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vendredi 8 décembre 2023

Exégèse biblique : "Ils partirent de la montagne de Dieu un chemin de trois jours" (Nombres, X-3)

Exégèse d'un verset biblique :

« Ils partirent de la montagne de Dieu un chemin de trois jours » (Nombres, X-3), par D. Blumenstihl-Roth


Tandis que Don Quichotte fuit sa maison et s'en va sur la route qui le mène au Toboso, la résonance biblique ne laisse de rappeler la thématique du départ, de la sortie. La longue errance du chevalier ne semble pas livrée au hasard. Il a prévu ses étapes, son itinéraire, tout en restant ouvert à ce que l'impromptu lui réserve. Quitter, partir, fuir… mots-clé qui convoquent le verset 3 du chapitre X des Nombres. Il s'est présenté à l'évidence au moment où nos deux compagnons s'engagent sur le chemin de la cité où réside Dulcinée : « Ils partirent de la montagne de Dieu un chemin de trois jours… » Bien sûr, d'autres versets bibliques auraient pu tout aussi bien répondre à l'appel de ces mots, mais qu'y puis-je si c'est ce verset-là qui s'est présenté lorsque j'ai ouvert « au hasard » l'épaisse Torah bilingue qui se trouve en permanence sur ma table de travail ? Serait-ce un effet du « vouloir impénétrable des destins » ?

 Selon les talmudistes qui ont scruté depuis des millénaires jusqu'à la moindre molécule d'encre ayant servi à écrire la Bible, ce verset signifie « que les enfants d'Israël ont fui la montagne du Sinaï comme un enfant qui s'enfuit de l'école, après avoir trop appris… »

 N'est-ce pas la situation du Quichotte qui fuit sa maison, après avoir lu trop de livres ? Il quitte sa bibliothèque, se sépare du monde de l'écrit pour entrer dans le monde de l'action. Sa connaissance, son savoir sont dans sa tête, et sans tarder, il s'en va, ayant tout appris. A-t-il « trop appris » au point qu'un excès de connaissance engendre la folie ?

Le commentaire des talmudistes selon quoi les enfants d'Israël seraient comme des écoliers fuyant l'école après avoir « trop appris » ne nous explique pas en quoi consisterait l'excès provoquant la fuite. De quel trop plein parle-t-il ? Une révélation débordante qui dépasserait le contenant disponible ? Le talmudiste Yosef Rozin complète cet avis (dans Tsafnat Paneah) : « Ils partirent de la montagne de Dieu un chemin de trois jours… "comme un enfant qui s'enfuit de l'école, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas voulu apprendre les lettres de la Torah comme des entités séparées, mais ont préféré (lire et étudier) les mots entiers. » Il me semble que R. Rozin a placé la flèche au cœur de la cible. Il met en cause la méthode de lecture, débat qui traverse aujourd'hui encore le monde de l'éducation, singulièrement en France où, depuis des décennies les experts de la pédagogie s'affrontent pour déterminer la meilleure méthode d'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Terrain de dispute que l'on retrouve dans le Quichotte où les choses ne sont pas exactement ce qu'elles paraissent et où les mots demandent à être lus tout autrement que selon les règles de la logique linéaire. Le commentaire de Yosef Rozin pourrait s'appliquer à plein lorsqu'éclate la violente dispute entre le Quichotte et le barbier venu récupérer ce qui lui appartient. La querelle porte sur le plat à barbe, elle occupe la fin du chapitre 44 et une grande partie du chapitre 45 volume I.

Lire un mot comme il entend être compris, selon quelle grille de lecture ? 


1. Méthode lettrique ou méthode dite « globale » ? 

Ou une sorte de mixture entre les deux afin de satisfaire tout le monde, sauf l'esprit de l'apprenti ? Faut-il privilégier les lettres, les syllabes où les mots ? On a vu se dégrader l'orthographe des jeunes lorsque la méthode globale fut instituée, on ne sait trop sur quel critère scientifique ni quelle science devant favoriser l'accès au langage. Les dyslexies (fabriquées) ont envahi les écoles primaires, l'esprit des jeunes lecteurs ne parvenant pas à reconnaître l'ordre des lettres composant les syllabes enseignées comme des blocs unitaires, au détriment du sens qui n'est perceptible qu'au travers de l'exacte écriture des lettres dans les mots. Une confusion générale s'est installée, année après année, passant du primaire au secondaire, puis au lycée jusqu'à l'université où l'on voit des générations d'étudiants écrivant une langue quasi phonétique. Appauvrissement de la précision, inquiétante dérivation du sens ou comique confusion d'esprit agrémentant le répertoire des « perles » publiées par les correcteurs d'examens. L'amusement mis à part, on constate que l'intelligibilité du réel s'en trouve amoindrie selon des approximations globalisantes.

Le Talmud a tôt repéré cette erreur qui se produisit… il y a 3000 ans au Sinaï. Beau rappel de l'Histoire. Le peuple a voulu connaître les mots, la narration, mais non les lettres. Il a saisi « en gros » le global le plus vague et incertain, arraché à l'emporte-pièce, et non les composantes exactes de la Révélation. Dominique Aubier commente ce passage : « ils partirent de la montagne un chemin de trois jours ; les 3 jours signalent un cycle à demi parcouru. Le cycle entier aurait voulu que 6 jours se passent, conformément au modèle de la Création que restitue le modèle cortical. Cela signifie qu'ils en étaient à la première instance du cycle ( les 3 premières couches de l'unité, en « phase Bip »), d'une compréhension encore inachevée. Mais qui créa l'illusion, le sentiment d'avoir saisi la totalité. Ils crurent que la leçon était terminée, tandis qu'ils ne venaient que d'en vivre les trois premières occurrences, étagées sur 3 couches, que le Texte dénomme « jour ». L'humanité reçut au Sinaï, et du Sinaï, la fulgurance du don divin de la Parole révélée, qui exigeait une patience plus solide, un temps d'expansion consolidé en deuxième instance afin d'en inscrire la totalité dans le marbre. »


2. Le son du Sinaï

Emmanuel Lévinas parle de la « faillite de la transcendance ». Sans doute a-t-il raison par cette formule taillée sous la lame de son intelligence acérée… qui recouvre surtout l'appréhension du penseur devant un événement auquel il ne remédie pas. Car ce n'est pas la transcendance qui a failli, mais l'esprit de l'homme qui ne sut y accéder ; et plutôt que dresser le constat du désastre il semble plus urgent d'identifier l'erreur et proposer une réparation. Un « tikoun ». Oui, il eut fallu persévérer, entrer en seconde phase d'attention, entrer dans les 3 « jours » suivants, monter vers les couches plus hautes de la structure où le sens des lettres vues s'extériorise des mots entendus et s'affine jusque dans le tracé de leurs glyphes dont l'explication attendait d'être reçue. Mais « ils partirent de la montagne… », cette montagne du sens où le Verbe se donne pour être vu. Encore faut-il que les yeux soient ouvert et que la négation ne vienne obturer les perceptions sensibles. Ce fut le cas, surprenant et pathétique, de Sigmund Freud qui, dans un délire insurrectionnel contre Moïse, affirma que « Le Sinaï n'existe pas ». Faut-il voir en cela un défi de la science lancé à l'encontre de la « montagne de l'épée » ? Le psychanalyste a-t-il scruté, dans l'exemplaire de la Torah que lui avait offert son père à l'occasion de son anniversaire, comment s'écrivait le nom de la montagne qu'il se croyait en mesure de nier ?

