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lundi 21 juin 2021

Féminicide. Lecture initiatique.

Fémicicide. Lecture Initiatique. Partie 1/4

Par Dominique Blumenstihl-Roth ©

 

Féminicide. Pas un jour sans qu'un crime perpétré contre une femme ne soit mentionné dans les médias… Qu'est-ce donc que ce « phénomène » social qui semble s'étendre ? Le meurtre des femmes résulte-t-il d'une maladie de l'homme ?

Le meurtre est-il l'acte suprême d'un tortionnaire exerçant son emprise psychique et physique ? L'expression du pouvoir absolu d'un être sur un autre, qui s'estime maître du droit de vie et de mort sur autrui tout en baignant dans le narcissisme le plus épais ? Et qu'en est-il de la victime, nécessairement choisie ? La femme est-elle… l'adversaire mise à mort, sublimée puis exécutée, selon une fantasmagorie où l'objet de désir surinvesti doit être sacrifié ?

A moins que la mort de la femme ne soit la suprême démonstration de la domination virile ? La mise à mort du féminin devenant alors procédure régulière d'investissement du monde par la seule force admissible, homo erectus érige son autocontemplation, au travers du corps de la victime gisant à ses pieds. Ces lectures psychologiques expliquent-elles réellement les féminicides ? La femme sujet de mépris : déjà tuée avant sa mort physiologique. Le « prince régnant » exerce son droit de possession qui s'étend jusqu'à légiférer le droit à l'existence de l'être féminin… complexité de l'identité féminine du moins au regard des hommes à qui l'identification de la femme échappe. Elles sont amies, sœurs, amantes, maîtresses, épouses, mères, grand-mères, classées selon leurs fonctions sociales et familiales, mères vénérées, Mater dolorosa, ou Marie-Madeleine lapidée… mais quand sont-elles femmes pour elles-mêmes ? Que tue donc le l'assassin dans la femme ? L'image de sa propre mère car n'est-il pas fils de femme ? Ou l'expiation de la pécheresse originelle, le lointain fantôme de Hava dont il se pense le correcteur légitime ?


L'extermination de l'Autre

Le meurtre de l'Autre, de l'altérité que représente la féminité dans l'esprit du tueur, réaffirme l'orgueil dans la formidable puissance du droit autoconféré à l'anéantissement. Anéantir — vernichten — un des mots préférés d'Adolf Hitler qui l'accompagnait systématiquement dans ses discours de l'expression mit größter Gewalt : avec la plus grande violence. Les tueurs de femmes entrent dans cet idéologie d'extermination de ce qui leur paraît l'insupportable Autre que soi. Le disparition du non-moi leur apparaît comme une question de survie, dans une hiérarchie où ne peut dominer que le prétendu fort investi de la puissance létale. Le crime, dès lors, devient un rituel : Carmen doit être tuée, car pour eux, les femmes ne sont-elles pas des objets de désir devant être possédées, prises, soumises à la bandérille puis mises à mort afin que seul demeure qui de droit… divin ?

 

La tyrannie des petits chefs

Interdiction est faite à la femme de mener son existence autonome, elle se doit de réserver sa vie à l'univers domestique. Tout autre prétention est considérée comme un péché, faute méritant châtiment administré par le maître souverain.  Cette autorité des caïds sur les femmes impose la tyrannie des petits chefs ; ils sévissent sur le corps et l'esprit féminin, s'installent en persécuteurs et contrôleurs du droit de vivre. L'autorité des minables s'accroît, jusqu'au paroxysme qui se concrétise par le meurtre. Le moi s'en trouve vénéré, assouvi, en extase. L'être féminin n'est pas seulement soumis, mais anéanti : les coups, insultes, tabassages ne sont que les expédiants préparatifs comme des accessoires à la célébration sacrificielle.

Les violences verbales participent de ces préliminaires, en ce qu'il détruisent l'estime de soi et abattent la conscience de l'être mené à l'échafaud. Grande satisfaction du bourreau quand enfin réduite à n'être plus rien, à n'oser même plus regarder ou penser, sa victime paradoxalement sollicite la présence de l'anéantisseur, ce dernier ayant ainsi parachevé son processus d'emprise.

Extase caïnique renouvelée, au travers du féminicide, perpétuation du premier crime dont il est bon de rappeler que son inventeur portait un nom biblique assez évocateur signifiant en hébreu l'homme aux gros testicules.


Comment agir ? Que faire ?

