par Dominique Blumenstihl-Roth
« Ma tête est couverte de rosée… » (Cantique V-2)
Pour bien commencer l'année, je propose d'entrer dans le magnifique texte du Cantique des Cantiques…
A la fin d'un article précédent, j'ai parlé du Cantique des Cantiques, et de son premier chapitre où d'emblée, la belle amoureuse du roi Salomon déclare qu'elle serait noire. Je suis entré dans le codage hébraïque du mot. Un lecteur bien intentionné s'en est effarouché. « C'est trop pour moi… », disait-il, subissant une sorte d'overdose bouleversant sa tranquillité d'âme.
Fallait-il supprimer le dernier paragraphe de mon texte, en rester à la gentille sociologie décrivant les faits ? Enlever ce qui gêne… c'est-à-dire le décodage hébraïque ? Pour donner raison à la pensée ordinaire qui surfe sur les vaguelettes ?
D'autres Lecteurs, désirant en savoir plus, m'ont au contraire demandé si je pouvais apporter des précisions sur le sens initiatique du verset (Cantique I, 6).
Combien de vérité une personne peut-elle supporter ? Combien de vérité un homme peut-il dire ? J'ai décidé de ne pas me soumettre à la peur de ceux qui estiment que la pensée doit se réduire à leur parcimonieuse capacité d'entendement. Car j'aime ce qui me dépasse, j'apprécie qui en sait plus que moi, je respecte les Maîtres. Et si je ne parviens pas à comprendre, je m'en prends à moi-même et j'insiste afin d'y parvenir.
J'entre donc dans le vif du sujet, le Cantique des Cantiques, et son verset I, 6 :
« Ne me méprisez pas à cause de mon teint noir… » (Al teroni chéani cheharhoret).
Le mot « noir », dans le sens « assombri » s'écrit, dans le Cantique :
ֹשחרחרת
Schin, Het, Resch, Het, Resch, Tav.
Dans une note en fin de texte, j'indiquais que les lois du Verbe (Schin) s'édifient en Gauche et Droite (Het) du Cerveau (Resch), et que le Redoublement en est une loi, car Het et Resch sont répétés, en seconde instance. Du Schin en initiale au Tav, lettre marquant la fin du cycle des 6 lettres du mot, se déroule ce redoublement du Het-Resch. On comprend par là que l'humanité, si elle veut maîtriser le haut niveau du Schin, celui du Verbe et aller jusqu'au Tav, dernière lettre de l'Alphabet, devra se doter d'une solide compréhension du Code des Lois cérébrales et de la Vie. Le Cantique en est la glorification sous l'aspect de l'union des deux amants formant les deux piliers du Het (les deux hémisphères liés) sous gouverne du Code Rosch.
Ce décodage s'appuie sur le livre de référence Le Principe du Langage ou l'Alphabet hébraïque et la série de films les secrets de l'Alphabet hébreu.
Regarder de près le mot cheharhoret. Deux Het, dont chacun est pourvu de deux piliers. En tout, quatre piliers de forte assise encadrent de part et d'autre le premier Resch.
ח ר ח
Belle évocation de la structure cérébrale en deux hémisphères. Ressortent les lettres Schin en première position et Tav en dernière.
ש ת
Ce qui écrit le mot Chet. Un nom bien connu, s'agissant de celui du troisième fils d'Adam. L'équation lettrique que présente le mot cheharhoret permet de comprendre en quoi Chet, né après le désastre criminel de Qaïn, relance une génération qui, partant du Schin, aboutit au Tav, en intégrant l'enseignement de Het et de Resch par une réitération- redoublée du processus. Chet naît en réparateur ; il réalise le tikoun et en donne la clé. Elle se situe dans l'intelligibilité du Code Rosch. Le Code des Lettres. Le Cantique en est la partition.
La « noirceur du teint »
de la fiancée du roi serait selon certains commentateurs liée au culte du soleil auquel l'amoureuse se livrait. Je doute que le Cantique s'en soit tenu à une affaire d'idolâtrie qui aurait en quelque sorte « grillé » la belle Sunamite. S'agissant d'une métaphore au cœur d'un ouvrage de haute portée initiatique, c'est à mon sens la Connaissance qui est en cause. C'est en raison de la surexposition au soleil de la Loi que la jeune femme, en partenariat avec Salomon, peut se dire « noircie », toute chose éclairée de façon intense finissant par ternir.
