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vendredi 5 mai 2023

Lecture initiatique du cas Emmanuel Macron. Par Dominique Blumenstihl

Plusieurs lecteurs de ce blog m'ont demandé ce que je pensais du Président Emmanuel Macron et de la réforme des retraites qu'il a engagée. Généralement, je me tiens à l'écart des débats politiques, mais il me semble que le « cas » Macron est vraiment intéressant.


1. Une pensée conditionnée

Il n'est pas question ici de débattre le « pour ou contre » de sa réforme, mais plutôt du processus intellectuel qui l'a mené à la concevoir. Elle procède d'une certaine manière de penser, qui transparaît d'ailleurs dans sa manière d'être et d'agir. Expert en toutes choses, il est incollable et a réponse à tout : ses réponses et argumentations sont toujours techniques, élaborées en certitudes étayées par des données, justes en apparence. Toujours construites en rationalité linéaire et des constats d'évidence, cela lui vaut une certaine brillance. Sa logique semble scientifiquement, économiquement consolidée, et le train des « réformes structurantes » qu'il défend semble pertinent, au regard des logarithmes dont usent ses conseils.

Ce qui retient mon attention, c'est le conditionnement de sa pensée qui infléchit sa vision du réel. En effet, comme tout un chacun, M. Macron pense les choses d'une certaine manière, selon un schéma global, plus ou moins préconçu. Etant un personnage public, cela se voit, cela s'entend.

« La volonté de pouvoir » s'exprime chez lui avec force — mais qui le lui reprochera quand cela vaut pour toutes les personnalités politiques ? Cette volonté présente cependant chez lui une singularité, celle de s'inscrire dans une polarisation spécifique de son être, très particulière. Il existe en effet un « penchant » dominant fort visible chez lui, non pas d'ordre psychologique mais systémique et structurel. Tout son être se polarise selon l'inflexion déterminante qui caractérise l'ontologie du « faire ».



2. Les Sciences Naturelles…

enseignent qu'il existe évolutivement deux voies, chacune développant ses prérogatives selon des modalités propres. L'une des voies conduit à la formation des espèces arthropodiques, tandis qu'en face, l'autre voie évolutive s'élève vers la formation des Mammifères conduisant finalement à l'apparition de l'Humain doté de conscience et de parole. Les deux voies forment un Y, que les spécialistes ont parfaitement tracé dans leurs ouvrages, par exemple le Traité de zoologie.

Le néocortex, chez les humains, se construit lui aussi en deux hémisphères polarisés, notion bien connue depuis les travaux de Brodmann, Sperry etc… Un hémisphère « qui Fait » face à un hémisphère « qui Sait », selon l'appellation du neurologue Deglin, qui nomme « qui Sait » l'hémisphère où se trouve l'aire du langage, situé d'un seul côté. Et nous aussi, nous sommes tout entier ainsi polarisés, nous accrochant à telle ou telle branche d'un arbre, appartenant plus ou moins à l'une ou l'autre obédience, ayant chacune son style. Polarisation parfaitement connue des traditions, les soufis parlent par exemple de toute la différence qui sépare les « théoriciens » des « adeptes » (cf L'Arbre du Monde, Ibn' Arabî). Le « théoricien » explore de savantes constructions en partant d'observations dont il cherche à comprendre la logique, tandis que « l'adepte » adhère d'emblée à ce qui s'exprime au travers du vivant et en déduit la conduite à tenir. A chacun sa « branche » mais il n'est pas interdit de bondir de l'une vers l'autre.