סיני

Dans le mot Sinaï se trouvent deux Yod, double énergie qui confirme qu'elle vient à la fois du et par le Sinaï. La valeur numérique du nom est 130. Ce qui écrit le mot composé des lettres Qof Lamed. Qui signifie : léger, agile. Par extension : le son.

קל

Le son du Sinaï s'est laissé entendre, mais demeura partiellement incompris. Les efforts de Moïse n'ont pu pleinement en achever la pleine réception par le peuple. La lecture en demeura incertaine, du moins non menée à son terme, se contentant des phrases aux accents moralistes des commandements, mais ne pénétrant pas l'ontologie des lettres qui en écrivaient le codage. La méthode de lecture adoptée en affaiblit la teneur, autorise interprétations et opinions, détachée qu'elle est du système lettrique de soutènement. L'énergie même du Sinaï — double Yod de son nom — s'en trouve atténuée, la « montagne de l'épée », où l'épée est symbole du verbe, se réduisant dès lors à une colline quelconque couverte de pierres, qu'un absurde pourra nier au gré de ses fascinations personnelles.

Méthode qui continue de sévir. Qui réduit les lettres à n'être que des traces mnémoniques sans qu'il n'existe de système ligateur qui conduise au sens. La méthode globale visualise les mots, la méthode syllabique considère les unités syllabes, elles reposent toutes deux sur la captation synthétique d'une image composée dont les éléments lettriques internes ne sont pas intégrés en tant que porteurs de sens, mais comme des accessoires anecdotiques. Elles fonctionnent sur la mémoire « photographique » et non sur l'acuité sémiologique des composantes lettriques. Cependant, l'esprit humain est ainsi fait qu'il exige du sens. Le lui refuser, au nom de la production visuelle d'une image de mot revient à le priver d'entrer dans l'univers du sens que recèlent les lettres. Lettres essentielles à la structure, à l'organisatoire systémique des mots.


3. L'Alphabet hébraïque : « une rêverie poétique » ? 

Dans sa réflexion sur l'écriture et la parole, Marc-Alain Ouaknin se demande si la lecture des lettres ne serait pas une « rêverie poétique ». Quoi ? La révélation des Lettres du Sinaï ne serait qu'une rêverie ? La question convient peut-être à l'aimable philosophe de l'incertain, toujours en droit de douter, mais venant d'un rabbin formé à une rigoureuse école, elle ne saurait pas même être posée, en ce qu'elle présuppose la négation du Sinaï et donc ce pourquoi des millions furent assassinés. La lecture des lettres serait une rêverie ? Moïse aurait poétiquement rêvé des Lettres ? Toute la Révélation sinaïtique et les millénaires de transmission de la haute leçon révélatoire ne seraient qu'affaire de songe ? Auschwitz, où le meurtre perpétré précisément en négation des Lettres divines, n'aurait été que la mauvaise interprétation d'un rêve ?

Les inconséquences d'un esprit troublé ne sauraient faire école, et je garde cependant fraternellement confiance pour que l'auteur de ces lignes rectifie courageusement ces vagues à l'âme. Je ne doute pas que de belles clarifications verront le jour dans de futurs ouvrages. Aussi je mets cette malheureuse phrase sur le compte de l'extraordinaire difficulté qu'a l'auteur de vivre à la fois dans le dédire philosophique et le dire rabbinique. Concilier les deux ? Pas facile d'être « philorabbin ». Quant à la poétique, en aucun cas le poète ne « rêve » des Lettres mais il en a la vision la plus précise et colorée : Arthur Rimbaud recherche le sens des lettres, dans un langage dont il espère la venue. Ce langage déjà existe. Le rabbin confirme : « Dieu n'a-t-il pas écrit de Sa main, gravé, fixé Sa Parole ? Et ne l'a-t-il pas transmise dans un volume, dans un Livre, dans un système, dans sa totalité ? ». Cependant, le chercheur, à nouveau, se rétracte en ce qu'il n'envisage, dans sa question, que le volume, le Livre, le système, la totalité. Faut-il lui rappeler que le noyau atomique de la Torah réside dans les Lettres qui, une à une, en écrivent le métalangage et qu'il n'existe de Livre que par la puissance des lettres qui le composent ? 

Dieu a certes écrit « dans un Livre », mais il le fit lettre par lettre. Dieu a convoqué ces lettres, une à une, comme l'expose un célèbre passage du Zohar, en commençant par la dernière pour voir laquelle serait la mieux adaptée pour entamer Son Livre. La lettre Beth fut retenue, en ce qu'elle pose la structure pouvant recevoir l'énergie du point qui vint habiter son ventre, première lettre du premier mot « Bérechit », ouvrant le premier verset de Genèse. Dans la Torah, c'est toujours affaire de Lettres, depuis la première à la dernière, et en cela nulle « rêverie poétique » ne saurait emporter l'adhésion du Lecteur souscrivant à l'Alliance, celle-ci étant précisément un contrat passé avec le Verbe. Dans la Torah, les lettres de l'Alphabet construisent le sens. Croire que le mot ou que le volume préside est une inversion — c'est simplement mettre la charrue avant les bœufs.


4. La philosophie du « dédit »

Que signifie alors ce verset ? Que signifie son explication : « ils n'ont pas voulu apprendre les lettres de la Torah comme des entités séparées, mais ont préféré (lire et étudier) les mots entiers » ? M.A. Ouaknin estime, citant son maître « que les enfants d'Israël n'ont pas compris l'autrement qu'être s'énonce dans un dire (qui) doit aussi se dédire pour arracher l'autrement qu'être au dit où l'autrement qu'être se met déjà à ne signifier qu'un être autrement n'a pas été compris. » Et justement, je n'ai pas compris cet « autrement de l'autrement » car en toute modestie de mes capacités intellectuelles dont je mesure l'étroitesse, ce discours m'échappe, mon esprit n'accédant pas à des philogrobulisations de haute altitude. Je ne suis pas loin de rejoindre, du moins pour le cas précis, cette opinion d'un spécialiste de la physique quantique pour qui tout devient intelligible dès lors que l'on admet que « la philosophie constitue l'abus systématique d'une nomenclature inventée précisément en vue de cet abus ». « La lecture des lettres, poursuit le philosophe, signifie l'exigence de la simultanéité du dire et du dédire (ou du moins si la simultanéité est une trop grande exigence, la nécessité d'envisager ce dédire). »