L'approche psychologique des féminicides reste assez démunie, et la lecture psychanalytique — réalisée après le passage à l'acte — ne l'empêche pas. S'y risquent les professionnels de l'art dont je ne suis pas certain que leur science cerne pleinement la spécificité de ces crimes. Ces techniciens de la conscience possèdent-ils la connaissance des lois structurelles, le code des archétypes qui sous-tendent la plupart de nos actes ? Les féminicides en tant que phénomène social qui semble se répandre — non par mimétisme mais par une tension archétypale peu comprise, et surtout non anticipée par les forces sociales qui pourraient les prévenir — méritent une étude initiatique qui pourrait éclairer les personnes appelées à en connaître. L'approche que je suggère ne vise nullement à excuser ces crimes ou justifier les exactions mais à comprendre ce qui se passe, afin de mieux les empêcher.


Le féminicide est anéantissement du non moi

Il est affirmation de surpuissance égotique. Elimination de l'interlocuteur et de la parole, substituées par l'acte criminel. Il est régression vers l'idolâtrie du « moi barbare » : le tueur du féminin se prosterne devant sa propre idole despotique. Il rejette le principe d'unité et de dualité structurelle pour n'imposer que la coupe de son désir de puissance. Il impose l'unilatéral au mépris de la réalité duelle des structures vivantes.

 

Le meurtre de l'être féminin est l'acte irréversible au terme d'un processus qui peut se lire sur l'arbre évolutif de la relation, en phase terminale que l'alphabet hébreu situe en Tzadé final 900. Là, l'énergie quitte les entropies maximalisées en couche Vc pour gagner la rive opposite du Tzadé 90 avant de monter en Qof. L'assassin interdit ce passage, par la rétention qu'il impose — possession de sa victime, soumission, mise à mort. Le meurtre est l'acte de l'impuissant qui ne peut accepter le transfert de l'énergie. Pour lui seul l'élimination du féminin peut lui garantir la main mise sur l'esclave qu'il exécute. C'est l'expédiant le plus absurde qui se puisse penser. Une pensée qui s'élabore sur des erreurs conceptuelles fondamentales qu'il devrait être possible de prévenir si la parole des victimes était mieux entendue. 

En aucun cas, l'assassinat ne peut résorber une situation.

La tension qui s'installe dans les situations de Tzadé final résulte de l'incapacité à accepter la notion d'arrêt, du « stop » que la branche évolutive de gauche ne parvient pas à se dire pour elle-même. « Les choses doivent cesser ». Le stop impose sa propre dynamique de cessation, sur un être qui n'envisage pas qu'il est lui-même l'objet de cet arrêt. Il en décide qu'il est mandaté d'infliger l'arrêt à son en-face. L'inversion agit, le voilà qui tue son épouse. L'arrêt concerne la relation, non pas l'existence de la personne. Il concerne le cycle de la relation, parvenue à un stade repérable sur la grille évolutive. En Tzadé final, les échanges latéraux entre gauche et droite structurelles cessent. Ce qui ne signifie d'aucune manière qu'il faille poignarder l'Autre.


La stratégie du transfert

Future victime, potentiellement en danger, celle qui ignore la stratégie du transfert d'énergie, avec projection résolue sur l'avenir, sans retour en arrière. La délivrance s'opère par une décision, une scission suivie d'une montée libératrice. Le criminel ne l'entend pas ainsi, il se confère l'autorité sur le temps de sa domination qu'il entend prolonger indéfiniment. Le recours au crime entre dans une logique d'extermination visant à éteindre, dans la victime, la possibilité qu'a l'être de gagner sa liberté dans le « lieu protégé ». Les féminicides se produisent dès lors que la limite du Tzadé final a été dépassée, que la relation, au lieu de dégager une dynamique libératoire demeure captive de l'enclos tyrannique qui étend sa durée, sa puissance, et aggrave son joug. Le meurtre se réalise, soit dans la sur-extension du Tzadé final. Soit lors du transfert de l'énergie, dans le labyrinthe, dans la partie qui reste sous l'influence des forces entropiques.

