Cet article est extrait du livre "Quand le Sacré fait du Cinéma", par Dominique Aubier.
AVANT la projection du film.
Cette histoire de rencontre entre la science et la Kabbale, que je prétends être fondamentale aujourd'hui, est doctrinalement nécessaire et culturellement indispensable : ce film crée une intrigue dans laquelle deux personnes juives sont séparées par leur engagement professionnel. L'un est un physicien qui cherche au travers d'un tube à voir l'unité de l'Univers, l'autre est un kabbaliste qui porte toujours son chapeau sur la tête. Les deux hommes sont mathématiciens. L'un est mathématicien classique, en ce sens où la physique moderne a besoin des mathématiques, et l'autre est un mathématicien kabbaliste, en ce sens que pour lui, les lettres ont une valeur numérique. Évidemment ces deux mathématiques ne coïncident pas. L'une est extrêmement compliquée — je vous ferai remarquer que les maths doivent fabriquer leurs propres équations si elles veulent s'adapter aux problèmes qu'elles ont à régler : donc les mathématiques scientifiques sont une pure invention humaine. On se demande d'où cette invention peut bien venir, pour pouvoir coller aux événements physiques qu'elle vérifie ou parfois prédit avant qu'on les observe, alors qu'elle est apparemment le fruit de l'imaginaire. L'autre est au contraire une mathématique très simple, collée à vingt-deux lettres où l'on fait de petites additions et de petites soustractions…
D'abord je voudrais vous dire quelles opérations mathématiques on fait en langage kabbalistique. Par exemple, je prends des mots que vous allez rencontrer dans le film : le mot « mère » en hébreu c'est EM qui s'écrit, si je ne me trompe pas Alef + Mem. Regardez les valeurs numériques, Alef : 1 et Mem : 40. Quelle sera la valeur du mot ? Ce sera 41. On additionne Alef et Mem, et cela vous donne la valeur générale du mot. Cette valeur générale, on peut la traiter encore, on peut lui faire dire beaucoup plus, pour cela, on additionne le 4 et le 1 de 41. C'est-à-dire que de 41, je prends le 4 et le 1, j'enlève le zéro des dizaines, et je trouve 5… Or 5 c'est la moitié de la personne — 5 doigts de la main. Ce qui vous renvoie à la notion de structure, commanditée par le 5. Mais si vous regardez le 5 vous voyez qu'il correspond au Hé. Le Hé, c'est une droite et une gauche. Donc 41 qui signifie mère, vous renvoie à la notion Hé, et la notion Hé vous renvoie à la notion de couple, gauche et droite. On ne peut pas être mère toute seule ; il faut un couple.
Si je prends le mot « père », en hébreu, j'ai le mot AB : Alef + Beit. Cela fait 1+2 = 3. On ne peut pas se tromper beaucoup. Et 3 qu'est-ce que c'est ? C'est la lettre Guimel. C'est-à-dire que le père vous renvoie, par la somme de ses valeurs, à la notion de réalité matérielle. Et à une notion de structure, qui est l'appui structural. Puisque le Guimel fait partie des trois appuis : vous avez le système, la structure, sa matière.
En kabbale, on prend les valeurs des lettres, on supprime les zéros, on garde les chiffres de 2 à 10, et l'on trouve la structure. On retombe sur la partie basse de l'arbre, de Alef à Yod. On ne peut pas tomber sur le 1, difficilement sur le 2, donc on va commencer à 3. Et de 3 à 10 on peut situer structurellement n'importe quelle somme de lettres, n'importe quelle valeur, n'importe quelle incidence cyclique, pour peu que vous ayez son nom, les valeurs de son nom. En prenant les valeurs numériques en les additionnant et puis en les réduisant à ce qu'on appelle la réduction guématrique, le minimum, vous obtenez un indicatif structurel.
Avant de voir le film, je vous résume cette situation, parce que Darren Aronofsky, le scénariste, y a fait une petite blague. Il donne sa leçon de mathématiques avec les mots père et mère que je viens de vous expliquer, puis il ajoute père-mère, valeurs numériques 44, et cela fait YELED : l'enfant. Un père, une mère : cela fait un enfant, vous additionnez les valeurs numériques du père et de la mère et cela fait la même chose. C'est une merveille de l'hébreu, où les mots eux-mêmes, par leurs valeurs structurales ne se trompent jamais sur la valeur numérique. C'est une sacrée affaire, parce que c'est vrai pour tous les mots du dictionnaire hébreu.
Le scénariste nous explique donc AB : le père, 1+2, la mère : 1+40, puis l'enfant : YELED ce qui revient à faire 44, et puis il s'arrête. Moi, je suis pas contente du tout qu'il s'arrête à 44. Parce que des mots qui valent 44, il y en a d'autres, et un en particulier qui est tout à fait lié au père, à la mère et à l'enfant, c'est 44, le mot DAM, le sang. Or il ne le dit pas. Voilà un scénariste kabbaliste, qui nous avertit qu'il a un système, et au moment où le système se met en image, il ne vous le donne plus. Que va-t-il mettre en image ? Une affaire de sang. Notre scientifique saigne sans arrêt du nez. Et de quelle narine ? La droite, bien entendu.
