Rechercher dans ce blog

Translate

jeudi 13 juillet 2023

Résoudre les violences, par Dominique Aubier

Résoudre les violences, par Dominique Aubier

extrait du livre Rebâtir le Monde

 

Seule une compréhension supérieure d'essence sacrée, dûment reconsidérée par la raison moderne, aura l'autorité de dissoudre les haines qui enveniment les rapports de force.


L'unité d'esprit des traditions s'est maintenue

mais aujourd'hui, leur persistance dans l'enclos symbolique n'a plus d'avenir, sa durée de vie est épuisée. C'est pourquoi le salut des valeurs qui les ont constituées demande un traitement de relance. Chaque symbolique soutenant une croyance doit être amenée au fond systémique qui a été son « confiseur ». De manière à libérer son principe qui est le même pour toutes les participations au Sacré. C'est la solution pour concilier les esprits dans une compréhension intellectuelle de synthèse.

Ce ne serait plus la religion mais l'intelligence des religions ou alors la religion de l'intelligence. L'élévation dans la vérité universelle sans que l'on ait à supprimer les supports imagés qui font le luxe de la diversité, mais aussi le naturel des prises de parti. Un énorme travail est à entreprendre si l'on veut que l'originalité des peuples reste ce qu'elle est, tout en permettant que son expression acquière la solubilité nécessaire au dialogue.

 

Notre république laïque désire l'assimilation dans sa neutralité, et celle que l'on prône comme indispensable à l'installation des étrangers sur nos territoires a pour directive de fondre les esprits aux prédilections locales. Mais les consciences peuvent n'y pas trouver satisfaction. Gardant souvenir de la métaphysique que leur accordait la croyance de leur origine, elles peuvent renâcler à s'enserrer dans la cuirasse des lois républicaines qui ne passent guère contrat avec le ciel. L'Occident de la pensée ne réussira jamais à réduire à ses courtes vues des sensibilités qui ont l'intuition du sacré. Les âmes qui sentent leur racine métaphysique ne se contenteront jamais de la citoyenneté dite démocratique fondée sur une notion juridique des Droits de l'Homme extrêmement appauvrie en ce qu'elle est détachée de la dimension sacrée qui confère à l'humain son véritable statut au regard de la Création.

Cette notion des Droits de l'Homme est mal appréhendée, y compris par les honorables rédacteurs de la fameuse Déclaration. Elle n'est pas universelle, puisqu'elle exclut précisément ce qui fonde l'universalité, c'est-à-dire le Modèle d'Absolu.

 

J'ai là une figurine en bois africaine du Burkina Faso 

Le sculpteur initié qui en a fixé la position des bras indique la règle selon laquelle le « qui Sait » doit prévaloir sur le « qui Fait », mais aussi que le flux d'énergie n'emprunte pas les mêmes directions à droite et à gauche. Il a une manière correcte de circuler. Ce dont peu de personnes se doutent dans notre Occident qui se veut toujours exemplaire et donneur de leçon. Partout en lui, le « faire » entraîne la vie dans son sillage centrifuge, mouvement prioritaire dans la gauche structurelle. Et à droite, la Connaissance est arrêtée, poussée dans le vide évolutif— priée de se suicider — que lui impose le Verboten. Seule fonctionne cette entité omnipotente et vicieuse, ce Verboten qui possède en outre plus d'un raffinement, allant jusqu'à dénoncer lui-même ses dysfonctionnements, pourvu qu'il garde la main haute sur les remèdes qu'il prétend apporter au mal dont il est l'instigateur. Le Verboten, tout au revers de la statuette africaine, lève la main avec autorité au bout d'un bras gauche démesuré. Quant au bras droit, il est au plus bas.

Cette figurine du Burkina Faso devient très loquace sous regard initiatique croisant la pensée de son concepteur. Un jour, une ethnologie courageuse entreprendra ce grand travail d'élévation et de réévaluation de l'apport des traditions. Elle en sera capable dès qu'elle entrera en possession du système de vérité. Lui seul, doctrine et méthode, peut assumer la fonction de médiation qui doit concilier les peuples, les langues et les coutumes. Condition évidente de paix et d'avenir. Argument à plaider. Je souhaite m'en prémunir au moment d'entrer en action. Car la parole est une action. Raison pour laquelle nous ne pouvons pas la libérer au hasard…

 

Regardons par exemple du côté de l'école 
Elle devient un lieu de rébellion. Elle avait pourtant vocation à lisser les esprits dans le sens de la convention commune. Sans craindre d'en raboter les aspérités comme le désirait Jules Ferry. Cette uniformisation a fonctionné longtemps. Mais aujourd'hui, la sensibilité générale mesure le hiatus qui sépare ses désirs naturels de ce que la convention commune lui ménage. On croit que l'insurrection est motivée par la vétusté des bâtiments, l'insuffisance des moyens financiers, le nombre excessif d'élèves serrés dans un espace trop étroit. Ces misères ne seraient pas ressenties avec tant d'acuité si elles étaient compensées par un contenu intellectuel adéquat, dispensé par une méthode à hauteur de l'attente. Cela ne met pas en cause la qualité des enseignants, ils font de leur mieux à titre personnel. Ce qui cause la souffrance, c'est l'arrogance avec laquelle le programme de l'enseignement prône l'objectif. Entre sept et quinze ans, il y a dans le cortex humain un arrangement structurel favorable au symbolisme, à la métaphore, à la poésie, au théâtre — beaucoup moins à la rigueur des mathématiques. Plus tard, cela évoluera.
 
Une pédagogie est à concevoir en accord avec les mécanismes cérébraux et leur moment de passage à l'efficace. La science du cerveau, quand elle s'appuie à la fois sur la connaissance initiatique et sur le savoir objectif fait valoir la qualité de la couche I comme réceptionniste insatiable des informations liées au pouvoir de parler. Il en ressort une aptitude et donc une méthode : proposer aux enfants en bas âge, dès leur première année scolaire, la pratique de plusieurs langues. Reste à choisir ces langues avec circonspection : elles vont nourrir des plages de phonation dans l'aire du langage et lui conférer une étendue qui deviendra plus tard puissance à penser, imaginer, inventer, énergie et joie de vivre. Il ne faudrait pas que l'anglais s'y implante en unique et obligatoire colonne du temple à côté de la langue maternelle. L'espagnol, le hindi, l'arabe, l'hébreu ou l'italien se logeraient tout aussi facilement dans la substance mentale d'un enfant. Mais je ne veux pas étourdir le lecteur avec un programme de ministre de l'Éducation. Mon souci reste celui qui était au commencement de cette enquête : définir l'action à mener pour remettre le monde sur ses gonds. Il nous faut concevoir une proposition de salut qui puisse s'enfoncer rapidement dans la fente que le Temps et la Vie peuvent encore offrir à cette initiative. J'espère qu'un grain de potentialité heureuse est encore utilisable.
 
 
Préconisations :

1 commentaire:

R ose a dit…

Une pédagogie est à concevoir en accord avec les mécanismes cérébraux et leur moment de passage à l'efficace . dit Mme Aubier
Le temps de passage à l'efficace du message de Don Quichotte a pris quelques siècles pour qu'il éclate d'évidence dans le dépliage fait par Mme Aubier , alors combien de temps avant que l'exégèse Aubier soit entendue ?
Le réceptionniste insatiable est-il en rade dans des classes d'adultes non préparés au pouvoir de parler vrai ?