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samedi 27 avril 2024

Le Moulin Rouge a perdu ses ailes, mais Don Quichotte a trouvé les siennes

par Dominique Blumenstihl-Roth


Les ailes du célèbre moulin, au bas de la Butte Montmartre, se sont décrochées pendant la nuit du 25 au 26 avril 2024, tombant à terre, sans faire heureusement de victimes. C'est la première fois qu'un tel incident se produit depuis la création du cabaret en 1885, annonce le chroniqueur sur la radio nationale France-Info.

Signe des temps ?
L'accident a été commenté par tous les médias du monde donnant à l'événement une dimension symbolique dépassant l'anecdote.
Comment ne pas penser à Don Quichotte qui a quelques comptes à régler avec les moulins, notamment au chapitre 8 du tome I de ses aventures. Il les avait pris pour des géants. « — Quels géants ? demanda Sancho Panza. — Ceux que tu vois là-bas […] Prenez donc garde, répliqua Sancho ; ce que nous voyons là-bas, ne sont pas des géants, mais des moulins à vent, et ce qui paraît leurs bras, ce sont leurs ailes qui, tournées par le vent, font tourner à leur tour la meule du moulin. »

La vision dite « objective » de Sancho, baignée dans le réalisme ordinaire, ne parvient pas à considérer que la réalité observée est la représentation symbolique d'une situation culturelle et sociale. Ces moulins ne sont pas de simples outils d'industrie comme le voudrait la raison ordinaire. Don Quichotte voit en eux tout autre chose, aussi retoque-t-il immédiatement la pensée de son ami et lui signifie : « On voit bien que tu n'es pas expert en fait d'aventures : ce sont des géants te dis-je ; si tu as peur, ôte-toi de là et va te mettre en oraison pendant que je leur livrerai une inégale et terrible bataille. » Nous connaissons la tragique issue de l'affaire : d'avoir osé les affronter en combat singulier, Don Quichotte se retrouve en fâcheuse posture, jeté à terre et couvert de bleus. « Au moment où il perçait l'aile d'un grand coup de lance, le vent la chasse avec tant de furie qu'elle met la lance en pièce et qu'elle emporte après elle le cheval et le chevalier, qui s'en alla rouler sur la poussière en fort mauvais état… »
Don Quichotte avait reconnu en ces moulins le symbole des forces obstaculaires qui l'empêchaient d'accomplir sa mission : ils représentent les édifices intellectuels, « collèges » en tout genre, captant l'énergie pour la transformer en force productrice conventionnelle tournant toujours dans le même sens et broyant le grain (de la pensée) sans jamais en assumer l'aboutissement. La farine que l'on y récolte n'est jamais qu'une étape du processus de la pensée, le concassage des grains ne pouvant persister au-delà d'une certaine durée. La farine moulue n'est pas l'aboutissement du processus mais une étape vers la panification qui fait appel, après le minotage, au travail à haute valeur culturelle ajoutée du boulanger.
La chute des ailes nous signale que le temps réservé au « moulin » est terminé. Le broyage au travers des meules est achevé. Désormais une étape s'ouvre, exigeant que la farine quitte les ateliers des meuniers et soit prise en charge par d'autres ouvriers qui sauront engager l'élaboration du grain de blé en concept consommable. Fin d'une époque. Fin des « dinosaures » de la pensée occlusive. La chute des ailes qui actionnaient le « Moulin rouge » signale la victoire de Don Quichotte ; elle donne tout son sens au titre du chapitre 8 du chef d'œuvre cervantien qui annonçait : « du beau succès qu'eut le valeureux Don Quichotte dans l'épouvantable et inimaginable aventure des moulins à vent… »