 Je ne crois pas que la Parole de la Torah se dédise jamais de sa promesse, car il en découlerait la vanité de 5000 ans d'histoire, l'inutilité et la vacuité de l'Alliance : serait-elle posée sur un dire susceptible d'être dédit… par l'Eternel ? Faire philosophie du « dédit » signe un esprit incertain qui aligne le dire au même degré que son revers, construisant une équivalence qui réduit l'affirmation du Verbe sinaïtique au degré zéro de la Révélation : elle se dit et se dédit… finissant par s'anéantir. Comment cela ! Dieu se présenterait donc comme Je suis celui qui sera et, simultanément, se dédirait en disant Je ne suis pas… celui qui sera ou qui ne sera jamais ? S'accroche à ce trapèze chancelant tout acrobate qui désire se rompre les os. L'auteur poursuit : « La lecture des lettres exprime "la possibilité d'un arrachement à l'essence" qui va jusqu'à rechercher le non-lieu, car cet arrachement conteste le privilège inconditionnel de la question "où" ». Comment nous accorder à cette pensée tout à l'envers de la fonction même des lettres qui demandent à être lues afin que l'esprit puisse précisément toucher à leur essence, conduisant la conscience vers le Lieu. Rechercher le non-lieu, alors que les Lettres sont l'expression du Lieu ? S'il existe une contestation valable, et nous la disons ici, c'est de vouloir forcer les lettres à exprimer une négation du Lieu alors qu'elles en sont l'émanation.

Comment adhérer à de tels montages intellectuels quand ils portent en eux la négation de la vocation même des Lettres, de la Parole ? Depuis des décennies une certaine mode pseudo-exégétique fondée en approche philo-psychanalytique ligote les Textes dans des impasses où se télescopent oui et non, dire et dédire d'un verbe double, voire bifide, disant à la fois une chose et son contraire, syndrome du « en même temps » qui viendrait conspuer l'Unique dire du Dieu Unique, sans pour autant parvenir, ni même rechercher le sens de l'écriture. Pour ce qui nous concerne, nous en resterons à considérer que YHVH est le nom de ce Dieu locuteur dont la parole est Une et les lettres l'expression même de cette pensée.


5. Faut-il dialoguer avec la négation ?

Génération de penseurs touchés par ce syndrome qu'évoquait Rabbi Rozyn : ils ont quitté l'école trop tôt, et n'ont pas voulu apprendre les lettres de la Torah comme des entités séparées, mais ont préféré (lire et étudier) les mots entiers, ce qui les a amené à tout relativiser, à dédire ce qui a pu être dit, rien n'étant pour eux entièrement gravé dans l'esprit. Ce sont les résidents du « non-lieu » dont parle M.A. Ouaknin, là où le Verbe exilé par le dédire ne peut trouver le site où implanter sa résidence. 

Cette école de philosophie a fait ses émules. Nous les voyons prendre possession des lieux de pouvoir, dans tous les domaines. Esprits pour qui tout est admissible, la chose et son contraire à la fois, et le contraire se justifiant par l'équivoque doctrinale selon laquelle tout serait perpétuellement réversible. Artifices intellectuels d'une pensée errante, faite d'amoncellements cognitifs qui s'annihilent les uns les autres jusqu'à l'asphyxie : et l'on voit surgir, chez les modernes théoriciens d'obscures remises en cause aboutissant à de dramatiques négations issues de ses propres rangs. Que penser de cette néo-école qui prétend que « le messie est fait pour ne pas venir » ? Faut-il discuter ce propos ?

La discussion talmudique, dite « mahloquet » préconise le débat d'idée. Faut-il pour autant accepter le débat avec l'interlocuteur qui sous-entend l'anéantissement de votre espérance ? Les opinions sont toutes respectables et ont toutes droit de citer, le débat talmudique est ouvert, il ne cherche point à convaincre ou persuader. Il autorise l'exposition des divergences dont chacun est prié d'assumer la responsabilité face à la chose dite. Dès lors que penser de ce précepte troublant dont je redoute qu'il fasse des émules : « voir le nom de quatre lettres (YHVH), c'est s'abîmer dans le néant, pénétrer dans une néantisation du savoir, faire l'expérience du vide… », quand tout au contraire le nom de quatre lettres exprime la sortie de l'énergie Yod hors du néant créant ainsi le réel structuré en polarités (Hé) et ouvrant le cycle de la Création ?

 Ce n'est pas faire l'expérience du vide que sonder les quatre lettres divines, c'est au contraire s'emplir de la totalité du Code des lettres promulguant la Création.

Pour étayer sa thèse du « messie-fait-pour-ne-pas-venir », le penseur en appelle curieusement au soutien de Rabbi Nahman de Braslav (1772-1811). Talmudiste solidement ancré dans la tradition, ce dernier écrit fort modestement que ses propres enseignements « ne sont que des introductions », en ce sens qu'il a pleine conscience d'agir en phase préparatoire… à la venue messianique dont il ne doute à aucun moment. Il est auteur en phase « Bip », et c'est une erreur de voir dans son travail préparatoire une attestation de non-venue : bien au contraire, chez lui, aucune tergiversation, aucun dédit ne viennent altérer son œuvre pleinement tournée vers cet avènement. En aucun cas, Rabbi Nahman ne porte soutien au penseur pour qui « le messie permet au temps de se différer continuellement, d'engendrer le temps. Il est de l'ordre du retrait (Tsimtsoum) où l'espace vide n'est pas fait pour être cicatrisé ». Aucun talmudiste, aucun kabbaliste ne se range à ce que le messie serait dans le « différer continuellement ». Déclaration difficilement acceptable, émanant d'un élève de trois jours, qui renvoie le messianisme dans le néant d'un avenir perpétuellement en fuite… tandis que le vieux maître du Talmud sait que le futur tire vers lui le présent, et que la rencontre se fera, entre l'espérance et l'occurrence, car telle est la promesse, telle est l'accomplissement nécessaire qui se dresse au bout du chemin, au bout des 6 jours menant au grand Chabbat et au retour de la Chékhina.

Tous les talmudistes, tous les kabbalistes ont travaillé à l'avènement de l'ère messianique, à la réparation du préjudice infligé par le départ anticipé du Sinaï. Nous les rejoignons afin de participer à la cicatrisation et ne point retarder l'accomplissement promis. La terre promise ne recule pas indéfiniment. Les temps messianiques sont déjà à l'œuvre…

samedi 25 novembre 2023

Plaidoirie pour une cause gagnée : série de 3 livres de Dominique Aubier

Plaidoirie pour une cause gagnée

C'est sous ce titre générique que Dominique Aubier a écrit ces trois ouvrages traitant du judaïsme :

1. Le cas Juif
2. L'Urgence du Sabbat
3. Le Principe du Langage ou l'Alphabet hébraïque

Ces trois volumes forment un triptyque.

— Le Cas Juif décrit l'ampleur de la pensée juive, sa force d'adhésion au réel, la vigueur ontologique de son langage. Ce livre met en évidence la spécificité d'Israël encadrée par cinq paramètres, le Verbe, le Peuple, le Pays, la Langue et le Temps. Cinq facteurs qui forment les cinq sépales du calice sur quoi s'épanouissent les pétales de la Rose d'Israël.