 

Les deux parties du Labyrinthe

Le « tunnel », passage qui mène du Tzadé 900 au Tzadé 90, se compose de deux parties, dont chacune subit la pression de la zone d'influence la plus proche. La partie gauche du labyrinthe, malgré la décision de cessation et de départ, reste sous la menace des injonctions du Tzadé final qui continue d'exercer son ascendant visant à retenir l'énergie, l'empêcher d'avancer. On y reconnaît l'attitude de Pharaon qui, après le départ des Hébreux, leur donne la chasse et jusqu'au bout de son territoire, tente de les exterminer. La partie droite du labyrinthe, quant à elle, ne s'ouvre qu'après le franchissement d'une limite, une frontière, que l'on pourrait appeler le lieu de vérité. Là se dresse le Minotaure, qui empêche le passage. Mais c'est là aussi qu'au moyen des critères de la Connaissance, l'obstacle peut être franchi. Déployer la stratégie de l'évitement et — sans tuer réellement le tortionnaire car aucun meurtre n'est acceptable — se libérer de son emprise. Cette épreuve, sur le « pont », est décisive. Elle consiste tout d'abord à avancer, sans regrets et sans jamais revenir en arrière dans le lieu du passé où s'exerçait la vindicte. On ne revient pas. Le retour en arrière est prohibé. Combien de fois faudra-t-il dire cela aux femmes qui, par nécessité économique, par bons sentiments ou absurde affaiblissement de la décision, reviennent sur le territoire, dans le lit même du bourreau auquel elles se sont attachées selon un syndrome bien connu. Les soignants, thérapeutes, policiers, amis et proches doivent alors entourer la personne pour empêcher la régression dont la tentation est forte, pour la victime, de renouer avec son dictateur. Monstre qui doit être écarté, mis à distance, surveillé… J'allais dire banni.

Le Minotaure doit être vaincu. Le Monstre tueur doit être cerné. Un saisissant chapitre y est consacré dans l'ouvrage La Face cachée du Cerveau, (p. 264 volume II).


Quitter le Tzadé final

Tant que le lieu du Tzadé final n'a pas été abandonné, les forces qui y résident exercent leurs prérogatives de captation. La lecture psychologisante du féminicide ne conçoit pas suffisamment la topologie : la possession du territoire — au sens physiologique premier — par le dominant conditionne l'état de la relation et marque de son empreinte le conjoint jusqu'au plus profond de son âme. Peut-être même de ses cellules, de ses neurones qui en reçoivent, à tout instant, la vision, le ressenti au travers des sens constamment mis en éveil. Il est indispensable que les conseillers en vie familiale ou intervenants sociaux soient eux-même instruits de ces réalités structurelles. Nul dialogue ne peut se concevoir sur le territoire où s'exerce l'oppression, d'autant que l'oppresseur vise l'anéantissement de la parole et de l'interlocution pour leur substituer le monologue de sa propre loi. Mettre de la distance physique, sortir de la zone de pouvoir, quitter le lieu, sans délai, quoi qu'il en coûte. Le prix à payer sera toujours moins cher que la destruction totale que devra régler la retardataire. Agir vite, sortir, et sans retour.

 

Plus facile à dire qu'à faire…

Et pourtant… Je garde en mémoire ce récit universellement connu, dont on n'a pas assez tiré la leçon telle qu'elle s'adresse à nous en exemplarité, à titre collectif et individuel, chaque fois qu'un cycle parvient au stade du Tzadé final. Ce lieu est l'endroit du « complot », l'endroit où se prépare le scénario de la mise à mort (réelle ou symbolique), l'endroit où le « Serpent » archétypal apparaît en avertisseur. Là se fomente le projet de l'élimination. La prise de conscience doit en être rapide, et la décision d'en quitter le territoire ne doit pas tarder.

 

Penser à Pharaon et Moïse

Nous avons tous, dans nos vies (que nous soyons homme ou femme), un Pharaon suprême qui entend nous « lessiver »… Le départ d'Egypte se fera rapidement, après que les négociations aient échoué, et cela sans régression et sans interférences nourries de regrets ou d'auto-culpabilité. Moïse s'arrache de la rétention du pouvoir en place, non par décision personnelle mais parce que l'ordre lui en est donné. La liberté est conquise parce que le Dieu d'Abraham ordonne à Moïse d'imposer cet acte libératoire. On en peut déduire que la liberté, inventée ce jour-là, fut donnée par un Dieu de liberté qui décida d'abattre l'idole pharaonique.