Sous l'influence permanente du soleil (Connaissance, empire du Mi), la lune (sciences, empire du Ma) resplendit. C'est pourquoi la Tradition dit : « A l'époque du roi Salomon, la lune était pleine ». Gauche et Droite étaient unies sous l'autorité de la Connaissance. L'union du Mi et du Ma prospérait. Epoque préfigurant une union devant s'opérer, un jour, entre Connaissance et sciences. Le Cantique dit : « belle comme la lune, éclatante comme le soleil » (VI-10). La science sera belle, « éclatante comme », ce qui ne signifie pas qu'elle sera à la place du soleil. Elle sera éclairée de son éclat et restituera une réverbération d'un influx qu'elle reçoit. La lumière des sciences est indirecte, procédant de l'observation du réel, de la réflexion humaine : elle n'est pas issue de la révélation mais de la déduction.
Salomon s'entourait d'une multitudes de femmes.
Le judaïsme orthodoxe le lui a reproché au titre de la morale, mais une lecture initiatique de son comportement peut légitimer ce qui pourrait paraître comme une légèreté. En effet, l'image du roi encerclé de femmes évoque la Connaissance unitaire autour de quoi gravite la multiplicité des sciences, dont chaque femme représente alors une discipline. On retrouve cette imagerie dans l'hindouïsme où Krishna, auprès de Radha, sont cernés de cercles concentriques composés de femmes dansant autour du couple divin. La profusion du Qui Fait est symbolisée par les femmes papillonnant autour du roi aux innombrables maîtresses, et cela correspond à une donnée réaliste de la dualité où le Qui Fait procède en entropie expansive et centrifuge tandis que le Qui Sait se concentre en un processus de synthèse unitaire.
La lune pleine évoque la lumière reflétée du soleil : le Ma ne possède pas de lumière qui lui soit propre, il est soumis à la puissance du Mi. Bien que « pleine » — entendre au sens de la parturition — la lune accepte d'entrer en modestie : elle se couvre d'un voile afin d'atténuer sa brillance pour laisser au soleil tout l'éclat.
Le soleil (Qui Sait) chauffe et éclaire le monde, tandis que son partenaire lunaire ne dispose que de la lumière réverbérée, atténuée, ne révélant pas l'exact contour des choses. Par analogie : la Connaissance (soleil) et les sciences (la lune en ses différentes phases et stations). Les sciences toujours incertaines et en débat, progressent au rythme de leurs théories successives et trouvent en la lune leur astre tutélaire. A observer la lune attentivement, les sciences pourraient s'en inspirer pour adopter une éthique d'humilité et de respect.
Le Cantique prépare à recevoir l'élucidation
Il travaille à notre maturité afin de faciliter le passage dans le cycle du dévoilement : il est annonciateur du messianisme, il élève le niveau de la perception en stimulant la sensualité afin que le lecteur, subjugué d'érotisme, sente l'effet de la caresse des Séphiroth. Le Cantique « prépare » : c'est un texte conçu en symboles et métaphores, écrit en un style poétique codé dont il faut ouvrir le secret. C'est un texte-décret, donne informationnelle qui attend sa seconde instance, celle de son décryptage afin de pouvoir s'incarner dans l'étoffe matérielle. C'est là le procédé classique du Redoublement : c'est toujours en seconde instance que l'on découvre la présence concrète de l'information. A lire le Cantique, on peut augurer la réalisation de la promesse. La seconde instance, celle à laquelle nous travaillons, est décisive, les Maîtres de la Loi la qualifiaient de « bonne » en cela qu'elle est résolutive. Le Cantique est un « Bip » ; il pense le « BOP » et connaît son avenir. Il écrit les phases I, II et III du cycle en 6 étapes (6 lettres) et nous informe du procédé du redoublement dans ce mot cheharhoret.
Il est le guézer (décret) d'origine laissant réapparaître le Rosch primordial et son fonctionnement systémique. L'émergence du mot correspond à un rassemblement du Code et sa relance, mais cette fois pourvue du décodage.