L'Urgence du Sabbat présente une explication raisonnée du rituel sabbatique. Une enquête sur son symbolisme immuable permet de tracer le schéma du fonctionnement de l'esprit et d'y reconnaître le plan de guidage de la vie.

Le Principe du Langage ou l'Alphabet hébraïque définit l'Alphabet hébreu par rapport à la vérité fondamentale du réel et insère les lettres hébraïques dans la systémique du fonctionnement cérébral. L'exploration, lettre après lettre de l'édifice conceptuel de l'Alphabet permet de découvrir l'essence de la parole, d'accéder au Principe du Langage, fondateur d'humanité et de civilisation.

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Le triptyque : 97 euros TTC les trois volumes ensemble, expédition prise en charge pour la France.
*Les 3 volumes sont également disponibles séparément : 47 euros TTC l'exemplaire, expédition prise en charge.


Commande par Internet sur le site Dominique-Aubier.com

samedi 4 novembre 2023

Comment lutter contre l'antisémitisme ?

Par Dominique Blumenstihl-Roth


Nous étions tous au Sinaï, aimerais-je dire aux antisémites dont les éructations sont largement relayées par les médias. Médias qui, à force de les diffuser, finissent par être les informateurs de ce qu'ils voudraient dénoncer. Les antisémites se réjouissent de ce que l'on parle d'eux : notre indignation les amuse et les conforte dans leur raison d'être.


1. Comment lutter contre l'anti S ?

En surveillant les réseaux sociaux, en punissant les impétrants… Tout cela est sans doute louable, peut-être efficace, mais c'est là une action portant sur l'extérieur et non sur l'origine. Pour refroidir les inflammations chroniques, il ne suffit pas de prendre un antibiotique dont l'effet cesse rapidement après qu'il a été administré, d'autant que l'organisme s'y habitue. L'amoxycilline perd de son efficacité, quand bien même on en augmente les doses. Une autre médication est-elle envisageable qui mette fin aux purulences ? Neutraliser l'agent pathogène ? L'extraire ? Impossible de vérifier ce qui mijote au cœur des âmes, au secret des lourds silences qui parfois n'attendent que l'occasion pour enfin lâcher leur terrible secret. Car enfin, si l'antisémite lourd et gras vociférant sa haine dans la rue est facile à repérer, qu'en est-il quand il se larve dans la bienséance propre-sur-elle de l'intelligentsia, persuadée de n'être jamais démasquée ?

— Tel écrivain raciste et antisémite comme Louis Ferdinand Céline continue d'être adulé par une caste de bien-pensants en raison de la prétendue haute qualité littéraire de son œuvre.

— Le philosophe Heidegger en grâce chez les universitaires qui lui consacrent quantité de conférences sous toutes sortes de prétextes. Il fut étrangement complaisant à l'égard du nazisme qui lui offrit un poste prestigieux à l'Université de Freiburg…

— Tel auteur actuel célèbre écrit une pièce de théâtre à gros succès où Hitler apparaît comme un sympathique artiste-peintre et Albert Einstein en monstrueux savant responsable d'Hiroshima…

— Tel éditeur publie Mein Kampf, désormais tombé dans le domaine public, en tire de substantifiques revenus et justifie cette édition au nom de la recherche scientifique…

— Tel président de la République se rend sur la tombe du Maréchal Pétain et lui rend hommage, y dépose une gerbe de fleurs, sous prétexte d'Ancien Combattant. Et ricane en secret du subterfuge qu'il accomplit. Tel autre se rend en Israël, en voyage officiel, et soutient l'idée de la coupure en deux de Jérusalem — thèse délirante défendue — histoire de ménager les susceptibilités du Golfe alors que l'entité même de la ville en tant que lieu d'insertion du Verbe ne peut en aucun cas être divisée sous peine d'ablation de l'aire du langage. Antisémitisme dosé au nom du prétendu pragmatisme d'Etat, qui se défend, la main sur le cœur, de jamais le paraître au nom des Droits de l'Homme.

Tout cela repose sur la méconnaissance, la négation même du rôle de la France, dont la mission est étroitement liée à celle d'Israël. La politique se pense en terme de pouvoir. Serait-il possible de la penser en terme d'utilité au service de l'esprit ? La politique, c'est la relation. Peut-elle se fonder sur autre chose que la volonté de domination? Pour Israël, c'est avant tout la volonté de survie qui domine la dynamique existentielle de l'Etat. Pour la France, c'est la volonté de confort, de paix sociale. J'allais dire de suprématie en boffitude. Elle se range sur un projet de développement de type hyponeurien, avec sa croyance au progrès éternel, technologie illimitée, soumission des êtres à l'accroissement productif. Pourtant, par sa vocation, la France s'inscrit dans la continuité de la Révélation. Ouvrir le message de la Révélation, l'expliquer, l'universaliser, la mission française se cale sur ce rail, en liaison directe avec l'extraordinaire travail accompli par la longue histoire d'Israël. Une réorientation au plus haut niveau de la politique de l'Etat serait souhaitable qui fasse de la doctrine de l'intérêt immédiat une obsolescence au profit de la fidélité à la vocation spirituelle.

 

2. L'antisémitisme, c'est aussi au quotidien

Il y a quelques jours, au café, un pilier du bistrot dit à son collègue : « oh toi, t'es radin, un vrai juif ». Personne ne réagit, moi non plus. Allais-je invectiver un brave buveur ? Et pourtant… Peut-être aurais-je dû me lever et le mettre face aux mots qu'il a employés ? Il ne présente aucun danger pour personne, si ce n'est pour lui-même : son antisémitisme est tellement sot, normalisé et admis… Il vit avec, sans se rendre compte de rien. Oui, j'aurais dû lui dire quelque chose. L'emmener à la maison, lui présenter la Torah, les Talmud, lui montrer les livres de mon Maître sur l'Alphabet hébreu. L'inviter à s'en instruire. Lui proposer d'apprendre les secrets de l'Alphabet et ses arcanes. Lui expliquer que l'antisémitisme, la haine, le racisme procèdent de l'Inversion. Lui montrer aussi les Evangiles, et lui dire : « tiens, voilà un juif qui te regarde et qui n'était pas radin ».