Le sang va devenir l'élément actif du scénario. Mais on ne nous a pas dit que c'était la même valeur que l'enfant. Alors moi je dis : quel est le hijo de puta, pour m'exprimer comme Sancho Panza, qui apporte le sang ? Parce que c'en est un, le scientifique. Il saigne continuellement et dans son aventure il marche sur des flaques d'hémoglobine, sans arrêt. Il sera dirigé par ses propres traces. Je me suis demandée : « mais de quoi est donc malade cet homme ? » Il est forcément malade, puisqu'il saigne constamment du nez. Il est malade dans DAM. Or DAM c'est le sang. Mais le nom de ADAM, l'homme parfait, c'est 44+1 : le sang plus Alef. Vous mettez le sang, vous ajoutez le système et vous obtenez l'homme. Donc ce personnage n'est pas un homme complet, il n'a pas l'Alef… Il est 44.
On nous a indiqué qu'il est 44, mais il n'est pas 45. La valeur 45 n'y est pas, et si je fais la guématrie du mot 45 j'obtiens 9, le maximum symbolique par la lettre Tet. Donc dans ce film, l'homme parfait, l'homme modèle, ADAM, c'est le symbole sous-entendu qui n'est pas prononcé. Mais par la valeur numérique qu'il ne désigne pas, on doit le découvrir.
Ne vous inquiétez pas. Pas un spectateur, pas un critique ne l'a vu. Les spectateurs n'assistent pas à cet impondérable du scénario. Il ne devient pondérable que si vous êtes habitué à ce langage. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui y soient rompus. Et même s'ils le connaissent, encore faut-il le reconnaître quand il se présente. Pour reconnaître ce langage, il faut déjà connaître la symbolique de l'alphabet. Or ce trésor est perdu.
Ce qu'il y a d'intéressant dans ce film, c'est qu'il a été dicté à Darren Aronofsky dans des conditions à peu près égales spirituellement à celles qui ont inspiré Bus Stop à Yoshua Logan. C'est-à-dire qu'il est allé dans une espèce de perception interne de la logique kabbalistique sans l'assumer. S'il l'avait assumé il y aurait des indices.
L'indice sur DAM et ADAM, c'est moi qui vous le donne, pas le cinéaste. La valeur 45, celle d'ADAM, donne 9, le Tet : c'est-à-dire le symbole constitué, le symbole prêt à sortir pour agir, le symbole d'Homo Sapiens Sapiens. 45 c'est aussi la valeur numérique du mot qui dit « Quoi » en hébreu : MA. Or MA c'est un des termes de la grande interrogation métaphysique qui se pose à l'esprit. L'interrogation en hébreu s'appuie sur deux mots : QUI et QUOI. QUI est l'être, de QUOI est-il fait ? Quand on lit Don Quichotte, on s'aperçoit que le personnage clé de la navigation interne sur la mer c'est le capitaine MAMI, son nom en hébreu signifie Qui est Quoi ? Qui est Qui ? Et Quoi est Quoi ?
Dans le cas d'ADAM, dans le cas d'Homo Sapiens Sapiens, il faut savoir Qui est Qui ? Et Quoi est Quoi ? C'est-à-dire quelle est cette créature biologique et qui est-elle quand elle possède l'énergie du Yod ? Quand elle sort du symbole après le Tet, elle possède le Yod ; elle devient MI. Toutes ces implications ne sont pas ouvertement montrées dans le film, elles ne sont pas écrites par le scénariste. Mais je n'ai pu m'empêcher de les penser en voyant le film. Et si je les ai pensées, c'est parce qu'elles ont été dictées par le système ayant inspiré l'artiste. Je vous ai expliqué qu'il fait penser tout seul. Je crois que le système pense et suggère par lui-même. Il s'agit d'un système crée par le divin qui apporte sa puissance partout où il est. C'est vrai pour les Redoublements, c'est vrai pour la structure absolue, c'est vrai aussi pour l'alphabet et pour toutes les actions placées sous sa gouverne. On le voit bien quand on le suit du côté droit. Parce que l'alphabet n'est vraiment positif que du côté droit, qualitatif.
Ce film a été inspiré par « quelqu'un ».
Trois savants ont été interrogés et les trois sont d'accord pour prétendre qu'ils vont reconstituer le réel. L'un d'eux dit : « Moi, je vais le reconstituer mais pas la biologie ». L'autre dit : « Je vais le reconstituer, jusqu'au dernier cheveu de n'importe qui ». Le troisième affirme : « Si vous avez la solution donnez-la moi ! »… Je vous laisse en face de ces trois questions : l'un dit « pas la biologie », l'autre dit « jusqu'à la biologie », et le troisième dit « peut-être », mais qui a la solution ?
Après la projection du film.
