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mercredi 26 octobre 2022

Décryptage du voile et de la burka 2. / Grand est le Voir

Grand est le voir

(décryptage du voile 2.)

par Dominique Blumenstihl-Roth

la première partie de cet article est ici.



Les femmes iraniennes enlèvent leur voile, me dit une de mes jeunes élèves, mais qu'en est-il des femmes en Afghanistan qui ne portent pas de voiles, mais une bourka couvrant tout leur corps et cachant leur visage ? 

— Voyons, lui dis-je, il suffit de voir. Suivre le conseil de Don Quichotte qui donne la bonne technique : observer le réel, le percer du regard instrumenté de la connaissance par ce qu'il appelle « le tamis ». Voir au travers du tamis, de sorte que le réel devient intelligible au-delà de la perception plate de l'évidence.

— Et ce tamis, où est-il ?

— Les femmes afghanes portent une grille sur les yeux dont la fonction est double. Tout d'abord cette « grille » symbolise la vision que le « Qui-Fait » a sur le monde. Je dis bien symbolise, et en cela je ne justifie pas l'obligation et la coercition à l'endroit des femmes que cette tradition leur impose. Il s'agit d'expliquer pourquoi la bourka est pourvue de ce grillage au niveau des yeux qui conditionne la vue des femmes. Dans cette affaire, tout est traité de manière symbolique. Non seulement le vêtement, mais également les personnes en cause.

— En tant que femme, je n'ai aucune envie d'être symbole de quoi que ce soit… Je suis juste moi-même…

— La femme, dans le couple formé en dualité avec l'homme, représente analogiquement l'hémisphère « Qui-Fait » — c'est elle qui porte et « fait » l'enfant. 

— Je n'ai nulle envie d'être en analogie avec quelque notion métaphysique que ce soit… Le respect de l'être commence par l'individu…

Quand il est question des grands symboles mettant en cause ce que Descartes appelle les « universaux », les femmes et les hommes ne sont plus des êtres individués, mais des porteurs de symboles devenant à leur tour des entités symboliques. C'est à cette hauteur qu'il faut aborder le dossier de la bourka, et non pas au plan de la perception voltairienne prompte à émettre des jugements de valeur : on ne critique pas un symbole, on l'explique. Et par l'explication, on le libère. Dans la dialectique et l'échange latéral avec l'hémisphère-partenaire, la femme assume le réalisme, le rapport au choses : elle est en quelque sorte le partenaire objectivant. Le regard objectif sur les choses est conditionné, et les sciences en témoignent qui s'en font fait la spécialité. Les sciences observent le réel, l'étudient, l'analysent, elles sont en quelque sorte le partenaire féminin de la Connaissance… Et en ce sens, le symbolisme de la bourka, qui est une extension spécialisée du voile, témoigne depuis des siècles et annonce l'existence d'une certaine manière de voir le monde, touchant le domaine du « Qui-Fait ».

— N'est-ce pas plutôt une coercition infligée par une société patriarcale qui trouve là le moyen de soumettre les femmes à sa férule…

— Les femmes, en tant qu'humaines strictement égales aux hommes, ne sont pas en cause, seul le rapport analogique du raisonnement qui désigne en elles le « Qui-Fait » est expressif du sens de ce symbole. Par ce symbole, porté par « l'entité féminine Qui-Fait » est désignée la science objective. Dès lors le « port du voile » n'est aucunement une prescription liée au « paternalisme » ou « patriarcat » dont l'autorité viserait à soumettre les femmes. Il est du strict ressort du symbolisme représentatif. La bourka, comme le voile, est symbole, porté par les femmes, en cette occurrence mandatées comme porteuse du symbole. Mais le symbole n'est en aucun cas éternel. Il a son temps. Il vise à sa propre explication, afin de se dissoudre. Nous vivons le temps de l'explication, donc de la résorption de ce symbole. C'est le sens même de l'explication que je donne ici.

— Et que voit la femme sous la bourka ?

