Texte inédit de Dominique Aubier
publié à l'occasion du 100è anniversaire de sa naissance
Connaître le Point Zéro
Le présent, l'immédiat… Chaque jour pousse
les choses en avant. Par là, se découpe un plan de surface dans le
cycle de la Vie. Une couche corticale en est forcément le lieu.
Dans
le cercle de cette coupe transversale, le mécanisme Dedans-Dehors
s'effectue avec d'autant plus d'intensité que l'énergie évolutive a
drainé davantage de forces mémorisées dans les zones sous-jacentes,
déjà traversées.
La complexification relative acquise en couche II
fait que le cercle où s'inscrivent les signes de surface s'est
agrandi, élargi. Plusieurs émergences significatives peuvent s'y
repérer, parmi les éléments concrétisés côté Dehors. Autant il était
simple d'aller de l'information au fait, en couche I, autant il
devient délicat de sonder les signaux apparus sur la tranche que la
vie découpe en couche II, dans un cycle quelconque. Plusieurs points
de signification éclatent en même temps, fruits des Echanges latéraux
s'étant accumulés. La voyance, même la petite voyance, voit son
travail se compliquer, en ce sens qu'elle doit rassembler les éléments
cohérents et les ramener à l'unité conceptuelle dont ils sont les
reflets éclatés à l'extérieur. Quand le mécanisme Dedans-Dehors se
produit en couche I, il donne naissance à des événements qui ne
nécessitent aucune interprétation spéciale. Ce qui est dicté au Dedans
se résout en toute droiture en une expression manifeste
concordante. Il n'y a pas à rectifier l'équilibre entre le Dedans et
le Dehors. Le phénomène de l'Inversion paraît ne pas agir.
En couche II, il est indispensable de tenir compte de l'inversion. La dualité s'accompagne d'un renversement qui fait que
le phénomène extériorisé semble le contraire de l'information dont il
est la forme manifeste. La chose extériorisée, le signe sensible
dans la réalité, se présente à l'envers par rapport à l'information
prise en copie. Le redressement s'impose dans l'acte de la voyance.
En effet, la voyance consiste à remonter le cours de l'évacuation
naturelle de l'information vers la chose. Elle s'efforce de retrouver
la donnée principielle, décryptage possible puisque le messager en a
pris la copie.
L'être humain n'a pas la possibilité de s'expatrier de l'espace. Il ne
peut à aucun moment déserter la réalité.
Le voyant le plus lucide, l'initié le plus éthéré (si tant est que la
dissolution du manifeste soit une ambition initiatique) ne réussiront
jamais et ne tenteront surtout pas d'échapper à l'emprise du
manifeste. S'ils se différencient du commun des mortels, c'est par
l'application qu'ils font de la loi Dedans-Dehors, pour juger de ce
qui leur arrive. Ils distinguent entre les deux étapes consécutives
de la projection vers la stabilité. Prenant au sérieux la
concrétisation dernière, accessible à tout le monde, mais sachant
qu'elle a été poussée de l'avant par la phase précédente de la prise
de copie, ils cherchent à discerner les éléments informationnels
recueillis au cours de cet acte. Ils en recomposent l'image à partir
de l'événement extérieur. Au lieu d'accepter celui-ci comme une donnée
en soi à laquelle rien ne peut être changé, ils la reçoivent telle
qu'elle émet un message. Un événement est épais, opaque lorsqu'il est pris dans sa
lourdeur immédiate. Le simple fait de voir en lui un symbole l'allège.
Perdant un peu de sa corporéité, il devient transparent. Lui
assigner le sort d'un symbole revient à lui conférer la puissance d'une lampe qui éclaire ses arrières. La transcendance réside dans le
recul vers l'origine que l'événement subit ainsi. On ne saurait
l'oublier : la transcendance dont il est question ici n'échappe pas à
l'emprise du manifeste. Elle est toute relative et opère, en fait,
entre les deux instances de la concrétisation. L'instance faible
correspond à la prise de copie. L'instance forte est celle où la chose
s'extériorise définitivement .
En couche I, le retour vers la source s'opère en toute simplicité.
L'analyse va de l'événement déposé en instance forte vers le symbole
qu'il peut devenir. Transmué en symbole, il est replacé en instance
faible.
