Quand on connaît l'esprit de la couche I, dans une structure, on peut surprendre son
passage dans les cycles qui animent notre vie. Rien n'est plus simple
qu'en repérer l'émergence ; elle succède aux manifestations de fin
cyclique. Les actes d'achèvement structural sont si violents qu'ils ne
peuvent passer inaperçus. La doctrine initiatique les décrit avec
soins. Connus, ils deviennent des repères énormes pour situer le
passage d'un cycle à un autre…
1. Une structure s'éteint, une autre se met en place.
Une porte se ferme, une autre s'ouvre, dit un dicton. Les phénomènes qui accompagnent la fin d'un cycle exercent une forte pression sur la conscience. Les bouleversements qu'ils entraînent sont tels que l'état d'alarme est forcément ressenti. Il est dangereux d' ignorer la cause des troubles qui sévissent dans la réalité. A les dramatiser, à s'enfoncer dans leur concrétisation, on accentue leur gravité et leur durée. Mais si l'on reconnaît en eux le dispositif de terminaison, l'espérance, aussitôt succède au désespoir. L'on sait qu'après le grand mélange et la dislocation de tout qui caractérise de l'achèvement viendra le retour cyclique. Il présentera d'abord sa couche I, porteuse de renouveau. Cette épaisseur évolutive sera le siège des informations déterminantes pour le style du cycle à venir. L'élément de variation dont il sera l'alambic dépendent d'elles. Commodité que savoir à l'avance quels pouvoirs attendent et guettent, dans cet avenir. L'être conscient du changement à venir surveille les éléments de nouveauté qui se présentent sous une forme verbale.
L'initié contrôle toujours les projets parlés qui
s'introduisent dans l'espace de la couche I d'un cycle quelconque
marquant sa vie. Cela revient, pour lui, à repérer l'idée qui va
opérer par la suite, au sein de ses événements.
L'accoutumance à la petite voyance, à l'entretien intime avec
l'invisible, permet de distinguer l'information lorsqu'elle surgit.
Elle possède toujours un caractère verbal auquel la reconnaître. Très
souvent, cette verbalité insistée, puissante et libre, passe par les
noms de lieu, de personnes, par les conversations en jeu, par les
réflexions ou les dires des enfants. A partir de ces étincelles, un
projet se dessine. Il est toujours en cohérence marquée avec la
continuité des événements de l'être qui interroge, avec sa forme
particulière. Cependant, par rapport à cette continuité, la
nouveauté, l'invention est sensible. Quelque chose d'inédit se
propose. Cette "idée" appréhendée, en couche I, intégrée là, à la
façon dont la langue maternelle l'est dans un cortex d'enfant, va être
gérée par tout un cycle d'évolution. Elle se retrouvera tout au long
des circonstances suscitées par l'ascension évolutive. Si le projet
qu'elle introduit est favorable, on en facilite l'exploitation. S'il
est mauvais, on en élude la réalisation.
L'intime connaissance de la constante couche I rend un grand service
à la petite voyance. Elle l'aide à se transformer en Grande Voyance.
L'on peut même dire que la couche I, par son intervention en tant que lieu typifié, inaugure la transformation du petit ta'wil en grand
ta'wil. Pour la première fois, — dans le cours de l'explication —
l'archétype local interfère sur le mécanisme Dedans-Dehors. L' Echange
latéral compose, négocie avec l'esprit du site. Par là, on assiste à ce qui se passe dans un cycle. L'Echange latéral à
l'état pur, séparé de tout support cellulaire, n'existe pas. Il a été
isolé comme concept pour la compréhension de ce qui, maintenant,
apparaît dans la vérité exécutoire. L'on découvre ainsi la différence
qui va se poursuivre entre la petite et la grande Voyance. L'Echange
latéral ne cessera pas d'apporter sa moisson signalétique. Mais il
s'exécutera sur un plan en coupe réel, mettant en jeu la totalité des
neurones "de surface". Dans une structure qui enregistre son passé
et l'assimile, poussant les acquis vers son avenir, plus le plan en
coupe s'ouvre, haut dans l'échelle, plus il contient d'éléments
appartenant à l'étiage où il se situe. La grande Voyance consiste à
reconnaître dans les signes de surface, tandis qu'ils s'élèvent, la
participation des zones archétypales traversées. Ces régions seront
celles de la grille à six couches. D'un côté comme de l'autre les
effets Dedans Dehors, en s'accumulant, susciteront des seuils
d'expression qui seront autant d'unités de signification repérables.
La Grande Voyance saura les voir passer et les situer en fonction des
paramètres verticaux.