— La bourka est une interprétation du voile islamique reçu dans la rigueur d'une lecture extrêmement locale. Vêtement couvrant entièrement le corps, elle représente l'unité : ce n'est pas un vêtement assemblé de différentes pièces cousues ensemble. La bourka désigne l'unité systémique du symbole couvrant le corps du réel. Nous ne voyons pas la femme recouverte de ce vêtement, de même ne voyons-nous du réel qu'une apparence extérieure. Nous n'en perçons-devinons que parcimonieusement les secrets. Cependant, la femme, sous la bourka nous regarde : l'univers nous regarde et nous ne le savons pas.

— Justement, que voit la femme depuis la bourka sous laquelle elle devient… invisible ? Et même inexistante ?

— Au titre de la liberté individuelle, il est bien évidemment insupportable d'imposer à une personne de conditionner à ce point son rapport au monde et restreindre son regard à n'apercevoir que ce qui entre dans le cadre de l'ouverture découpée dans le vêtement. Là encore, c'est affaire de symbolisme. Le regard objectif — celui du « Qui-fait / sciences » — est conditionné par ses capacités analytiques : le regard de la porteuse de bourka ne voit le monde qu'au travers du piqueté des petites ouvertures perçant le tamis cousu à la hauteur des yeux. Autant de prismes qui, mis bout à bout, restituent une vision du tout, cependant imparfaitement et d'une luminosité atténuée : la juxtaposition des carrés de la grille ne compose pas une unité claire, d'autant qu'elle est délimitée par le cadre du treillis. 

Par analogie, cela décrit le regard des sciences sur le monde : elles ne voient précisément qu'au travers de chaque petite ouverture isolée, mais n'accèdent pas à la vision globale synthétique. La vue du « Qui-Fait », analogique à ce que les kabbalistes appellent le « Ma », aperçoit le détail des choses — autant de disciplines scientifiques qu'il y a de choses à voir — et cependant subit la coercition du conditionnement ontologique de ne voir qu'au travers du prisme de cette grille spécifique. Le regard du « Qui-Fait » est analytique, parcellaire, agglutinatif mais non synthétique.

— Si j'ai bien compris, la grille de vision taillée dans la bourka symbolise une certaine manière de voir le monde, celle des sciences… Par analogie, bien sûr.

— Il est remarquable qu'une tradition ait su représenter cet état de fait par un symbole précurseur bien longtemps avant que la réalité représentée n'existe. Les sciences aujourd'hui ont a peine quatre siècles d'existence, mais elles sont bien là. Leur existence était de loin annoncée par les traditions. Les modes de pensée ont eux-même fait l'objet de symboles dans les traditions, ainsi l'une d'elle a mis au point le symbole de la bourka, non pour opprimer les femmes, mais afin de « montrer » aux temps futurs un signe visible signalant l'existence d'une modalité de « voir », spécifique et singulière, celle du « Qui-Fait ». Le symbole en ce sens précède l'événement, et demande que son sens soit élucidé. La bourka, tout comme le voile, appelle à son propre dévoilement. Et le dévoilement, c'est l'explicitation du sens. Il s'agit, aujourd'hui, de retirer le voile qui couvrait les choses : ainsi le sens explicité agit sur le symbole dont l'autorité se dissout à mesure qu'il est dévoilé.

— Et ce serait la mission de l'Occident d'expliquer, d'ouvrir ?

— Libérer le sens de la bourka, … c'est libérer les femmes qui la portent, c'est aussi nous aider, en Occident, dont la vocation est de « dire », expliquer, exégétiser par la parole et l'écrit, par la raison, ce que d'autres donnent à voir au travers de leurs rites et coutumes. Elles deviennent intelligibles à l'instant où une parole libératrice du sens intervient qui retourne le symbole sur sa raison d'être et sur la modélisation lui ayant servi de trame conceptuelle. On en peut déduire que la bourka peut être retirée dès l'instant où son sens est donné. Elle peut tout aussi bien être gardée et portée, par qui le veut : il ne peut y avoir d'obligation, celle-ci se dissolvant dès lors qu'il y a passage en Sod : libération du sens, libération du symbole, libération de celles qui le portent.