ֹשחרחרת
Le Cantique soutient le double-éclairage, la double-vue sur le monde, union Connaissance et sciences. Il appelle à l'émergence d'une aurore surmontant le « dialogue Connaissance-sciences ». Ce moment s'inscrit dans un temps strictement imparti ; il est situé, sur l'Alphabet hébreu tel qu'il se présente sous la forme de l'édifice en Y conçu par Dominique Aubier, après que l'énergie ait quitté le Tzadé final 900 pour revenir vers le Tzadé 90 et monter vers le Qof. L'Union des Contraires se produit en Tzadé 90 quand l'énergie, quittant le Tzadé final, rejoint la branche droitière. Autrement dit : « la lune renonce à sa brillance et rejoint l'éclat solaire, tout en sachant ce qu'elle lui doit. » L'opération initiatique de l'Union Connaissance et sciences, appelée par le Cantique, a été menée de main magistrale dans le livre La Face cachée du Cerveau qui en établit le compte-rendu.
Mais le projet évolutif ne s'arrête pas là,
et le Cantique ne manque pas de le dire. L'énergie monte dans l'espace des quatre dernières lettres, Qof, Resch, Schin, Tav et c'est dans cet espace solitaire et sans en-face qu'intervient la phase de survie, de sur-évolution.
(Pour en suivre le processus, se reporter aux schémas de l'Alphabet tels qu'ils figurent dans les livres et films de Dominique Aubier.)
« Quelle est celle-ci qui paraît comme l'aurore ? » demande le Cantique, après que l'union amoureuse ait eu lieu. C'est dans ce lieu que « la vigne bourgeonne », que les « grenadiers fleurissent » (Cantique VI-11). C'est ici que la structure Rosch (cerveau) montre pleinement (Tav) ses lois (Schin). Le verset VII-6 du Cantique devient compréhensible : « Ta tête (Roschek) est élevée comme le Carmel. » Le principe cortical est donné, chanté (chir hachirim), compris, enseigné. La règle de la dualité en Droite et Gauche, Qui-Sait / Qui-Fait se donne à voir — il était déjà annoncé dans le Het du mot cheharhoret, confirmé pas le verset VIII-3 « Sa main gauche est sous ma tête et sa droite l'enlace ». Voluptueux enroulement de l'être dans la structure ontologique des Séphiroth de Droite tandis que celles de Gauche en soutiennent l'armature.
Cet espace unifié abrite le fonctionnement de la dualité. La Connaissance de la structure, de son système et son énergie créent la surprise : « Quelle est celle-ci qui monte du désert appuyée sur son Bien-Aimé ? » La Connaissance réellement universelle surgit, presque à l'impromptu. D'une part, les maîtres ont fait le nécessaire pour que le message traverse les siècles — maintenance de la mémoire — ; d'autre part, certains d'entre eux, à échéance historique régulière, ont produit l'actualisation indispensable du langage afin que le sens demeure intelligible et que les formes anciennes de la transmission puissent s'ouvrir à l'explication du modèle de référence Rosch.
Dans ce seul mot, Rosch, un chapelet d'archétypes s'égrainent, dès le premier mot de la Torah, le fameux « Berechit », centré sur Resch et Rechit. Commencement de toute chose, de toute vie, d'emblée s'affirme l'identité de Rosch. On lira à ce sujet le livre L'Ordre cosmique, ouvrage essentiel pour qui désire comprendre l'étendue du premier verset biblique.
Le Cantique, en son ouverture
spécifie le caractère de la partenaire du roi. Elle se dit cheharhoret dont nous avons vu que ce mot conçu en redoublement de la phase Het-Resch s'insérait entre les lettres Schin (initiale) et Tav (terminale). Or Schin, associé à Tav, qui servent d'accolade dans Che / hahor / et, écrivent le mot « Cheth » : c'est le nom du troisième fils d'Adam. Celui par qui la survie est assurée, par qui les générations se régénèrent, après l'échec d'Abel et le désastre de Qaïn. Par Cheth, tout redevient possible car il sauve le Schin et le propulse jusqu'en fin de cycle, comme son nom l'indique. Le codage du mot cheharhoret est établi sur le nom de Chet, héros biblique ayant reçu la confidence adamique de la structure d'absolu (Resch) et la connaissance des archétypes du Redoublement, de la Dualité et la notion des cycles.