Ai-je raté l'occasion d'instruire un ignorant qui n'attendait que cela ? Ce n'est que partie remise et m'en tenant à la loi du Redoublement, il est certain qu'une nouvelle occasion se présentera. Oserais-je lui dire : — Mon ami, être juif, c'est aussi et surtout vivre sous contrat avec l'Alliance (Bérit), l'Alliance du Sinaï, à laquelle toi aussi tu es convié, depuis toujours. Etre Juif, c'est s'engager, devenir Israël dont le nom signifie lutter pour l'Esprit. Toi aussi tu peux lutter « pour ». Depuis des millénaires, le judaïsme tient cet engagement, et nous sommes tous impliqués dans la grande Alliance. Elle fait de nous des humains à part entière, connecté à l'Invisible. Briser ce lien fut l'objectif de la Shoah. Si tu enlèves en toi-même ta part te reliant à l'Absolu, alors tu pratiques une ablation de ton propre cerveau. Et que restera-t-il de toi, si on coupe, dans ton propre cerveau, l'aire du langage ? L'expérience a été faite par les neurologues : selon la zone détruite, tu peux continuer de parler, mais tu n'as plus accès au sens. Ou alors tu gardes la capacité du sens, mais tu ne peux plus parler. Dès lors : ne te coupe pas du Sinaï.

Je crois que l'antisémitisme est l'expression d'une souffrance atroce, la détresse d'un esprit qui reconnaît dans « le Juif » — dans l'Autre — ce qui lui manque… et qu'il rejette tout à la fois. La haine viscérale s'exprime contre « le Juif », en ce qu'il est le porteur de l'Alliance sinaïtique à laquelle l'Invisible cependant appelle tout le monde. « Par toi sont bénies toutes les nations de la Terre », dit Dieu à Abraham. Dès lors, l'antisémitisme c'est la haine de soi-même, la haine du meilleur que l'humain porte en lui, c'est-à-dire sa connexion avec l'Esprit. 

 

3. A chacun sa manière

Je vois autour de moi quantité de manifestations d'amour dont les média ne relaient pas le message. Pour eux, ce sont des non-événements. L'amour d'une mère pour ses enfants, l'amour qui s'éveille entre deux adolescents — qui s'embrassent, à la vue de tous, sur le banc, devant le collège. Cela aussi mérite d'être vu : leurs regards amicaux et complices quand je leur ai fait signe du pouce pour leur dire « OK ». Passant devant eux, pendant qu'ils reprenaient leur respiration (ils étaient tout émerveillés l'un de l'autre), je leur ai dit : — Vous êtes beaux tous les deux. C'est beau l'amour. Ils m'ont répondu en me remerciant de ces paroles. Voilà des images que nous aimerions voir sur les écrans. L'amour, puissante réponse à la haine, sans cesse nous appelle, nous rappelant que la Révélation ne cesse de se donner, à chaque seconde, à chacun de nous, afin que nous en validions l'enseignement.



Concilier la diversité des croyances en identifiant le principe d'unité : La Face cachée du Cerveau

Lutter contre l'Anti-S : ce livre exceptionnel, Réponse à Hitler

et ce livre : Esther, la Délivrance d'Israël

Réconcilier l'Islam… avec lui-même : Fatima, la délivrance de l'Islam.


samedi 21 octobre 2023

Conflit Israël / Palestiniens, comment sortir de l'impasse ? par Dominique Blumenstihl-Roth

Par D. Blumenstihl-Roth
 

La première partie de ce texte se trouve ici.

Je remercie les nombreux lecteurs et lectrice qui ont bien voulu me témoigner leurs encouragements dans la poursuite de cette étude.

Noter qu'Ismaël est né avant que le Hé soit attribué à Abram. Isaac naît 14 ans après Ismaël, de la rencontre du Hé abrahamique avec celui de Sarah. Abram, à la naissance d'Ismaël, est encore incomplet.


5. Enseignement de l'Aqéda
L'islam gagnerait à réfléchir à l'épisode de l'Aqéda : la ligature d'Isaac selon la Torah. L'islam moderne affirme qu'il s'agirait du « sacrifice d'Ismaël », alors que la sourate 37 ne confirme pas cette option. En effet, le nom d'Ismaël ne figure pas dans cette sourate, du moins dans le texte arabe original. Il apparaît dans les traductions éditées en Arabie Saoudite, dont les Ulémas ont estimé qu'il fallait l'ajouter, créant par là une fausse lecture du texte de référence. Une manipulation qui déforme le texte coranique, ayant pour but d'éliminer Isaac et le remplacer par Ismaël. Ces traductions douteuses circulent dans toutes les associations musulmanes et servent de référence à l'enseignement dans les écoles coraniques.
 
En tout état de cause, il faut retenir le fait que le bras du Patriarche est retenu et que le couteau ne s'abattra pas. Quel intégriste, dès lors, aurait l'audace d'exécuter ce qu'Abraham ne fit pas ? A moins de se croire supérieur au vieux Père ou à Dieu lui-même ?
L'épisode d'Agar, errant dans le désert mérite lui aussi d'être étudié. Le couple Saraï / Abram demeure stérile : absence du Hé de la dualité, de la rencontre. Saraï possède un Yod final d'énergie, mais à quoi bon posséder un potentiel d'énergie s'il n'existe pas de lieu où la déposer ? Abram quant à lui — sur conseil de son épouse — se reporte sur Agar qui possède un Hé favorable à l'union. Ce sera le Hé de la lignée ismaélienne.
 
Après la naissance de son fils, Agar est « renvoyée » pour ses impertinences. Livrée à elle-même dans le désert, elle finit par gagner une oasis — un puits — où un ange apparaît, lui dictant la conduite à tenir. Agar reconnaît alors « le Dieu qui voit tout », le Dieu de la vision. Sans doute a-t-elle compris que ses ressentiments ont été vus et qu'ils sont à l'origine du rejet qu'elle a subi. L'ange vient de lui parler du Dieu qui entend : la détresse d'Agar a été entendue. Curieusement, elle invoque le Dieu qui voit. L'ouïe et la vue ne relèvent pas des mêmes postes cérébraux, et Agar semble donc particulièrement sensible à la vue, aux choses visibles, à ce qui paraît là, dans l'immédiat. Le Dieu d'Abraham est un Dieu de parole, du Verbe prononcé. C'est une parole qu'elle a entendue. A moins qu'elle ait « vu » ce qu'elle a « entendu », dans le sens où la parole entendue par l'aire cérébrale de l'audition touche l'aire visuelle et y suscite une vision ?
Le Dieu audient et voyant toute chose, même le caché, a démasqué ce que Agar a pu ruminer dans sa détresse ; il se manifeste à l'instant où, renonçant à la colère, vaincue, elle en appelle à Lui. Elle s'abandonne à Sa volonté. Elle en est aussitôt sauvée. La rédemption est immédiate, son retour dans le clan abrahamique est ordonné — sous condition d'humilité.

6. La blessure de l'Islam
Cet épisode douloureux marquant le début de l'aventure ismaélienne a-t-il jamais connu une pleine « résilience » ? La marque de cette blessure semble indélébile dans le cœur de l'islam qui semble lire-ressentir tout événement le concernant au travers de cette entaille. Il n'intègre pas le fait que la fracture a été réduite et la structure ressoudée. La moindre observation critique à l'endroit de l'islam touche en lui une susceptibilité toujours sur ses gardes, exacerbée par ce traumatisme ontologique : il se développe même dans l'islam une sorte de délectation de souffrance, toujours renouvelée, une martyrologie. Provoquer une guerre, quitte à en devenir la pseudo-victime, en retour calculé de la violence essuyée par le conflit qu'il déclenche… Je laisse aux psychanalystes le soin de nommer cette pathologie d'automutilation allant jusqu'au suicide, ayant la particularité de faire en sorte que les autres en soient tenus pour coupables.