— Je serais étonnée que cette délivrance exégétique soit produite par les Ayatolah d'Iran, les imams d'Arabie ou même de France…

— Ils n'ont aucune idée de ce qui surplombe le littéralisme ou le symbolisme de leur religion. La plupart d'ailleurs n'admettent pas qu'il existe un lieu de l'entendement supérieur à celui de leur culte, tant ils ont cristallisé l'état de leur foi, oubliant que les religions sont vouées à se dissoudre au bénéfice de ce qu'elles veulent défendre : la vérité… dont ils veulent qu'elle se conforme à leur autorité. La mise en cause actuelle du port du hijab, voile, ou quel que soit le nom par lequel on désigne le tissu couvrant partiellement ou totalement la femme, signe un moment évolutif important : la fin des temps symboliques. C'est un appel clair à la mise en évidence de ce qui jusqu'alors était caché : le réel devenant entièrement visible et intelligible par la double vue, à la fois celle des sciences et celle de la Connaissance.

 

 

Lire à ce sujet :

La Lecture des Symboles

La Face cachée du Cerveau (le code des archétypes)

 

A paraître bientôt :

Le livre « Inédits 1. », de Dominique Aubier 

Prix indicatif : 47 euros expédition incluse en France)
(expédition CEE/CH : + 8 euros)
248 pages. 
 
MLL / La Bouche du Pel
BP 16
27 240 DAMVILLE
 
Par chèque à l'ordre de MLL

samedi 15 octobre 2022

Décryptage initiatique du voile islamique… Le sens du voile 1/2

L'affaire du voile islamique 1/ 2

ou : « Fais de tes yeux des lanternes… » 

par Dominique Blumenstihl-Roth



Comment ouvrir lucidement le dossier du voile islamique ? Un dossier « empoisonnant » la République qui prône, avec raison, la laïcité et la neutralité au regard des religions. La laïcité est sans doute le meilleur terrain pour réaliser l'explication. « Objet d'embellissement des femmes », disait en France récemment une militante féministe controversée, tandis qu'en Iran où le régime des ayatollahs l'impose en tenue vestimentaire obligatoire, les femmes — et désormais les hommes — protestent et exigent qu'il tombe. Qu'a donc de tellement significatif ce morceau de tissu capable de faire trembler les régimes politiques ?

Le voile islamique cache les cheveux. Parfois le visage. Les maniaques iraniens de la brigade des mœurs les prennent en chasse et gare à la moindre mèche dépassant de sous le voile… Dès lors, qu'est ce que les cheveux féminins et qu'ont-ils de tellement outrageant qu'il faille les dissimuler ? Et qu'est-ce que le voile ? Ce qui était légitime il y a 14 siècles l'est-il encore aujourd'hui ? Il ne s'agit pas ici de critiquer une tradition — le port du voile — mais de l'expliquer, de trouver sa raison d'être, en son temps, et sa raison de n'être plus, de notre temps.


Les cheveux ? C'est un dépôt de kératine en fibre poussant sur la tête dira le scientifique… Ornement de la tête, et pas seulement féminine : le sociologue précisera que les cheveux longs — ou leur absence — peuvent être tout autant signe de virilité selon la culture considérée. Du point de vue initiatique, les cheveux représentent l'émanation du « Qui Fait » organique. Une excroissance du « Qui Fait » subissant dans les traditions le traitement symbolique auquel est assujetti ce secteur de l'évolution, selon le cycle en cause. Ornement que les femmes soignent avec une légitime attention, les cheveux représentent symboliquement les lois du réel dont l'humanité a fait l'expérience. Chaque cheveux témoigne d'une expérience vécue dont l'enseignement a été tiré. La coiffure d'ensemble en est la validation, entourant la tête, comme réceptacle de l'intelligibilité de toutes ces expériences.