Le Cantique, faut-il le redire, est un livret codé, bien au-delà de la « poésie lyrico-érotique » qu'il laisse apparaître en surface. Sa canonisation dont une tradition a dit qu'elle serait due à Rabi Aqiba ne s'explique qu'en raison de ce codage. Il est, comme le Séfer Yetsirah, un ouvrage-clé dont le chiffrage ne s'ouvre qu'au moyen de la grille des Lettres. C'est alors que le subliminal caché se livre, grâce à quoi « dès le matin, nous verrons si les vignes bourgeonnent… » (Cantique VII, 13). Le secret en est scellé hermétiquement « Mets-moi comme un sceau sur ton cœur… » (VIII-6), mais non impossible à dégager pour qui en possède la formule ayant servi au cryptage. Le « jardin fermé », la « source close », la « fontaine scellée » (IV-12) se donnent à qui détient la clé du sceau, autrement dit le Code des Archétypes, et le Code des Lettres gravées.
L'écriture gravée sur les tables…
Ne pas en précipiter la libération. Le Cantique nous avertit : « N'éveillez pas, ne réveillez pas l'Amour avant qu'il le veuille » ( III-5). Ce fut le mérite d'Abraham de n'agir que sur injonction des signes, ni avant l'échéance, ni après. De même la délivrance du Code ne put se faire que lorsque la lune fut pleine, c'est-à-dire lorsque l'état du savoir issu du Qui-Fait fut capable de se présenter face à la Connaissance, déjà informée et qui restait en attente du progrès de la pensée humaine. Alors, l'Amour put s'éveiller. Ne pas devancer l'appel de l'Union, mais ne pas tarder d'y répondre ou l'ignorer quand l'appel retentit : la précipitation conduit à l'échec, tout comme le retard empêche l'émergence du nouveau sous le prétexte d'être indéfiniment gardien d'un secret qui demande tout au contraire de ne l'être plus.
Le Cantique invite à entrer dans le jardin, précédemment clos ; il en ouvre la porte : « que mon Bien-aimé entre dans son jardin et qu'il mange de ses fruits exquis » (IV-6). Nous sommes donc conviés, non pas à interdire l'accès à cette Connaissance, mais à en favoriser la dégustation, dès lors que les temps sont mûrs. Et ils le sont, compte tenu des travaux réalisés par les sciences (Qui Fait) sondant la structure du Cerveau. Dès lors le Cerveau-Rosch, organe restituant l'image du Modèle si magistralement chanté dans le Cantique est voué à se dire, se montrer.
C'est pourquoi il est écrit « l'écriture gravée sur les tables… » (Exode XXXII-16). Les secrets gravés sur les tables de Moïse ne sont rien d'autre que les Lettres et leur Principe. Ces Lettres gravées ne sont point scellées, et les kabbalistes le savent bien : le moment venu, ces secrets s'ouvrent à tous. Les lettres sont libérées et autorisent la liberté humaine. Le Talmud enseigne qu' « il ne faut point lire "gravée" (Harout) mais "liberté" (Herout) ». Les deux mots « gravée » et « liberté » s'écrivent en effet avec les mêmes consonnes. Il en découle que seul est libre celui qui comprend le sens des Lettres gravées. Le temps est venu, nous sommes tous appelés à être libres. A connaître le Code de la liberté… et à chanter le chant d'amour du Cantique…
L'art de lire le sens des Lettres :
4 commentaires:
VIVE LA LIBERTE !
Merci.
C'est un grand plaisir de vous lire. Même si je ne comprends pas tout, mon âme (où le cerveau droit) intègre l'information.
merci de votre eclairage qui nous aide à faire un pas de plus ou parfois un saut sur le chemin de cette vie
1000 Mercis pour votre article sur le fabuleux « Cantique des cantiques « . Je reprends confiance et j’espère cette Liberté Promise à l’ Humanité .
Votre message est trésor qui nourrit au bon endroit .
Monique R.
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