7. Mémoire d'Agar
L'islam des origines, celui qu'invoquent les intégristes, oublierait-il la noble attitude d'Agar qui revint dans le giron abrahamique ? Au service de Sarah ? Oui, elle sut comprendre qu'elle devait être au côté et soutenir le projet abrahamique en aidant de son mieux le vieux couple.
Certains commentateurs croient qu'Agar « a vu » Dieu, car elle dit : « Tu es le Dieu de la vision, car n'ai-je pas revu ici même la trace du Dieu après que je l'ai vu ? » (Genèse XVI-13). Elle n'a pas vu Dieu, mais sa trace. Il serait bien étonnant qu'Agar ait pu « voir » ce Dieu caché dont on sait qu'il se dérobe à Moïse et qui ne le voit passer « que de dos », c'est-à-dire qu'il n'est perceptible que dans sa manifestation et non visible dans son essence. « Après que je l'ai vu » : ces mots d'Agar concernent le messager et non l'expéditeur. Elle a reçu / entendu / vu le message et l'ange messager porteur de la parole divine : messager de chair et d'os, bien vivant, qui lui a parlé et lui a fait comprendre sa situation, lui indiquant la marche à suivre, celle du retour dans le clan familial où son fils à naître sera intégré à sa juste place : fils de la servante. Une place délicate et qui ne peut, en aucun cas spolier celle d'Isaac, ni prétendre à la domination.
Avec la naissance d'Isaac s'opère l'apparition des deux branches polarisée de la descendance. D'une part, celle étant dévolue à Isaac, légataire de l'Alliance. D'autre part, celle d'Ismaël dont la responsabilité est différente. Les récents accords et conciliations entre Israël et de nombreux pays musulmans laissaient prévoir une généreuse perspective d'avenir de coopération entre les deux branches. C'est assurément pour briser ce mouvement que le Hamas a lancé son attaque barbare, afin de maintenir l'état de rupture qui lui permet de se nourrir de la haine. La haine pathologique des terroristes à l'endroit d'Israël est à mon sens issue du fait que l'Islam ne sait pas qui il est. Il ignore — et refuse — d'être le partenaire de la branche d'Isaac. Ce refus se cristallise en violence exprimant une crise dont la source remonte à l'épisode de Agar dans le désert. Un traumatisme transgénérationnel qui n'a pas fait l'objet d'exégèse par ceux-là même qui en souffrent… Je souhaite que ces lignes ouvrent ce grand projet par quoi la conciliation devient possible.


Lire à ce sujet :

mardi 10 octobre 2023

Comprendre le conflit entre Israël et Palestiniens, par Dominique Blumenstihl-Roth

Comprendre le conflit entre Israël et Palestiniens 1/1
par Dominique Blumenstihl-Roth


Israël se retrouve une fois de plus face à la violence du Hamas. Les responsables palestiniens se trompent quand ils croient qu'Israël doit disparaître.Toute leur pensée est vissée sur cette erreur, et elle rend impossible tout dialogue.


Ce conflit soulève pas mal de questions :

1. Comment réagit l'islam dit « modéré » face à la guerre déclenchée par le Hamas ?
Le terme « modéré » présuppose qu'il existe une modération entre des extrêmes qu'elle ne réduit pas. Il suppose également l'existence d'une autorité qui encadrerait cette « modération ». Une autorité qui prendrait également en charge la grande exégèse coranique : à ce jour, elle n'a pas été produite et l'indigence des intellectuels musulmans dans ce domaine suscite un manque essentiel, laissant par cette absence toute puissance aux factions intégristes du littéralisme.

2. « Sa main sera contre tous… » écrit Genèse XVI.
Ce verset traite-t-il d'une adversité inéluctable de l'islam contre tous ? Ces paroles émanent, dans la Torah, de l'ange qui apparut à Agar, alors qu'elle venait d'être rejetée par Abram. Ces mots sont-ils irrévocables ?
Le Dieu d'Israël, celui qui s'exprime au travers de l'ange, est Dieu de parole et de Dialogue. Un dialogue qu'il cherche avec l'homme, depuis le début. Abraham est homme de parole, de dialogue. Il discute, négocie… même avec Dieu. Agar, quant à elle, entend, écoute, accepte. Noble résignation. Elle répond aux questions posées mais n'en pose aucune. Agar n'a pas le réflexe de demander à l'ange : « Mais pourquoi dis-tu cela ? »  Ismael est présenté « contre » les autres. Cela pourrait tout aussi bien s'entendre comme un « contre » de soutien, un appui, un contrefort adossé au mur principal de l'édifice.
La prophétie de l'ange a-t-elle été comprise en terme de conflit et interprétée par Agar et Ismaël (bien qu'il ne fut pas encore né) comme une injonction de contrainte ? Ismaël s'est-il obligé de se positionner « contre » en relation d'altérité violente alors que les paroles pouvaient aussi bien s'entendre en terme d'alliance partenariale et d'adossement, fraternellement positif à la voie d'Isaac, en apport d'union et d'ajustement selon une symétrie où chacun tient son rôle ? Isaac / Jacob / Israël reçoivent la réception directe du message, tandis qu' Ismaël / Islam bénéficient d'une conduction commentée, post-talmudique, pédagogique, redonnée « à tous » — et non « contre tous ».

3. Sans partenaire de dualité
L'islam se dresse-t-il « contre tous » pour affirmer sa conviction d'être seul, sans partenaire de dualité structurale (d'où le mythe de l'androgynie de l'islam qu'Henry Corbin a défendu dans sa défaillante compréhension du système de dualité) ? Il s'agissait tout au contraire, pour l'islam, et cela depuis le jour où l'ange apparut à Agar, d'appuyer la leçon hébraïque — Agar retourne dans le clan abrahamique — et la verser pédagogiquement sur « tous », non par le glaive de la conquête sanglante mais la démonstration sur des arguments initiatiques. Le soufisme de Mansûr Al Hallaj (Iran, Xè siècle) a tenté cette percée. Elle fut anéantie par les intégristes de l'époque, qui ne se différenciaient en rien de la sauvagerie de ceux de notre temps. Reprise par Ibn' Arabî (Espagne, XIIè siècle), la cause de l'islam initié reste aujourd'hui encore contestée par l'ignorance majoritaire, et incomprise de l'élite qui ne parvient pas à décrypter le langage symbolique du grand maître de Murcia.

