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vendredi 11 décembre 2020

Notre univers est un univers de participation

Par Dominique Blumenstihl-Roth

Il n'y a pas si longtemps encore, les chercheurs s'imaginaient que les asticots naissaient spontanément des fromages, mus par une puissance venue de plus loin qui le leur ordonnait. Pasteur, qui tenta de les raisonner, eut contre lui toute l'Académie de Médecine. Il était en effet de l'avis de Cervantès qui écrivait quatre siècles plus tôt en ouverture de Don Quichotte, dans le Prologue, ligne 6 : « je n'ai pu contrevenir à la loi de la nature, qui veut que chaque être engendre son semblable ».
Il y a une trentaine d'années encore, les chirurgiens les plus sérieux, persuadés que les nouveaux-nés étaient insensibles à la douleur, les opéraient à cœur ouvert, sans anesthésie, en toute bonne conscience. Pour changer les mœurs de cette médecine négatrice de l'être, il fallut qu'un chirurgien Indien, scandalisé, (j'ignore hélas son nom) de sensibilité ayurvédique, démontre que la douleur du nouveau-né existe afin que l'a priori négatif tombe. La logique linéaire, tellement sûre d'elle, partait du principe que le nouveau-né ne souffrait pas car son cerveau n'était pas encore assez développé pour cela, et qu'il appartenait donc à ceux qui n'étaient pas de cet avis, de démontrer la souffrance.
D'autres exemples — me dira-t-on que je suis trop critique à leur égard et que je ferais mieux de saluer leurs immenses bienfaits ? — pourraient relativiser l'autorité des sciences et des scientifiques. Qu'il suffise de mentionner la validation qu'ils apportèrent aux thèses raciales, par exemple l'invraisemblable affirmation de certains chercheurs selon laquelle les aborigènes d'Australie seraient les survivants des Australopithèques.
A se demander s'ils ont jamais intégré la notion de conscience. Ce qui prime, en effet, dans la démarche dite scientifique, c'est la prétendue « objectivité » devant un fait, comme si le fait observé pouvait exister en-dehors de celui qui regarde…
Les chercheurs d'avant-garde en ont pris acte, en astrophysique, comme W. Friedman ou David Bohm. Les travaux de von Pauli et Niels Bohr conduisent à « soupçonner » qu'avant l'existence des premiers éléments de la matière il y eut… une pensée, inaccessible à l'observation. Théorie qui finit par rejoindre la thèse des kabbalistes, des soufis et autres initiés des traditions du monde pour qui l'univers est un réseau complexe de relations entre diverses parties d'un Tout unitaire dont l'identité est celle d'une supra-conscience. Tous les initiés savent ce que les chercheurs craignent d'affirmer, (par crainte d'être déconsidérés de leurs pairs et donc mis à l'écart et privés de subventions ?) que loin d'être des observateurs, nous sommes plutôt les observés, dans un univers de participation où nous sommes priés d'agir, et de fournir une pensée qui rencontre… ce qui nous pense.

Notre univers est un univers de participation.
Il est (à) la mesure où l'observateur le conçoit. Toutes les forces évolutives, depuis la première effraction de la matière dans le domaine du Qui Fait, tendent à produire de la conscience et celle-ci est offerte comme possibilité libératrice à l'humanité qui, par elle, s'élève de l'animalité. Mais l'humanité n'est un fleuron évolutif que si… elle se conçoit en tant que telle, et si elle en assume la responsabilité dans le cadre d'une éthique qui érige le principe de conscience. Tout retour vers les soumissions antérieures — fascinations idolâtriques de toutes formes d'autorités — rejetterait la condition humaine dans les fanges de la barbarie.
Heureusement, le temps est à l'œuvre qui anéantit l'autoritarisme des sectaires de tous bords. La vie elle-même impose son Code, ses lois. Il se pourrait, à ce titre, que le Coronavirus de la Covid19 soit un extraordinaire agent nous obligeant à revisiter tous nos modes de fonctionnement. Notre réflexion sur la liberté en est bousculée. Nos modes de vie tellement inscrits dans la routine sont chamboulés. Et dire que nous voudrions, après la pandémie, paresse oblige, vite retrouver nos habitudes. Vivre « comme avant », comme si rien ne s'était passé. Croyons-nous sérieusement que l'on puisse jamais remonter dans un navire qui a coulé ?
De même notre regard sur la science va évoluer. Soit nous serons pieds et poings liés sous son autorité : vénération du nouveau saint-sauveur de l'humanité et ce sera le règne du scientisme de l'expert agissant pour notre bien. Soit nous deviendrons très méfiants, voire révoltés — nous le sommes déjà — devant cette entité et ses grands-prêtres rivalisant dans leur lutte pour le pouvoir. Que la science trouve ou non le remède (ou le subterfuge) ne changera rien à son attitude ; en cas de succès, elle affirmera son autorité sur le politique, en cas d'échec, elle n'avouera pas ses défaillances, jouera de la modestie (qu'elle n'a pas), incriminera le « manque de moyens » et exigera encore plus de subventions sous le refrain « on finira par trouver parce qu'on a toujours trouvé ». La recherche, il faut bien le reconnaître, (mais a-t-on le droit de le dire ? ) est un vaste « bizeness » au cœur d'une pièce de théâtre — celle de nos vies, tout de même — où elle voudrait tenir le premier rôle dans le cours de la civilisation. Je pense au théâtre parce que le second patient vacciné contre la Covid au Royaume uni s'appelle — incroyable coïncidence, à moins que ce soit une signature — M. William Shakespeare. Homonymie singulière, qui me fait penser à la fameuse réplique d'Hamlet, caressant un crâne : « être ou ne pas être, that is the question ». Etre naïf ou pas. Etre responsable et lucide ou pas. Autre pièce du génial dramaturge anglais, admirablement mise en film par Keneth Branagh : « Beaucoup de bruit pour rien » (Much ado about nothing). A chacun d'en tirer le sens qui lui semblera le mieux approprié.