2. Utilité de l'archétype couche I pour la reconstitution du passé
Dans ce dernier paragraphe, l'on a assisté à une procédure analogique
ayant la valeur d'une règle de raisonnement. Extrapolation, diront
certains. Dans le cadre de la pensée scientifique, rationnelle ou
simplement analytique, une telle appréciation est péjorative. Et l'on
admettra aisément qu'elle puisse l'être. Comment une pensée linéaire
pourrait-elle permettre le déplacement brutal de sa séquence logique
vers un point imprévu ? C'est alors qu'il y aurait extrapolation et
péril en la demeure.
Mais le substrat dans lequel se localise la pensée initiatique n'a
rien de longitudinal. Le support général n'est pas la ligne et moins
encore la direction séquentielle d'un point vers un autre. Une
structure pleine et complexe soutient les références. Dans cette
manière de comprendre les choses, l'analogie de motif unique à motif
unique permet de repérer des similitudes. Les signatures jouent,
certes, entre les unités observables. Elles sont également applicables
au plan conceptuel.
Et que l'on n'aille pas croire que j'en découvre la mécanique. Elle
a toujours été utilisée par les initiés. Tenant compte des effets
surgis en couche I, au sein des unités observables dans leur
environnement, les êtres de Connaissance en infèrent ce qui se
passait dans des structures dont ils ne pouvaient pas avoir le
contrôle. Ils se fiaient à l'esprit de la couche I pour concevoir, par
exemple, le style des capacités mentales ayant agi aux premiers âges
de l'humanité.
La notion de Paradis terrestre en est l'illustration. La Bible conçoit
l'existence, en couche I de l'ère humaine, d'un couple primordial,
Adam et Eve. Ces êtres étaient doués d'un système de perception si
fin qu'ils pouvaient entendre la voix d'Elohim courant à la surface
des choses de leur vie. Cette conception est étonnante pour qui juge
de l'aventure humaine en termes de progression continue et
accumulatrice. Elle ne l'est pas pour les Fidjiens, par exemple. Ces
peuplades primitives, comme il est convenu de dire, demandent au
retour cyclique de la couche I de ramener l'état salutaire des beaux
et idylliques commencements. Ils conçoivent l'historicité humaine
comme enfermée dans des enclos cycliques, lesquels s'enfilent sur la
ligne de temps comme les perles d'un collier. Chaque perle, bien
qu'elle prenne sa place dans la durée, a la vertu de ramener les
conditions intérieures qui façonnent l'unité. Il y aura donc autant
de couches I qu'il y aura de cycles se succédant. Chaque nouvelle
unité prend sa place dans le collier en cours de formation et y
reste, historiquement, chronologiquement suspendue.
Ce qui ne l'empêche pas de ranimer, en son intériorité, les
invariances rituelles (habituelles) du modèle absolu. La première de
ces constantes consiste à ramener la période unitaire où la couche I
abrite les opérations de solidarité Droite-Gauche. Sur quelque plan
qu'ait lieu sa relance, la structure absolue entraîne la remise en
émergence d'une période de renaissance, dès lors abrite elle-même
une ère cyclique nouvelle. La résurrection sera immédiatement
ressentie en fonction de la loi qui gouverne les conditions de vie,
en couche I. Certaines valeurs y éclateront par force, dans la tenue
unitaire du système local.
Nous verrons plus tard qu'un élément
essentiel de restauration et de régénérescence s'y introduit
toujours, profitant des faveurs que lui consent à l'avance cette
région évolutive.
En l'ignorance de la cause structurale sur laquelle se fondent et
s'appuient les croyances dites archaïques, pour décider qu'il y aura
régénération périodique de la vie, les ethnologues s'imaginent que
les peuples ritualistes n'ont ni la notion de temps ni celle de
l'histoire. C'est ainsi qu'un Mircea Eliade en vient à faire tenir
l'esprit de tous les rites en seul concept : la dévalorisation du
temps. « Si on la regarde dans sa vraie perspective, la vie de l'homme
archaïque (réduite à la répétition d'actes archétypaux, c'est-à-dire
aux catégories et non aux événements, à l'incessante reprise des mêmes
mythes primordiaux, etc...), bien qu'elle se déroule dans le temps,
n'en porte pas le fardeau, n'en enregistre pas l'irréversibilité, en
d'autres termes ne tient aucun compte de ce qui est précisément
caractéristique et décisif dans la conscience du temps » (Mircea Eliade, Le Mythe de l'éternel retour).
Conclusion qui ne correspond aucunement à la pensée fondée sur la
notion de cycle. La mentalité archaïque, par là où elle s'insère dans
la première instance de l'histoire de la Connaissance, fait primer sur
toute autre préoccupation le souci de sauver l'image du modèle
absolu. Cette responsabilité est toujours et partout profondément
ressentie par la mentalité initiatique. Elle ne doit pas être
confondue avec l'incapacité de surveiller la durée, moins encore
comme la preuve d'une volonté de vivre sans mémoire… Bien des interprétations qui, actuellement, font loi dans les sciences
humaines demandent à être reconsidérées à la lumière du Code de la
Connaissance…
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