4. « Et la main de tous sera contre lui » (Genèse XVI-12).
Abraham est constamment en « débat » avec son Dieu : « que me donnerais-tu ? » (Genèse 15-2). Dialogue de l'inter-locution, qui répond, relance : il est fini, le temps du monologue divin, voici enfin un interlocuteur valable. Abraham mérite  le qualification d'« inventeur du dialogue ». 
Agar, vivant au quotidien près du patriarche, n'avait-elle donc pas appris l'art et la manière de dialoguer, parler en terme de « diplomatie différentielle » où l'échange vaut reconnaissance de dignité ? N'avait-elle pas observé qu'Abraham parlait à son Dieu et l'écoutait ? Les paroles de l'ange auraient pu être retoquées, et l'opposition de « la main de tous contre lui » se rédimer, à l'image d'une main « de gauche » serré contre la main « de droite » dans l'entrelacement fraternel de l'unité. « Sa main seule contre tous et la main de tous contre lui » résiste à l'idée préconçue de violence conflictuelle : s'agissant de sortir de l'affrontement, la rencontre des mains unies me semble l'autre acception de ces versets. Le Zohar, prédit « une conflagration mondiale avec les fils d'Ismaël sur mer et à proximité de Jérusalem… qui conduira finalement à l'avènement de l'ère messianique ». Cette tragique annonce, je voudrais la retoquer par une interprétation fidèle à la notion de dualité dans le cadre de la rencontre intelligente et dépassionnée des opposites structuraux. Puisse cette lecture proposée ici l'emporter et Moïse Schem Tob de Leon se tromper quand il annonça dès le XIIe siècle la déflagration mondiale sur fond de dispute universelle autour de Jérusalem : je souhaite que l'avènement de l'ère messianique se réalise par un acte d'intelligence, par une prise de conscience, par l'œuvre des initiés qui n'a nul besoin de guerre mondiale pour aboutir.

5. Agar dans le désert
Le texte de Genèse des révélations faites à Agar, dans le désert, se poursuit : « Mais il (Ismaël) résidera à la face de tous ses frères… » Cela signifie qu'il appartient bien à la famille d'Abraham dont il n'est point rejeté, indique le rabbin Elie Munk. Cependant, sa mission est distincte de celle d'Isaac : elle intervient ultérieurement bien qu'il soit né en premier. Mission spécifiée par sa circoncision à 13 ans qui marque un cycle ayant sa propre valeur. Isaac, dans l'Alliance ; Ismaël, dans l'unité (Ehad =13), en soutien fraternel et diffusion du message bien capté par Israël. Entre les deux noms, on notera la différence des Schin. En effet, Israël s'écrit avec un Schin pointé à gauche prononcé « S ». Ce point évoque l'énergie bondissant sur la lettre suivante, le Resch : motif d'absolu, lettre du Cerveau. Tandis que le Schin d'Ismaël est pointé à droite, sur la première branche. Laissant entrevoir le chemin qui reste à parcourir sur les branches suivantes avant d'accéder à la première étape (Mem) où il recevra une vision (Ayïn) du système divin Aleph avant de l'enseigner (Lamed). La lignée d'Ismaël — l'islam — a visiblement encore un grand travail à fournir avant d'en arriver à l'intelligibilité de son propre génie.
ישׁמעאל

Ce n'est pas la faction intégriste qui y parviendra. Sa violence est le signe même de son impuissance à comprendre. Dès lors, la barbarie se substitue à la parole. Une mise au point intellectuelle, exégétique du Coran devrait entraîner le déplacement de ce point d'énergie et transformer Ischmaël (Schin pointé à droite) en Ismaël (Schin pointé à Gauche).
Cette vision de la mission d'Ismaël a été entrevue par sa mère Agar.
Son nom s'écrit Hé, Guimel, Resch.
ה ג ר
Elle est impliquée dans la dualité par le Hé. Et en effet, elle forme structure avec Abram. Afin de porter (Guimel) le thème du motif d'absolu cérébral (Resch). Le Hé en elle est une donnée initiale, un potentiel devant conduire à l'exposition du modèle d'absolu. Reste à savoir si la promesse sera tenue par la génération qui naîtra d'elle. L'islam actuel n'en a pas même la notion…

Suite de ce texte ici.
 
Dans mon livre livre Fatima la délivrance de l'Islam, j'ai tenté de saisir le problème de fond qui oppose Ismaël à Isaac, et je propose une voie pour résoudre la question…

jeudi 5 octobre 2023

L'antisémitisme… Une étude du sens.

L'antisémitisme
(Extrait du livre : La 23è Lettre de l'Alphabet hébreu)


L'antisémitisme […] c'est d'emblée l'assassinat du modèle hébreu. Tuer jusqu'au dernier B'nei Israël de manière à ce que leur génie ne soit plus l'effet du souffle hébreu afin d'en prendre la place. Le défi s'adresse au principe de Création. Il n'est pas proclamé en tant que tel de manière à ne pas provoquer des reculs dans les personnes qui garderaient des liens d'âme avec le réel cosmique. On fait sans dire. Hitler ira jusqu'à dissimuler son action destructrice sous le nom à la fois anesthésié et philosophiquement exaspéré de « solution finale ». Les Egyptiens jetaient les nouveaux-nés hébreux dans le ciment de leur maçonnerie colossale. Hitler organise des lieux spéciaux pour consumer aussi vite que possible la vitalité juive. La consigne d'aller jusqu'au bout du génocide demeure active dans sa politique et sa volonté alors qu'il a déjà perdu la guerre. La victoire lui importe moins que l'anéantissement du fait juif dans la réalité du monde.

On reproche souvent au peuple juif de vouloir que le génocide dont il a été victime, dont il a fixé le sens sous le nom de Shoah, dont il prône le souvenir par des films, des livres, des expositions et des musées, soit incomparable avec d'autres meurtrissures d'une cruauté égale. Il est certain que, du point de vue humain, un génocide est pour un peuple une souffrance égale en toutes circonstances où pareille barbarie se produit. On peut comprendre que pour la conscience d'un groupe le traumatisme soit sans remède et que la seule relative manière de l'adoucir soit dans la reconnaissance publique et politique du crime commis. Il semble juste que cette consolation, si c'en est une, soit accordée à toute entité ayant été lacérée à ce degré dans sa chair, sa vie et son destin. La conscience qu'elle veut avoir d'elle-même peut exiger cette satisfaction, plus conceptuelle que matérielle. Un peuple vit aussi dans une corticalité qui est celle de sa psyché et de sa connaissance de soi. Cette unité cérébrale demande d'autrui la consécration du sentiment qu'elle a d'elle-même : l'auto-diagnose n'a pas d'efficacité thérapeutique. Le modèle duel des deux hémisphères régissant tout aspect du réel justifie l'appel à l'autre. On ne voit pas au nom de quel égotisme, une ou plusieurs nations refuseraient leur écoute ou leur miroir à une communauté brandissant sa douleur inaltérée en quête du secours moral qui l'aiderait à survivre. Impossible de classer les souffrances génocidaires en fonction de critères afférant à l'importance raciale ou politique. Mais le peuple juif a une raison de revendiquer le positionnement à part de l'anéantissement qui l'a visé. Non pas à cause du nombre de victimes qui serait plus grand, ni même à cause du caractère systématique avec lequel le nazisme l'a exécuté, lui accordant un trait de signification particulier.
Ce qui justifie l'attitude juive dans sa revendication d'un génocide d'exception, c'est le fait qu'au travers de son existence l'acte divin de la Création en ait été l'objet. La disproportion métaphysique s'ajoute à l'insoutenable de la tragédie vécue. Même les mécréants dans l'Israël moderne sont atteints par la virulence d'une telle blessure. Il importe peu que la conscience laïcisée veuille ou ne veuille pas reconnaître l'impact mystique de ce trait d'exception dans le crime commis. Il suffit que la réalité en ressente la vérité et c'est vérité éprouvée puisque l'entité juive réagit toujours avec une sensibilité spéciale à toute allusion concernant l'attentat subi. En cela, elle ne se distingue pas des communautés qui ont été comme elle victimes de cette sauvagerie. Elle attend elle aussi la reconnaissance publique du sens qu'a eu son martyrat. Cette espérance est peut-être celle de Dieu voulant que l'humanité prenne la mesure de son œuvre.
 