L'obligation du voile, dans la tradition musulmane, repose sur la sourate 33, verset 59. Elle consiste, pour la femme, de se recouvrir : symboliquement, cela signifie recouvrir l'exposition des lois d'un tissu, d'un cache, de sorte que la connaissance conceptuelle de ces lois demeure communiquée sous couvert d'un voilement : c'est le rôle même du symbolisme qu'être ce voile sous lequel s'exprime le message qui ne peut se donner en direct. Il se donne par métaphores. Or la pression du temps, l'avancée inéluctable de l'intelligence humaine acquérant des savoirs font que les « choses » ne restent pas immuables et qu'elles en appellent à plus de clarté, plus de lumière. Plus d'explication, et moins de représentation symbolique.


Le haut Moyen-Age percevait toute connaissance en terme de symboles et la restituait en langage métaphorique. Le voile est métaphore. Il suffit de lire les écrits de ce temps pour s'en apercevoir ; tout le Coran est symbole. Tout ce qui s'y écrit, n'en déplaise aux cimenteries du sens littéral, demande son émancipation exégétique dont il faut reconnaître, hélas, qu'elle n'a pas été réalisée à ce jour. Les images symboliques actives dans le Coran restent captives depuis 14 siècles de la perception littérale et selon la tradition wahhabite faisant autorité en Arabie saoudite, « gardienne des lieux sacrés », l'interprétation symbolique en est interdite. Le soufisme a certes tenté une percée pour en délier le codage, s'inspirant très largement des travaux des kabbalistes, cependant ce mouvement, extrêmement généreux qui prospéra en Espagne sous la plume d'Ibn' Arabî (Murcia, Purchena, Alméria) est aujourd'hui encore opprimé et peu connu des communautés contrôlées par des imams essentiellement littéralistes. Des « Révélations de La Mecque » du grand soufi andalou nous ne savons pas grand chose si ce n'est que selon lui, nous vivons dans « le Théâtre de Sa révélation » et qu'il discutait âprement, déjà en son son temps — XIIe siècle — avec les docteurs de la loi, Ulémas, les points de la doctrine si bien qu'un jour l'Ange lui apparut qui lui reprocha de polémiquer avec les imams : « surtout quand ils ont tort », avait précisé l'apparition céleste.


— Pourquoi les femmes doivent-elles porter le voile ? demanda un élève à Ibn' Arabî.
La réponse humoristique du maître est devenue légendaire : « Les femmes musulmanes doivent porter le voile, de sorte que chaque homme ne voyant jamais l'épouse des autres est convaincu d'avoir épousé la plus belle. » Intéressante diplomatie pour la paix des ménages qui semble conforme au texte de la sourate : « dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants de ramener sur elles de grands voiles, elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées… »   

Reste à savoir la raison profonde de cette prescription. « Pour éviter la concupiscence des hommes » m'a-t-on répondu quand j'ai interrogé tel imam ayant influence sur la république des âmes musulmanes. Si cela était vrai, ai-je répondu, ce serait tenir en piètre estime les hommes musulmans : sont-ils si faibles qu'il faille demander aux femmes qu'elles protègent les hommes de leur propre concupiscence qui s'enflammerait à la seule vue d'une mèche de cheveux féminins ? En réalité les prescriptions coraniques ne sont jamais fondées en banalités sociales. Il y a toujours un fondement archétypal qui préside à leur édition.


Ce n'est certainement pas pour préserver les hommes de leurs désirs charnels que les femmes musulmanes étaient appelées à porter le voile. Le voile étant par lui-même un symbole, il ne pouvait se porter que pour se faire observer… par les hommes. Les hommes sont priés de « voir » le voile, symbole porté par les femmes. Dès lors l'injonction « que tes épouses portent le voile » doit s'entendre dans une acception conceptuelle. C'est un symbole qui demande à être porté, remarqué, vu et compris. Ce qui importe dès lors dans l'affaire du voile, ce n'est pas de « cacher » quelque chose, mais de montrer l'objet qui cache. Montrer le voile en tant que tel. Porter le voile revient tout d'abord à le montrer : il demande à être mis en évidence, par l'acte même de s'en couvrir. Si bien qu'un jour — et c'est la fonction de tout symbole — il s'agira de s'en dé-couvrir, le montrer, et en dévoiler… le sens.