En couche II, la même opération de remontée vers l'origine se
complique. Il faut tenir compte de l'inversion apparue dans le cadre
de l'extériorisation forte. La rétractation au plan symbolique demande être accompagnée d'un renversement de polarisation.
Plus difficile à expliquer qu'à pratiquer. Quand on surveille sa
vie, en fonction de la loi Dedans-Dehors, on ne peut pas ne pas voir
défiler les six couleurs de la grille. Le passage de la couche I est
sensible au caractère d'unité qui accompagne le jaillissement de
l'information, mais aussi à la puissance avec laquelle cette dernière
s'instaure dans l'évidence. La liaison entre l'événement et le dire
est si forte qu'on n'entend pratiquement que le dire. Il vibre très
fort dans la chose. La sensibilité en perçoit immédiatement le
caractère fondateur. Après quoi,
la succession des six couches. On s'attend normalement à ce que se
produise l'effet duel. Pour peu qu'on le guette, on le voit surgir.
Il apporte le malaise, la discussion, l'opposition, la mésentente. Et
c'est là que la vigilance devient intéressante. On sait que le point
d'ouverture est atteint, qu'un premier effet de dualité va
s'installer. On connaît la loi du Redoublement. On se dit que la
dualité est en train de s'installer dans la première instance. On n'en
redoute pas les effets. Ils ne seront ni durables ni dangereux. En
revanche, ils seront instructifs. Ce sont eux qui vont prédécrire
les éléments d'action qui agiront dans la seconde instance. Autant les
relever tout de suite. Quand le BOP proposera sa reprise inévitable de
la dualité, on sera prévenu de la tournure que les choses ont
l'intention de prendre. Si, en Bip, les circonstances ont été
marquées par une dualité détestable, quoique peu durable, on en
retiendra le caractère nocif. Et lorsque le Repasse viendra en
récupérer la dynamique, on prendra toutes les dispositions pour ne pas
se trouver du côté où la circonstance s'est montrée néfaste.
Cependant, l'on tiendra compte de la polarisation. L'idée était bonne.
L'interprétation mauvaise. Le rapport d'inversion a agi en couche II.
L'initié dont je cite parfois les coups de génie m'a raconté comment
il avait suivi l'effet d'inversion dans le cours d'une relation
inamicale. Cet homme prétend qu'il faut avoir des ennemis. Il adore
les siens. Il les considère comme des agents concrétiseurs des
informations qui lui sont inaccessibles, dans son destin. L'inimitié
est pour lui un solide lien affectif. Un jour que je m' étonnais de
l'indifférence avec laquelle il se laissait insulter par un jeune
homme, il me demanda si j'avais réfléchi à l'utilité de la haine.
Comme je ne voyais aucun charme à la détestation, il me gronda : « Vous
ratez le meilleur de ce que le modèle absolu dispose autour de
vous ». Et comme je m'insurgeais, n'acceptant pas que les ennemis
fussent le meilleur de ce que le motif unique donnait à gouter :
— Comment faites-vous, en couche II, pour savoir ce qui vous concerne,
s'il n'y a pas, en face de vous, un bon petit adversaire de service,
prêt à vous dire à l'envers ce que vous devez entendre à l'endroit ?
Il m'expliqua, alors, que la couche II était très difficile à
contrôler. Il faut disposer d'un interprète valable pour savoir ce
qu'elle réserve, dans tel ou tel cycle, parmi les cent et un ballons
rouges que le sort très holographique tient au bout de son fil. Il
en vint à me dire que, dans une circonstance très grave de son épreuve initiatique, il avait été sauvé par les injures de ce jeune
homme. C'était un adversaire obstiné qui mâchait la même rancune
depuis des années. Mais c'était aussi un être inspiré. Il avait su
décocher la formule convenable à la couche I, puis celle à redresser,
en couche II.
— Vous vous souvenez de ce qu'il vous a dit?
— En couche I, il m'a jeté à la figure que j'étais un voleur.
Je l'ai pris le mot au pied de la lettre. Vaut leur... Vaut l'heure.
Quelque chose dans ses mots valait pour moi une indication horaire. Comme il
m'a fait un bras d'honneur, j'ai vu briller sa montre-bracelet. J'en
ai déduit qu'ils avaient réellement la capacité de me donner l'heure.