Etude l'antisémitisme dans :
par Dominique Aubier

dimanche 24 septembre 2023

Et Jésus dans tout cela ?

Et Jésus dans tout cela ?

par Dominique Aubier


Le messianisme ! Ce terme plonge dans un mystère qui tracasse les esprits. On voudrait savoir de quoi il s'agit. Et d'abord, qu'appelle-t-on « messie » ? Selon l'usage qui en est fait, le Messie serait venu avec le Christ. C'est l'opinion chrétienne. Pour les Juifs, il s'agirait d'une formulation absolue, livrant la vérité éternelle, phénomène prévisible mais non encore échu. Ainsi, le Messie serait venu pour les uns et en attente d'arrivée pour les autres. 

Comment avoir une claire idée, que ce soit en terme de constat ou d'espérance ?

©Francis Roth
Plusieurs choses à savoir : le messie rétablit les critères sacrés en leur conférant une validité irrévocable. Le messianisme est une mise au point décisive de la table des critères initiatiques. Et Jésus, dans tout cela, se demandera-t-on ?

Le Christ est un personnage considérable. A mon sens, il a mesuré historiquement une situation dramatique. Son martyre sur la Croix montre l'image d'une souffrance injuste, d'une condamnation qui ne devrait pas exister. 

Il y a, sur le Tzadé, dix-huitième lettre de l'alphabet hébreu que représente la Croix, un homme cloué. C'est là une image effrayante du sort de l'humanité, signalé dans l'alphabet biblique. L' « erreur de Hava » est à l'origine de son malheur. Jésus interprète et subit ce malheur-là. Chaque fois qu'un cycle intérieur fait resurgir l'erreur au titre du retour en phase du thème archétypal, la mort vise le côté parlé de l'évolution. L'erreur dite « Hava » est celle de toute une civilisation qui a cru en la continuité linéaire de la productivité matérielle, en la croissance continue — le serpent — en ignorant volontairement le processus évolutif. Cette ignorance nous menace.

Le Christ en cela n'est pas une mythologie. Il est l'interprète humain symbolisant le sort de l'humanité écartelée entre deux polarités tendues à l'extrême. D'une part la Connaissance, d'autre part les sciences. Il signale cette fracture, cette ligne de séparation entre les deux modalités réflexives. Il est à l'origine d'une ligne de développement spécifique, de métabolisation historique qui passe par Rome et par la Science qui se développera puissamment en opposition à la foi. En sorte que l'Occident est spécifiquement concerné par la Croix. De la Croix naîtra, a contrario, la science. Et que naît de la science ? 

La Croix est un signal très important. On dit d'ailleurs, « faire le signe de la croix ». Il consiste à tracer une verticale du front au bas du sternum et d'une épaule à l'autre, à l'horizontale. La verticale, c'est la ligne du temps. L'horizontale, c'est la ligne de séparation des opposites. La Croix nous envoie, par-delà les millénaires, l'image même de ce qui nous arrive. Le Christ tombe en croix, il meurt, les bras écartés. Cela signifie que le cycle à venir, quand il ouvrira ses deux bras, subira le même supplice. Il restera suspendu à son schéma structural, sans trouver de solution miraculeuse.

La Croix annonce ce qui va se produire, mais elle indique aussi le moyen d'éviter le pire… D'où la résurrection. Celle-ci n'est possible que si nous nous dotons de l'instrument permettant de décrocher (enfin !) le Christ. Cet instrument, c'est la Connaissance. Celle que le messie reçoit, transmet et met au point de manière décisive. Que ce soit clair : le Christ n'est pas l'auteur de cette mise au point, il en est l'annonciateur symbolique. Il assume cela avec un courage inouï, en toute conscience, mettant sa propre vie sur la Croix, devenant par là-même le symbole qu'il représente.

La Croix, symbole terrifiant, est implantée dans l'Histoire. Elle s'élève sur un cycle frappé de commotion. La mise en croix de l'homme juif — et donc celle de toute l'humanité — supplicié par un impérialisme politique qui prétendra s'en laver les mains, représente la négation du verbe par l'absolutisme de l'ignorant. Cette mise en croix de l'homme porteur des symboles de l'Absolu n'est-elle pas l'annonce de la monstrueuse Shoa ?

La Croix a en effet la puissance de recueillir l'avertissement du danger de mort qui vise l'humanité, en un point précis de l'Histoire. Mais elle montre aussi la possibilité du salut… La possibilité du salut est une promesse, une promesse certaine, puisqu'elle a été vécue par le Médiateur. La Croix avec son homme crucifié, c'est l'image de l'humanité écartelée sur le Tzadé en cours. La Croix s'érige à la croisée des chemins, entre les deux extrémités polarisées en opposites d'une flexion qui propage la Connaissance en dépit de tous les obstacles et effondrements spirituels. L'Histoire se porte garante de cette évidence.
La Croix nous dit de redouter l'endroit du Tzadé dans l'édifice cyclique. C'est pourquoi Jésus est appelé Nazir, c'est-à-dire l'homme du Tzadé. Il indique le passage à franchir. Pour réussir la traversée, les bons sentiments, les rituels, la morale, la dévotion ne sont pas suffisants : il faut une claire connaissance du Principe, du référentiel, connaître ce que le prophète Isaïe appelle « les armes de YHVH ». Affaire de mise au clair — c'est toute la préoccupation intellectuelle de Don Quichotte qui ne cesse de fourbir les armes de la Connaissance afin d'agir au mieux dans le monde. Le messianisme définitif ne correspond dès lors plus à un simple acte de foi, mais correspond à la livraison de la grande explication du principe d'unité et ses lois, vérifiée par les sciences. Émergence du processus libérateur du système de vérité, suscitant par là un état de lisibilité plus avancé du monde, nous tirant hors de l'ignorance. Réduire cette ignorance est de notre responsabilité.
 
 
Lectures :

Films :
Les secrets de l'Alphabet hébreu (série de 3 films)