Ibn 'Arabî ne s'y est pas trompé, pour qui le voile revêt une fonction symbolique. Il s'en exprime dans son étonnant ouvrage « L'Interprète des ardents désirs », traité initiatique sous forme de poésie, donc sous le voile des métaphores où il glisse un enseignement quasi inaccessible aux esprit de notre temps : O lune dans le rose du crépuscule / colorant ta joue / sous l'effet de la timidité / tu luis en te voilant à nous. Chaque terme revêt un concept, la lune, hémisphère indirect, émet sa lumière crépusculaire (en fin de journée, donc en fin de cycle) sous l'effet de la timidité (le symbole demeure discret et ne se dévoile pas), et pourtant émet sa lumière (mais délivre son message) en se voilant à nous (sous le masque de l'apparence).

 

La résorption des voiles est prévue par le soufisme et cette opération porte un nom : ihtirâq al hujub. C'est exactement ce qu'accomplissent en ce moment les femmes iraniennes, à la fois pour leur liberté personnelle et dans la perspective d'une opération révélatrice plus large qui marque la fin du recouvrement de la vérité par le symbolisme : «  Si de sa face, elle écarte le voile / elle laisse pour toi apparaître une lumière / pareille au soleil levant / qui brille d'un éclat inaltérable… » De sorte que la science des symboles, nommée dans le soufisme ulum al ramz conduit à considérer la fin du symbolisme et donc l'éclat non voilé du vrai. Nous voilà dans « la clarté du jour / et en plein midi, dans la nuit de ta chevelure… » Dévoilement prévu, souhaité, dès le XIIe siècle par l'extraordinaire initié et dont nous voyons se réaliser sous nos yeux la mise en œuvre : « Qu'elle retire son voile ou se découvre le visage / elle fait pâlir les lumières de l'aube la plus éclatante ». La vérité sans voile, directement exprimée surmonte la lumière du début cyclique (l'aube) par son augmentation explicative. Le soufi vit lui-même encore dans l'espace du symbolisme : « Je suis dans un domaine protégé, sous un voile noir qui me cache », mais ce voile ne saurait persister : « Laisse-le donc tomber devant eux ! » Le temps qui fera son œuvre le fera effectivement tomber, et nous comprenons la difficulté des âmes repliées dans le symbolisme face à cette soudaine mise en lumière, réaction que le poète a anticipée.

La réaction des autorités iraniennes à l'endroit des femmes, au lieu d'accompagner le phénomène du dévoilement, répriment ce progrès. Le pouvoir est en panique, incapable de comprendre l'événement. Désarroi que ces lignes écrites il y a 8 siècles décrivent parfaitement : « Elle qui a relevé son voile / dans l'embarras m'a jeté / Beauté et splendeur émanant d'elle / dès ce moment m'ont effrayé… » 

Il aurait fallu que cette révolution du dévoilement s'accompagne d'une explication de son symbolisme, qu'une élite musulmane en éclaircisse le propos. Nous observons certes les indignations des mouvements humanitaires, des responsables politiques sensibles à la cause des femmes. Mais nulle clarification exégétique ne pointe qui donnerait sens à la résorption des voiles.

 

Il n'y a pas qu'en Islam que le voile est symbole. Le rôle du voilement est très nettement mis en scène dans le temple de Jérusalem, tel qu'il est décrit dans la Torah. Le tabernacle sacré conçu selon le plan de Moïse, se situe derrière un rideau qui en interdit l'accès. Le voile existe également dans la religion chrétienne. Lors des messes de Pâques, se réalise l'opération du « dévoilement de la Croix » : le crucifié recouvert du symbole se voit mis à découvert : promesse, par cet acte symbolique du dévoilement, qu'un jour l'exégèse totale et résolutive du mystère sera « exposée » dans sa charnelle nudité au regard de tous. La vérité avance voilée, et l'on en observe les effets sur l'écran où elle projette ses ombres. Nous ne voyons les choses qu'exprimées sous formes de symboles, tout le réel n'est que l'écran sur lequel se déroule un film conçu depuis l'autre côté du réel… Le cinéma en est la métaphore artistique, le voile représente l'écran couvrant le corps du réel… qui demande, plus que jamais, à être vu. Ce voile, une fois expliqué et compris, peut en toute légitimité être enlevé. L'Ange Gabriel le souffle à l'oreille de toutes les femmes d'Iran.