Or, je devais décider d'un voyage à l'étranger, sans savoir comment
m'y prendre pour fixer la date. Lorsqu'on est dans le labyrinthe, la
moindre erreur peut être fatale. J'étais tout juste en train de vivre
cette difficulté que vous ne manquerez pas de rencontrer, si vous
persévérez à vouloir comprendre la doctrine sacrée. J'ai béni mon
ennemi d'être un si bon interprète de l'invisible. C'était donc à lui
de me servir d'indicateur des chemins de fer. Je me suis débrouillée de
savoir quelles étaient ses date de départ pour la France et c'est
ainsi que j'ai obtenu la mienne.
— Pourquoi était-ce significatif de la couche I ?
— C'était la première fois qu'il me manifestait si violemment sa
haine. Il faut bien que les choses aient un commencement. Et le
commencement, vous le reconnaissez à ce qu'il y a unité entre la
gauche et la droite. Eh bien, il y a eu parfaite harmonie entre sa date de départ et la mienne.
— Et en couche II, que s'est-il passé?
— Nous y sommes parvenus l'année suivante. Ce sont des gens de l'été.
Ils ne venaient en Espagne, au village, qu'en juillet-août. L'année d'après, je crois bien
qu'il m'a tiré la langue. J'ai inversé le sens de la grimace. Là où
elle était désobligeante, j'ai vu qu'elle m'obligerait beaucoup, au
sens de « prendre langue ». Mais avec qui ? Quand je suis passée à côté de lui, mon cher et précieux ennemi m'a jeté un regard de
justicier. Son courroux est allé jusqu'à murmurer entre ses dents un
flot d'injures. Je ne sais plus très bien lesquelles. Mais il y avait
le mot « saloperie ». Et justement, j'aime les mots qui rient. J'ai gardé le rire et
remonté à l'envers le mot « salope ». Il disait aussi : pôle as.
J'en ai déduit que c'était avec lui que je devais prendre langue. Mon
ennemi estival allait tenir le rôle concret du pôle opposé et qu'il était là pour m'épauler, sans le savoir, dans la situation ardue qui était alors la
mienne. Merveille ! La chose m'était dite en couche II. C'est là que
la dualité devient sensible. Quant à m'épauler, la chose a été
certaine, par la suite. Ce jeune homme a été génial.
— Comment cela ?
— Mon jeune homme n'a raté aucune des six couches dans le cycle
d'offenses dont il avait la responsabilité.
»
L'initié dont je vous parle a donc exploité cette inimitié pour en faire son allié. Ce que j'aime chez lui, c'était sa gaité. Cette façon de discuter avec
l'invisible. Cet humour qu'il partage avec l'entité conseilleuse. Même
si c'est folie, quelle admirable utilisation du quotidien ! En outre,
cet homme réussit tout ce qu'il entreprend. Son exemple m'a fortement
influencée. J'essaie de l'imiter. Ce n'est pas toujours facile. Il
manipule les cycles comme un prestidigitateur des balles. Il les
attrape au vol, qu'ils soient rouge, vert, jaune ou blanc. Il ne les
confond pas. Sa vie est comme une grappe de cycles différemment
gonflés dont il distingue les irisations, selon que s'y reflètent
tel ou tel thème appartenant à sa forme d'être. C'est un initié de
grande envergure. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de le
rejoindre, au niveau subtil où il danse sur la corde raide, avec son
balancier d'équilibriste, posant son pied entre les bulles de savon
que lui invente la vie, en guise d'unités évolutives. Je ne cite ses
histoires que pour égayer l'exposé. L'explication n'est pas
souriante. Comme je m'en plaignais un jour auprès de lui, il éclata
de rire.
— C'est bien pourquoi je vous en ai chargée.
— Mais pourquoi faut-il que le ton de l'explication soit si terne et neutre?
— Il a le timbre de la voix qui parle côté Dedans. Vous savez bien, une voix sans couleurs, sans intonation, une voix qui ne vibre pas. Elle n'est pas dans l'espace. L'air lui manque. Le ciel aussi a cette voix-là.
— Mais pourquoi faut-il que le ton de l'explication soit si terne et neutre?