La victoire de Don Quichotte est un fait acquis.
Le « Moulin rouge » dépourvu de ses ailes indique que Paris est en cause : la culture française a pour mission de débloquer le message du Quichotte jusqu'alors confiné dans des acceptions désuètes mille fois ressassées. Il est temps que la phase transformatrice de la panification prévale, mission française de produire le pain culturel à haute valeur énergétique quichottienne : manger le pain, c'est-à-dire les preuves solides, travaillées par l'effort humain appuyé sur la raison par quoi le symbolisme quichottien « fend l'armure ». Il devient source d'éthique en remplacement de l'ordre que voulaient imposer les « Géants ». Harcelé par ces créatures, Don Quichotte n'a de cesse de les défier. « Nous devons tuer l'orgueil dans les géants » s'écrie-t-il au chapitre 9, tome II, s'en prenant à ces forces d'oppression qui, en son temps, contraignaient la liberté. Voit-il des masses noires qui entourent un carrosse qu'il pense que ce sont des enchanteurs ayant enlevé quelque princesse : il lui appartient de « défaire ce tort à tout risque et de toute ma puissance. » Sancho l'avertit : « Ceci m'a l'air d'être pire que des moulins à vent. Prenez garde, seigneur ; ce sont des là des moines de l'ordre de Saint-Benoît… »
Sancho apporte là quelques éclaircissements sur l'identité des « Géants » institutionnels de cette époque. L'Inquisition comme appareil politique d'Etat ? Mais aujourd'hui, quels « Géants » affronterait-il ? Nous ne saurions en donner une liste détaillée quand il s'agit essentiellement d'une modalité de penser conditionnant l'esprit. Entrent dans la catégorie des Géants tous les « Caraculiambro » — nom emblématique de l'un des Goliath auxquelx se mesure Don Quichotte — êtres adonnés à la polarisation excessivement « hyponeurienne ».

La couleur rouge du fameux bâtiment est, elle aussi, porteuse de symbolique : toute personne sensible à l'imagerie biblique se souvient qu'Esaü, le frère ennemi de Jacob — tous deux fils d'Isaac. Il est surnommé Edom, « le Rouge ». En lui s'incarnent certaines valeurs dont on sait combien elles prospèrent s'agissant de la brutalité et du recours systématique à la violence. D'un caractère impétueux , jaloux de n'être pas le réceptionnaire de l'Alliance — dont il ne voulait pas — il n'a cesse d'organiser l'opposition à la Connaissance en donnant priorité à ses fascinations matérialistes idolâtriques. Esaü est le nom du « Géant » dressé contre Jacob, adversité ontologique et non pas psychologique de la force antagoniste qui revendique la bénédiction sans pour autant assumer la responsabilité spirituelle de la vocation humaine. La chute des ailes du « Moulin rouge » s'interprète selon les critères de l'herméneutique — à moins de rester férocement centré sur le caractère anecdotique du fait divers, mais alors pourquoi les médias en font-ils un « événement » ? — une alerte signant la fin d'une époque, une chute : un arrêt touchant un style de pensée et d'action. Fin des temps caïniques où le gourdin servait d'argument, fin des temps d'Esaü-Edom asservissant l'humanité à son fétichisme de pouvoir personnel.
 
Ouverture des temps quichottiens sous la guidance de « l'éthique dulcinéenne » !

C'est dans cet esprit que s'avance le projet éditorial des « Nouvelles exégèses de Don Quichotte ». Le premier volume de la série s'intitule « La Barque enchantée ».

Nouvelles exégèses de Don Quichotte, tome I

La Barque enchantée

vendredi 12 avril 2024

La mission spirituelle de la France. Par D. Blumenstihl-Roth

La mission spirituelle de la France 
Nous aimons la culture. La France se gausse d'être exemplaire en ce domaine. Mais de quelle culture parlons-nous ? 
Je m'interroge sur son état en apparence fastueux qui se complaît dans les prestiges de son glorieux passé, dans la légèreté de son art de vivre, son insouciance… Une forme de vacuité prétentieuse, peut-être de délabrement sous des marques grandiloquentes ? La France est-elle à la hauteur de sa vocation ? Avons-nous considéré suffisamment l'éducation, la littérature, la connaissance ? Avons-nous été assez français — universalistes — pour nous dire à la hauteur de ce que le destin attend de nous ? Se pourrait-il que nous vivions en deçà ou hors de notre destinée ? 
Comment nous résigner à n'être que des agents productifs, contribuant au bien-être collectif matériel par des cotisations sociales, consommateurs de biens et de services engraissant banques et assurances, citoyens angoissés quant à leur retraite future, abreuvés de 342 programmes télévisuels, connectés 24 heures sur 24 dans l'attente d'un appel qui ne vient jamais ? Quand l'essentiel vient à manquer — le minimum vital pour manger à sa faim —, quand l'attention à l'être se dissout, entraînant avec elle la dégradation de la dignité humaine, quand sont bafoués le droit à l'éducation, le droit au logement, le droit même de penser : alors survient en recours soit la violence, dans sa folie meurtrière, soit le droit à la folie quichottienne, suprême philosophie d'espérance. Pour ce qui me concerne, j'opte pour la démarche quichottienne. Ce n'est pas une attente, mais la mesure d'une action à mener, celle de participer à la mission dévolue à la terre et au peuple de Tzarfat. C'est-à-dire l'engagement par contrat d'alliance entre le territoire et sa vocation.
 