 

Pour enlever ce voile couvrant la réalité, il n'est nul besoin pour cela d'attendre l'acquiescement des officiels de la religiosité. Leur esprit a cimenté une muraille qui se croit éternelle. Chargées de transmettre un message symbolique, les religions se sont coulées sur leur propre autorité, interdisant toute évolution vers les phases plus hautes de l'entendement. Elles en deviennent les geôliers de ce qu'elles croient préserver : c'est elles que Don Quichotte affronte au chapitre de la Barque enchantée, les accusant de détenir dans leur forteresse un chevalier — la Connaissance elle-même — qu'il se fait fort de libérer. Mais ne critiquons pas ces institutions : elles sont ce qu'elles sont et nous ne pouvons leur demander d'être autre chose. Les religions ne peuvent accomplir par elles-mêmes le dévoilement de leurs propres Textes. Il leur faudrait pour cela sortir du territoire symbolique qui est leur fief. Comment pourraient-elle monter sur un promontoire observationnel du haut duquel elles se regarderaient elles-mêmes, s'expliqueraient leur propre existence, si bien que se livrant leur propre raison d'être, elles changeraient de vocation ? Devenant post-symboliques, elles renonceraient à elles-mêmes pour se dissoudre dans ce qu'elles annonçaient. Fin des religions, ouverture des temps messianiques !

 

Inexorable puissance du Temps qui exige le dévoilement des choses, le « dire » devant quitter le territoire de ses premières occurrences. « Le poète doit mourir », disait Shelley, le héros des métaphores doit céder sa place à la moins séductrice mais plus éclairante élucidation. Après le temps réservé à la phase Drach, dirais-je en termes kabbalistiques de la formule PaRDèS, vient l'époque du Sod, la délivrance du secret. Le voile islamique participe de l'épopée en deuxième et troisième niveau d'organisation, appelées Remez et Drash. Il ne peut se survivre à lui-même dès lors que l'énergie abandonne ces niveaux d'entendement pour pénétrer dans la zone réservée au Sod. Après la longue et riche époque des symbolismes qui ont évolué jusqu'à leur maximum de puissance en créant les rituels allégoriques, la tension évolutive culturelle pousse la porte vers l'extérieur : j'allais dire vers l'exhibition du sens. Cela peut en effet choquer la sensibilité attardée dans le maintien des secrets « sous le voile ». L'ex-humation des images et leur ex-position à la lumière ex-plicative peut être ressentie comme une violence, ou une extravagance — voire un délit — par les « fidèles » dévots du littéralisme qui voudraient maintenir la forteresse dans l'épaisseur de leurs murs au mépris des lois évolutives. Il en résulte les attitudes passionnelles et pathétiques de rétrogradation, d'intégrisme — inadmissibles par leur violence, compréhensibles (ce qui ne signifie pas excusables) au titre du retour archigénique, et ne pouvant persister au-delà de la durée du « retour », prévu par le motif d'universalité. Rien ne peut entraver la montée de l'énergie vers le Sod — le secret dévoilé — où s'accomplit la plénitude cyclique.

Le soufi andalou, de loin, annonçait cette victoire du dévoilement : « l'amour l'emporte au point d'ôter tout voile sans vergogne et de divulguer tout secret ». C'est tout le sens que donne à voir le geste des femmes iraniennes qui d'un admirable courage dégagent leur tête, leurs cheveux, montrant leur beauté : c'est celle des femmes — beauté du réel — qui n'a rien à cacher, car le temps du voile est passé. Nous entrons dans les temps de la démonstration libre et ouverte des critères fondant la réalité, destinée à être vus et comprise de tous. Ce sont les temps de l'amour.

 

Suite de cet article : 2eme partie

 

Lire à ce sujet :

Fatimah, la délivrance de l'Islam

La Face cachée du Cerveau (le code des archétypes dévoilé)

Le Secret des secrets (le principe d'universalité dévoilé)

 

+++  Le livre « Inédits 1. » de Dominique Aubier paraîtra bientôt.