— Il a le timbre de la voix qui parle côté Dedans. Vous savez bien, une voix sans couleurs, sans intonation, une voix qui ne vibre pas. Elle n'est pas dans l'espace. L'air lui manque. Le ciel aussi a cette voix-là.
Non, je ne propose pas à mes lecteurs d'arriver au degré de finesse où
cet être maîtrise la Connaissance. Un usage modéré de la doctrine
initiatique suffit à la plupart d'entre nous. Mais il est rassurant
de savoir que de tels experts existent.
Pour en revenir au problème de la dualité surgie en couche II,
prenons l'exemple d'un homme d'affaires qui vient de monter une
société avec plusieurs partenaires. La mise en place des statuts
devant régler l'entreprise s'est passée au mieux. L'avocat qui a
dirigé l'opération s'est avéré un superbe négociateur. Couche I.
(J'aurais quant à moi sondé les noms de toutes les personnes ayant
participé à cette étape). Puis, l'entreprise est entrée dans sa phase
active. Quelques points de désaccord ont surgi entre les partenaires
sociaux. Couche II. La dualité s'amorce. Elle s'esquisse mais ne
durera pas. En couche III, la réconciliation se fera, dissimulant le
problème latent. Mais en couche V, la dualité reprendra ses droits.
C'est pourquoi l'initié étudie de très près les éléments qui
apparaissent en II. Il sait que l'opposition n'est pas favorable à
l'idée qui guide l'affaire. Il prend note de tous les pigments de
contradiction apparus à l'occasion de la première discussion. Il les
redresse de manière à détenir l'information dont la querelle, si
légère soit-elle, interprète le sens, sous l'aspect d'une inversion
critique. Si l'idée rétablie dans sa forme verbale initiale est bonne
pour l'entreprise, il la fera sienne. Si elle s'avère peu favorable à
l'initiative en cours, il en tiendra compte. Il considérera la situation comme un symbole, une esquisse imagée de ce que doit devenir
l'entreprise. Il ne négligera aucun élément significatif apparu dans
la circonstance regardée comme à la loupe. Sachant la situer dans
l'échelle évolutive, il ne prendra aucune décision susceptible d'en
fausser le mouvement. Il saura attendre l'endroit où la reprise de la
dualité risque de faire réellement problème. Ce lieu se présentera
nécessairement en couche V. S'il a bien analysé la situation vécue en
couche II, il disposera d'un schéma précis pour distinguer l'allure
que vont prendre les dissonances, en cette seconde occasion.
On objectera que les hommes d'affaires savent fort bien négocier
avec leurs partenaires et les circonstances évolutives qui marquent
leurs entreprises. Et que leur talent, lorsqu'ils en ont, n'a pas
besoin d'être assisté par la Connaissance. Aussi bien, ce ne
sont pas ceux-là qui lui demanderont secours. L'homme extérieur, comme
dit Swedenborg n'a pas confiance dans les critères qui peuvent guider
l'homme intérieur. Mais il arrive trop souvent, justement, dans notre
monde, que l'homme extérieur réussisse aux dépens de l'homme intérieur.
C'est pour ce dernier que la doctrine initiatique est utile. Que l'on
ne s'inquiète pas. Ceux pour qui elle n'est pas faite ne l'utiliseront
jamais. Elle les fait rire et c'est très bien ainsi. Dans cette
affaire aussi, rit bien qui rit le dernier…
3 commentaires:
Merci +++ pour ce texte magistral, qui arrive à point dans une situation personnelle d'agressivité verbale violente que je viens de vivre de la part d'un "ami" . En effet, c'est révélateur lorsque l'on peut lire au travers des mots employés dévoilant le message de "l'ennemi", instrument providentiel qui avait des choses à me dire sans le savoir lui-même.
C'est stupéfiant de clarté. Merci à Dominique si vivante par ses textes, et à Dominique qui nous les offre !
MFR
Ah oui ; c'est la scène dans le pouvoir de la rose page 98 ,
" ori bal pétah zé " .
Là oui , tout est dit qui éclaire le texte point zéro .
Merci de partager ces textes inédits de Dominique Aubier. J'apprécie ces petites pépites de Connaissance.
A.M.
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