La France n'a de sens que dans la perspective du messianisme devant émerger d'elle sous conduction émanée du Sinaï. J'ai lâché le mot fatidique : « messianique ». La France le serait-elle ? Le messianisme est un mot qui fait rire ou trembler. 
En réalité, ce n'est rien d'autre qu'une position de l'esprit devant s'instaurer selon certaines règles et étapes. C'est une étape de la Révélation dont, sans aucun doute, Jésus est l'un des marqueurs, au sens où il ouvre un cycle vers l'Occident avec une visée sur l'universalité. Une étape, non l'aboutissement, qui reste à construire. Il serait absurde de minimiser son action symbolique donnant à voir, à travers sa mort, combien l'humanité est clouée sur la Croix. Sa crucifixion — supplice romain — est un symbole puissant qui s'est inscrit dans la mémoire du monde. Elle désigne l'humanité entière qui pourrait bien finir de la sorte si nous ne prenons garde. Il est donc temps de le décrocher, ce malheureux Christ-humanité, de passer à une étape suivante, post-religieuse, et désormais explicative, les religions étant des systèmes de codification symbolistes, dont le sens aujourd'hui échappe aux institutions qui voudraient les maintenir à tout prix. L'énergie propulse l'Histoire, pouvons-nous rester en-dehors du progrès qu'elle écrit ? 

Les temps post-religieux sont là
Le mot Tzarfat (France) a pour valeur numérique 770. Même valeur que « Tu t'étendras », Genèse 28 verset 14. La mission « Tu t'étendras » est en cours. En effet, le temps des religions se termine, mais non le temps de la Connaissance qui poursuit son chemin. Terminé, également, le temps de la science autoritaire, qui se croit seule à décider de la marche du monde, qui s'imagine porteuse de l'éthique et de la morale tout en écartant, au nom de la prétendue objectivité et liberté de recherche, tout ce qui limiterait son pouvoir. Ce qui s'étendra, c'est la Connaissance et plus singulièrement en France. Je parle de la Connaissance dégagée des rituels et symbolismes archaïques. La Connaissance actualisée, par-delà les formes crispées de l'adhésion religieuse, par-delà le dogmatisme scientifique. 
Le messianisme, étant post-religieux, asséchera le stade de la religiosité pure pour le remplacer par l'intelligence totale. D'où l'opposition des religions à ce que paradoxalement elles annoncent : l'émergence messianique. Les unes affirment que cette émergence serait déjà réalisée, ce qui leur garantit un statut d'éternité, plus rien ne pouvant les perturber. Les autres estiment que le messianisme est à venir… le plus tard possible, à la fin des temps, ce qui donne pas mal de marge pour en parler pourvu qu'il ne vienne jamais. Et voilà que survient le retour de l'intégrisme religieux. Expression du « retour archigénique » : en fin de cycle, il y a toujours un retour momentané à l'archigène fondateur. A l'opposé de ce « retour au type ancestral » que Nietzsche appelait « l'Eternel Retour » et qui ne dure qu'un temps, il s'opère une montée vers un cycle nouveau, une sortie culturelle de synthèse. Le messianisme est une « sortie ». La prophétie Obadia prévoit que cette émergence s'effectue dans l'aire géographique de l'Occident, territoire structurel d'élection pour le manifeste. La fonction du messianisme consiste dès lors à faire sortir — expliquer — le Code de la Vie. C'est le rôle de la France que dévoiler, faire connaître, faire sortir et donner à voir l'identité du motif d'universalité. C'est dans son nom : Tzarfat, et plus précisément dans la lettre Resch de son nom et dans la lettre Pé qui désigne la fonction de dire, de parler. Parler l'identité du motif d'universalité, sans jamais se départir du rail sinaïtique : assumer le Tzadé avec ses deux branches par quoi se réalise l'union entre Connaissance et Science. C'est l'esprit même de son territoire, de ses contradictions, que parvenir à unir les contraires, et reconduire vers la source la mise au clair qui en découle. 


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