La pandémie a suscité un vaste retour du sacré.
Et l'on a vu les grandes célébrations collectives comme la messe de Pâques, Place Saint-Pierre à Rome, annulées. La fête de Noël limitée, les nombres de fidèles acceptés dans les lieux de cultes contingentés. Oui, le temps est à l'œuvre qui exige un progrès puissant de l'humanité vers des formes d'adhésion au sacré dégagées de l'emprise des institutions qui régentent les cultes. Le temps des religions serait-il passé ? Le temps des cathédrales semble se clore. Le temps des mosquées également, bien qu'on en construise beaucoup, comme si les murs devaient garantir l'état de la foi.
Reste le temple intérieur qui ne faiblit pas : le temple de Jérusalem, on le sait, fut détruit, à deux reprises, mais les prophètes surent alors prendre les initiatives pour le message ne se perde pas, et toute la Connaissance fut alors inscrite sous formes de symboles dans les gestes quotidiens de la vie. Que les lieux de culte, magnifiques et respectables édifices auxquels nous tenons tellement, ferment, cela importe-t-il tellement ? Ces sublimes bâtisses de pierres sont assujetties à l'usure des choses et subissent les outrages du temps. Mais le temple intérieur, quant à lui, se consolide à mesure qu'il comprend le sens des choses, qu'il s'instruit du Code de la Vie, qu'il adhère de plus en plus intimement à la Volonté et qu'il s'y exerce jour après jour. Ce temple-là nous rend responsables à titre individuel de la vie, la nôtre et celle des autres. Par lui, nous sommes en dialogue, inaltérable, entre nous et avec l'Invisible… qui nous voit et voit tout.

Un petit mot à propos du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob
— et je veux y ajouter celui de Muhammad et de Jésus puisque c'est le même, et je puis élargir à l'Esprit que saluent les Amérindiens. Il n'est pas un simple observateur de l'univers. Il est participant et veut faire de nous ses partenaires. C'est le sens de l'Alliance abrahamique. La théorie des quantas rejoint cette perception : l'observateur doit briser le verre, atteindre l'objet. Il doit observer le réel, le mesurer, le connaître. Et par l'acte de mesure, il lui impose un arrêt en phase momentané, que Dominique Aubier appelle : la mesure du Tzadé final. Tout acte de mesure est acte de conscience. La mesure modifie l'électron, l'univers n'est plus jamais le même ensuite. L'acte de conscience produit cet effet d'arrêt. Et de relance dans un cycle nouveau, augmenté de l'apport de cet acte de conscience. Certes, une énorme inertie maintient « l'état des choses ». Une coulée de béton fige la pensée. Les idées les plus conventionnelles ont la vie dure. Toujours et encore la thèse des asticots de naissance spontanée… Mais le temps passe, l'énergie nous traverse, et devant le mur du Temps, il nous faut bouger. C'est pour cela que l'homme en prière devant le mur du Temple à Jérusalem ne reste pas immobile. Il bouge et oscille de droite à gauche sur ses jambes, effectuant un échange latéral entre Gauche et Droite structurelles en analogie avec ce qu'est le Temps : il est la mesure de l'énergie passant de l'un vers l'autre hémisphère. Il s'agit donc d'être intervenant dans la dualité structurelle de l'univers, on voit l'autre, on goûte l'autre, on respecte l'autre dans son altérité inaliénable, on s'instruit de sa différence. Ainsi chaque être devient intégralement soi-même.

En France, à Paris, la Seine coule,
et le Pont Mirabeau demeure, comme le chante Apollinaire. Mais il demeure pour être traversé, non pour être contemplé. Le stationnement sur les ponts est interdit. Les religions, rites et traditions du monde, bâties sur des préceptes intelligibles, demandent à être expliqués en termes de connaissance initiatique actualisée et en appellent à leur exégèse par appui sur le motif d'Absolu qui leur est commun. Ce motif a été dévoilé, car Cervantès, (contemporain exact de Shakespeare) s'y est employé dans Don Quichotte, au chapitre 62 du volume II. Le chapitre de la « Tête enchantée » qui raconte bien des secrets à qui sait l'interroger. Ce motif a été explicité. Dès lors, rites, religions et traditions du monde demeurent comme des structures admirables. Mais elles appellent toutes à leur propre délivrance, devant être comprises, traversées, dépassées, vers plus de lumière.
Nous y travaillons. Avec vous.

 





4 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau texte

Ando drom a dit…

Oui, très beau texte que j'aurais plaisir à partager

E. D. a dit…

Je vous suis reconnaissante de ce souffle bienfaiteur que vous distillez autour de vous avec tant de délicatesse. Souffle de vie imprégné de cet amour à lui seul capable, en ces temps tourmentés, de balayer les plus épais brouillards pour nous aider à Voir. Votre parole est agissante car elle invite à l’écoute profonde et à laisser parler le Verbe… Vos points de vue éclairent et enrichissent notre réflexion… E. D.

François-Marie Michaut a dit…

Prendre part activement à la lecture d'un texte de cette qualité ( comme Anonyme, Ando Drom et E.D. viennent de le témoigner ici) , quelle belle participation pour "Rebâtir le monde" en construisant "Notre univers" comme le présente sans détour DBR.