connaissance en infèrent ce qui se passait dans des structures dont ils ne pouvaient pas avoir le contrôle. Ils se fiaient à l'esprit de la couche I pour concevoir, par exemple, le style des capacités mentales ayant agi aux premiers âges de l'humanité. La notion de Paradis terrestre en est l'illustration. La Bible conçoit l'existence, en couche I de l'ère humaine, d'un couple primordial, Adam et Eve. Ces êtres étaient doués d'un système de perception si fin qu'ils pouvaient entendre la voix d'Elohim courant à la surface des choses de leur vie. Cette conception est étonnante pour qui juge de l'aventure humaine en termes de progression continue et accumulatrice. Elle ne l'est pas pour les Fidjiens, par exemple. Ces peuplades primitives, comme il est convenu de dire, demandent au retour cyclique de la couche I de ramener l'état salutaire des beaux et idylliques commencements. Ils conçoivent l'historicité humaine comme enfermée dans des enclos cycliques, lesquels s'enfilent sur la ligne de temps comme les perles d'un collier. Chaque perle, bien qu'elle prenne sa place dans la durée, a la vertu de ramener les conditions intérieures qui façonnent l'unité. Il y aura donc autant de couches I qu'il y aura de cycles se succédant. Chaque nouvelle unité prend sa place dans le collier en cours de formation et y reste, historiquement, chronologiquement suspendue.
Ce qui ne l'empêche pas de ranimer, en son intériorité, les invariances rituelles (habituelles) du modèle absolu. La première de ces constantes consiste à ramener la période unitaire où la couche I abrite les opérations de solidarité Droite-Gauche. Sur quelque plan qu'ait lieu sa relance, la structure absolue entraîne la remise en émergence d'une période de renaissance, dès lors abrite elle-même une ère cyclique nouvelle. La résurrection sera immédiatement ressentie en fonction de la loi qui gouverne les conditions de vie, en couche I. Certaines valeurs y éclateront par force, dans la tenue unitaire du système local. 

Nous verrons plus tard qu'un élément essentiel de restauration et de régénérescence s'y introduit toujours, profitant des faveurs que lui consent à l'avance cette région évolutive. En l'ignorance de la cause structurale sur laquelle se fondent et s'appuient les croyances dites archaïques, pour décider qu'il y aura régénération périodique de la vie, les ethnologues s'imaginent que les peuples ritualistes n'ont ni la notion de temps ni celle de l'histoire. C'est ainsi qu'un Mircea Eliade en vient à faire tenir l'esprit de tous les rites en seul concept : la dévalorisation du temps. « Si on la regarde dans sa vraie perspective, la vie de l'homme archaïque (réduite à la répétition d'actes archétypaux, c'est-à-dire aux catégories et non aux événements, à l'incessante reprise des mêmes mythes primordiaux, etc...), bien qu'elle se déroule dans le temps, n'en porte pas le fardeau, n'en enregistre pas l'irréversibilité, en d'autres termes ne tient aucun compte de ce qui est précisément caractéristique et décisif dans la conscience du temps » (Mircea Eliade, Le Mythe de l'éternel retour).
Conclusion qui ne correspond aucunement à la pensée fondée sur la notion de cycle. La mentalité archaïque, par là où elle s'insère dans la première instance de l'histoire de la Connaissance, fait primer sur toute autre préoccupation le souci de sauver l'image du modèle absolu. Cette responsabilité est toujours et partout profondément ressentie par la mentalité initiatique. Elle ne doit pas être confondue avec l'incapacité de surveiller la durée, moins encore comme la preuve d'une volonté de vivre sans mémoire…
Bien des interprétations qui, actuellement, font loi dans les sciences humaines demandent à être reconsidérées à la lumière du Code de la Connaissance…

 

— En cours : l'édition du livre La Lecture des Symboles.
Vous pouvez réserver votre exemplaire.