Raphaël Draï a écrit de magnifiques pages sur le sujet dans son livre La Sortie d'Egypte, où il rappelle que le Dieu de liberté agissant pour l'abolition de l'esclavage obtint gain de cause. Ce Dieu se présente comme Anokhi, dieu du dialogue et de la relation personnalisée, interlocuteur dont la parole est sûre. Tout au revers du « je » omnipotent égotiste de l'obscur exterminateur qui récuse la liberté. Les féminicides sont liberticides par principe. Ce même Dieu libérateur se présente ainsi : « je suis le Dieu qui t'ai fait sortir de l'esclavage… » tandis que le tortionnaire ne cesse de réaffirmer « je suis celui qui te maintiendra sous le gourdin ». La liberté cependant se conquiert, elle se prend, précisément parce qu'elle est donnée par Dieu comme la condition première de l'humanité. La liberté est de droit divin. Qui me semble dépasser ce que conçoit timidement la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, document respectable, mais dont l'application dépend du bon vouloir de ses (rares) signataires. La liberté ordonnée par Anokhi est un a priori non discutable, posé en principe non négociable par le Dieu libérateur.

D'où la gravité du féminicide, non seulement en ce qu'il s'agit d'un crime sanglant, mais de la négation totale de la vocation humaine du droit d'être libre…


La suite dans le prochain Blog 


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Sur le sujet :

Jehanne la Délivrance, épopée d'une femme exceptionnelle…

Esther, la DélivranceAutre femme remarquable

3 commentaires:

Rose a dit…

Magnifique dépôt d'intelligence qui mérite une chaire pour y être instruite !!
Faites circuler ce document indispensable dans les lieux où se pensent les lois et les défenses .
Les femmes ne mettent pas au monde ceux qui un jour les détruiront .
Elles restent ,par les hommes qui en ont les clefs , prisonnières du stade Tzadé final. Elles sont engeôlées /enjôlées par les bourreaux de leur liberté et... doivent penser seules leur liberté .
Il y a un énorme cafouillage ontologique dans le stade de la pensée à propos du masculin chez les mères ? Elles accouchent de l'autre avec le danger qu'il puisse nuire sans pouvoir déceler cette inclination possible ?
Y a t-il aussi un "péché" culturel collectif ?
L'homme est-il définitivement abscons à lui même ?

Anonyme a dit…

Il y a plus de vingt ans, je me suis enfouie, avec mes enfants, de la région où j'avais été violentée, dans tous les sens du terme, par mon conjoint. La seule chose dont jétais sûre, c'est qu'il fallait que je parte, peu importe l'endroit, car je savais, au plus profond de moi que rester était dangereux, que ma vie était en danger. J'avais eu de la chance, mais je savais qu'il n'en serait peut-être pas de même si je persistais à rester. C'était plus fort que moi, et nul n'aurait pu me dissuader.
Je savais qu'il fallait préserver ma vie.
Une fois ma décision prise, tout s'est mis en place de façon miraculeuse : après une formation, j'ai trouvé un travail dans une autre région et dans un domaine dans lequel je n'avais aucune expérience ; j'ai trouvé une maison à louer alors que les refus abondaient parce que j'étais une femme seule.
A l'époque, j'ignorais les lois ontologiques du vivant, mais je les ai vécues sans les expliquer.Et ça, c'est plus fort que tous les mots.
Je sais aujourd'hui que j'ai utilisé instinctivement ma liberté de droit Divin, et le Divin m'a toujours accompagné et m'ccompagne toujours.
Le Divin protège toutes celles et ceux qui protègent la Vie. De manière inattendue car les choses ne se passent pas selon ce que peut imaginer ou vouloir le mental limité qui prétend pourtant pouvoir résoudre les problèmes, dont le féminicide.
En vain puisque le limité ne peut pas comprendre l'illimité.




François-Marie Michaut a dit…

Plus simplement, l'ignorance généralisée de notre duplicité de fonctionnement cérébral ( psychologie et médecine en tête ) entre le cerveau qui fait (celui là même qui peut aller jusqu'à tuer tout autre ) connu de tous et le cerveau qui-sait effacé, zapé, des connaissances est à retenir ?
Alors remède à ce drame humain, demandez-vous ? Faire comprendre largement ce message simple sans le noyer de considérations savantes qui rebutent la plupart d'entre nous. Semer des idées simples, sans être simplistes, sans essayer de démontrer qu'on est plus malin que les autres et foncièrement "différents" d'eux ...
Je me souviens de DA disant qu'elle n'était que la femme de ménage chargée de dépoussiérer Don Quichotte !
Le temps est-il venu de dépoussiérer les travaux si savants de DA, cher DBR ?