 

samedi 1 octobre 2022

Comment situer le symbolisme dans l'alphabet hébreu ? Texte inédit de Dominique Aubier.

Par Dominique Aubier

 

(Extrait du livre « Inédits 1. » de Dominique Aubier. Ce livre sera prochainement édité.)

 

Question :

Comment situer le symbolisme dans l'alphabet hébreu ?

 

Réponse :

Il suffit de regarder la lettre Tet, valeur 9. Elle se projette en Tzadé 90 et latéralement en Tzadé final 900. Le 9 donne la clé. Le symbolisme ne sera compris qu'au moment du Tzadé, quand la gauche et la droite auront légalement conquis leur espace. L'énergie passe alors de 9 en 90 par la montée de Bip en BOP et de 90 à 900 par l'Echange Latéral. Quand les deux côtés se présentent face à face, la rencontre des deux informations, celle de gauche et celle de droite, peuvent se rencontrer produisant une explication complète. Cette rencontre, en hébreu, s'appelle le « Qorban ». L'explication des symboles procède de cet acte. Elle ne sera possible que lorsqu'on aura compris l'Alphabet hébreu, le système qui en dirige le codage et sa dynamique. L'Alphabet permet de voir comment l'information s'instille en Niveau I, se transforme en symbole en Niveau II, monte en Niveaux III et IV du cycle. La couche I est formée par les 3 premières lettres de l'Alphabet. Après la porte Dalet, la couche II s'ouvre sur le Hé où s'écrit la première occurrence de la gauche et de la droite. Il n'y a pas de symbolisme au monde qui ne soit édifié sur la gauche et la droite. C'est la donnée structurelle de base, et la fameuse assertion des sociologues du rapport « signifiant-signifié » n'en est qu'une conséquence et non la cause première.

Nos sciences humaines ne situent pas l'apparition du symbolisme dans le processus évolutif, d'autant moins qu'elles ignorent la notion de cycles et des niveaux d'organisation dans le déroulé événementiel. Pour comprendre le symbolisme, il faut connaître le Tzadé, son graphisme est expressif de ce qu'il est. Il vient en second temps, après que le Hé, en première instance, ait préfiguré le schéma fonctionnel du symbole en gauche et droite. Tous les symboles du monde, y compris les plus simples, sont toujours établis sur la rencontre d'une forme matérielle avec l'idée appelant à être comprise. Le Hé présente la forme universelle la plus abstraite du concept donnant à voir non seulement comment fonctionne le symbole, mais également le lieu cyclique (couche II) où il s'active dans la structure et le long d'une ligne évolutive. Aucun symbole n'échappe à la règle tracée par le Hé, puis par le Tet. Toutes les métaphores sont des prévisions symboliques plus ou moins abouties, toujours établies sur un message de l'invisible suscitant une forme imagée qui le traduit. Tout symbole va grandir en couche II et monter jusqu'au Tet (9). C'est là, appuyé sur la couche II qu'il a traversée, que le symbole se complète avant que son énergie soit projetée sur le Caf, première lettre de la seconde instance.

En Tet, la gauche et la droite se voient nettement.

ט

En bonne calligraphie, on verra à droite l'enveloppement et à gauche une éruption. La gauche et la droite qui commençaient à fonctionner métaphoriquement en couche II, en Hé, a crée en couche III l'état d'esprit où le symbole est complet et se caractérise. En Tet, il devient un élément d'information opératif que l'énergie générale Yod (10) peut absorber et transporter jusqu'en Qof (100). C'est par le symbole que le BOP, en seconde instance, s'informe et s'active selon les informations reçues. Dès lors, tous les symboles sont créateurs d'avenir. Même les plus simples. Ils créent les éléments de leur propre compréhension qui s'ouvriront en Tzadé 90, en seconde instance réaliste. Je précise que les indications numériques auxquelles je me réfère ont été mises au point par Rabbi Aqiba, du moins elles lui sont attribuées par la tradition kabbalistique, en tout cas une personne qui avait une subtile expérience du système.