En dehors de son côté cauchemardesque, ce qui est saisissant dans cette œuvre, c'est l'intervention des fourmis qui rognent les ordinateurs du chercheur et qui ensuite vont ronger son cerveau. C'est une allusion à une phrase du roi Salomon : « Demande la sagesse à la fourmi ». Un jeune écrivain français a fait un roman pour dire que la sagesse était la fourmilière elle-même. Il a pris le mot fourmi en français. En hébreu, les choses du réel sont du côté gauche. La sagesse veut que l'on aille du côté droit chercher ce qu'elles signifient. Dans la phrase biblique, ce qui importe, c'est moins l'insecte que le mot qui le nomme. Parce que le mot qui nomme la fourmi appartient au système, à droite. Ce mot, c'est NEMLA, qui s'écrit Noun, Mem, Lamed et Hé.
Noun veut dire l'homme culturel, Mem c'est l'universalité. Donc l'homme culturel qui cherche l'universalité demande son savoir (Lamed). Il le demande à quoi ? À la gauche et à la droite. Demander la sagesse à la fourmi, cela veut dire : on a le sens de l'universel, on va chercher l'universalité dans la culture, on s'intéressera à la fois à la Gauche et à la Droite. Donc à la fois au système divin qui nous est donné et aux exploitations de l'expérience qui en sont faites par les sciences y compris les mathématiques, à condition que ces mathématiques ne deviennent pas impérieuses, contraignantes et absolutistes comme chez ce pauvre type qui est finalement un homme privé d'Alef. Privé de sa vérité profonde, il est devenu le robot du calcul, calculs qui ne donnent jamais aucune certitude. Il en devient fou. La seule certitude qu'il aura, c'est quand il se rendra dans un jardin pour se mutiler en procédant à sa propre trépanation. Mais franchement, s'il faut recourir à la perceuse électrique et s'ouvrir la tête pour être heureux…
Shaddaï, c'est un triplé, c'est un nom de Dieu. C'est le nom sur lequel on s'arrête. Shaddaï est le nom de l'Immanence qui stoppe tout. Sa valeur numérique ? Le mot s'écrit Schin, valeur 300 ; Dalet (daï) la porte, valeur 4 et Youd vaut 10. Au total : 314. Et vous avez vu ce que c'est que 314 ? C'est Pi. Pi c'est 3,14. Et le nom de Shaddaï c'est 314. Or si vous ajoutez le 3 au 1 et au 4, vous obtenez 8. Reportez-vous à 8. C'est la lettre Het, le pont. C'est-à-dire l'obligation, quand on a respecté le Stop, de passer le Pont et d'aller de l'autre côté ; la logique interne est fatale, vous la retrouverez toujours.
Pi= 3,14116… un nombre qui ne finit pas. Pourquoi ne finit-il pas, tout en étant 3,14 ? Parce que la numération mathématique que nous employons n'est pas absolue. L'absolu est de l'autre côté. Shaddaï, 314, renvoie à Het. Dès lors on sait ce qu'il faut faire : il faut passer le pont, faire la synthèse de l'autre côté. Quand on a 314, on n'hésite pas. On y va, on passe le pont.
Ce nombre sert à calculer la mesure de la circonférence, mathématiquement parlant, mais elle n'est jamais tout à fait précise. Il reste toujours une décimale de plus qui peut s'ajouter et vous pouvez admettre des décimales à l'infini. Ce ne sera jamais tout à fait exact, parce que sur le côté gauche, même les réalités les plus approchées ne sont jamais tout à fait justes. Cela vous enseigne qu'il faut chercher l'exactitude et la certitude de l'autre côté. C'est ce que je fais en toute circonstance. Quoi qu'il arrive, je consulte l'équivalent du mot en hébreu. Je cherche les valeurs des lettres et la position structurelle.
Le mathématicien ne verra pas l'univers à travers son hublot, il ne le verra pas dans les ordinateurs ; l'univers est une chose organique qu'il faut savoir penser avec sagesse. Et la sagesse, comme le dit le mot fourmi : c'est de consulter à la fois le Sacré et le profane. Alors tout s'équilibre. On sort du cauchemar. Ce qui est cauchemardesque, c'est de s'enfermer dans la Gauche.
Ce cauchemar nous le vivons tous. Monsieur Max Cohen, le personnage du film, le vit au maximum comme un grand imbécile rationaliste qu'il est, mais nous le vivons tous socialement et économiquement, parce que le drame par lequel passe l'humanité, c'est aussi un cauchemar : le cauchemar de nous être enfoncés dans trop de science, trop de pensée unique et d'avoir oublié que la réalité c'est autre chose. La réalité est organique, elle est à la fois beaucoup plus simple, beaucoup plus vraie. Sans la vision métaphysique des choses on rate le réel parce que le réel avant d'être physique, il est métaphysique.
Ce texte a été publié dans le livre "Quand le Sacré fait du Cinéma", de Dominique Aubier.
Le film Pi = 3,14 : étude initiatique
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