En Tzadé final, il se produit le moment cyclique où quelque chose, quelqu'un vient et cristallise le tout événementiel. Le rapprochement gauche-droite opère, l'énergie réalise le transfert du savoir accumulé et verse sur le Tzadé 90 puis monte en Qof (100). La compréhension de toute chose trouve alors son moment. 

Nous avons besoin d'accéder au système Alef qui, depuis le début, a traversé le temps afin de devenir une donnée de culture universelle. Le système Alef appartient à tous, il a été reçu par les Hébreux, sous la forme de l'Alphabet révélé du Sinaï, et cette information est destinée à aller vers le monde. Si notre civilisation acceptait le message hébraïque sans interposer mépris, jalousie ou négation, cela susciterait un mouvement culturel inouï, relançant les sciences ethnologiques, sociologiques, politiques mêmes, par une prise de conscience collective fantastique. Cela pourrait être proposé à l'Islam, qui comprendrait alors enfin le sens des « lettres non-lues » du Coran. Il y a en effet 29 sourates dans le Coran qui commencent par des lettres dites « non-lues » alors qu'en réalité, elles sont incomprises, mais doivent être lues. Les experts demeurent interdits devant l'énigme de ces lettres si bien que l'Islam officiel les considère comme n'ayant pas de sens. Ce qui est pour le moins surprenant, comme si le livre saint qui fonde cette religion pouvait contenir quelque chose d'insensé alors que c'en est la référence doctrinale. C'est surtout une question d'ignorance, et il paraît très commode d'affirmer le non-sens d'une chose pour éviter de reconnaître la méconnaissance que l'on en a. En réalité, ces lettres sont les projections des lettres hébraïques correspondantes qui donnent le sens général de la sourate en question ; cela signifie qu'en esprit, le Coran avait d'emblée accepté la symbolique hébraïque des lettres et dont il ne s'est jamais détaché. La séparation n'est liée qu'à la mauvaise lecture de la structure que forment ensemble Israël et l'Islam. L'Islam aujourd'hui extrêmement politisé pratique une farouche négation de son partenaire informateur qu'est l'hébreu. C'est une grave erreur au regard de l'ontologie structurelle. Il est donc bon de connaître l'hébreu, non pas nécessairement comme langue d'usage mais dans ses lettres, leur forme, leur sens, toujours placé dans la structure et le système : on peut y accéder de deux manières.
D'une part, si le temps en transporte la connaissance, il faut nécessairement quelqu'un qui assure la transmission. On ne peut « encaisser » la leçon du temps que si quelqu'un la dit. La leçon a été dite, par tous les initiés de la tradition hébraïque, depuis les Patriarches et toute la suite des maîtres depuis Moïse, Aaron, Josué qui l'ont prise en charge. Il faut aussi le contenant structurel pour la recevoir, à l'extérieur. A ce titre, l'Islam a entendu. Je parle de l'Islam des initiés, Ibn' Arabî, Mansour Al Hallaj. Si l'on pouvait communiquer à l'Islam l'explication du Modèle d'absolu, son référentiel cortical, le code alphabétique hébraïque qui en rend compte, et dont les lettres « non-lues » assument la réverbération, cela susciterait un mouvement culturel qui apporterait une grande délivrance propre à dissoudre tout ressentiment. Cette mise au point du sens des symboles, toute culture, toute tradition peut et devrait la faire pour elle-même, au moyen de la grille de lecture de l'arbre des Lettres sur quoi se pose la grille corticale. On s'apercevrait alors qu'elles sont toutes l'expression de la même unité, qu'il n'existe pas de classement de valeur, mais des colorations différentes selon les perceptions liées à leur localisation dans le cerveau planétaire. La clé ouvrant la porte explicative, c'est cet alphabet par quoi l'unité et le système fonctionnel de la pensée se dévoile.
 
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Le livre Inédits 1.  

de Dominique Aubier paraîtra bientôt.

Prix indicatif : 47 euros expédition incluse en France)
(Expédition CEE / CH : + 8 euros)
Nombre d'exemplaires limité
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