3. La pensée macronienne…

en tout respect de sa personne, procède de la technicité propre au domaine du « qui Fait », reconnaissable par son style entropique, à haute prolifération d'activité et d'agitation, à tendance expansive dans les projections extérieures. A quoi s'ajoute la propension classique du « qui Fait » de vouloir paraître, exister à tout prix, tout en ignorant l'existence de l'En-face partenarial par quoi se réalise l'union de la structure complète. Le « qui Fait », normalement, fonctionne en échange latéral avec le « qui Sait », mais tend, par son entropie dissipative, à se croire seul et s'imagine qu'il est à lui-même l'entièreté de la structure. Caractéristique du « qui Fait », que se doter dès lors d'un langage extrêmement élaboré en dissipation, d'arguments toujours construits sur les procédures de pensée issues de son propre secteur, afin de se prouver qu'il n'a nul besoin du partenaire d'En face, naturellement pourvu de l'information qui devraient diriger le « faire ». Le « qui Fait » dissipatif s'en passe, s'auto-instruit, se convainc lui-même que son « faire » procède de la légitimité qu'il s'accorde, en rupture avec la dualité naturelle qui construit normalement l'édifice unitaire.

Autre caractéristique du « qui Fait » : il tend à inverser les informations qu'il reçoit du « qui Sait » (cf La Face cachée du Cerveau). Inversion due à son positionnement symétrique en miroir par rapport à l'hémisphère « qui Sait ». Nous connaissons tous des êtres — nous-mêmes peut-être ! — qui répondent d'emblée par un « non » à tout ce qui se présente. Effet d'inversion, le non se pose souvent là où était attendu un oui, et le plus souvent, par le bon fonctionnement de l'échange latéral, la négation peut se redresser (plus ou moins) aisément. La forclusion obstinée dans la négation donne naissance à la haine, l'ostracisme, l'anti-S, et procède le plus souvent du blocage de l'énergie sur le seul hémisphère inverseur, coupé du donneur d'information.

 

4. Scène de ménage entre le soleil et la lune

Cette dialectique est bien connue des traditions du monde, par exemple les amérindiens Cakchiquel du Guatemala se réfèrent à une scène de ménage entre le soleil et la lune. Les éclipses en sont la conséquence. L'étoile du matin est supposée rétablir la paix.  L'étoile du matin est hélas cachée derrière un gros nuage. Les sécrétions de la branche Indirecte, ici la lune, sont excessives. La pensée matérialiste ne sait pas se limiter, se freiner. Il en est ressorti une épaisseur de brouillard qui empêche d'y voir clair dans la dialectique des choses. Le Président Macron gagnerait à s'instruire de ce mythe. Mais également les forces syndicales qui s'opposent à lui : elles se situent, elles aussi, dans le domaine du strict « faire » et l'on n'a pas vu en émaner la moindre étincelle de revendication spirituelle ou d'approche initiatique. Dès lors le combat qui les oppose se déroule intramuros dans le secteur hyponeurien auquel ils appartiennent tous deux.

(Dominique Aubier précise, à propos des mythes : « Il faut être habitué à la symbolique des mythes pour discerner la présence de l'une ou l'autre branche derrière les partenaires antagonistes. La plupart du temps, la branche Indirecte est représentée par le serpent. Dans le mythe babylonien de Gilgamech, l'homme était immortel, à l'origine et le serpent était mortel. La bête rusée eut l'habileté de tromper l'homme et de lui enlever son trésor de vie. Le conte estime qu'à la suite de cette aventure, l'homme est devenu mortel tandis que le serpent ne l'est plus. Derrière l'image apparaît le constat structural. La branche qui aurait dû survivre et relancer l'énergie vers le haut a été sacrifiée au profit de celle qui n'a pas d'issue. »)



5. La réforme des retraites : indispensable, nécessaire ?

Les prospectives ayant établi la nécessité de cette réforme partent du constat de la situation présente à laquelle les experts appliquent des formules mathématiques dont ils pensent qu'elles déterminent le cours des choses à travers le temps, si bien que la prédiction tombe (j'allais dire : leur prophétie) : « ce sera la catastrophe dans une dizaine d'années si nous ne faisons rien ».

J'ignore en quoi les oracles mathématiques sont infaillibles au point d'engager un bras de fer avec tout un peuple… Affaire de croyance, les politiques « lisent » dans les formules scientifiques à prétention futuriste un avenir dont ils sont incapables d'envisager la richesse inventive. Croyance (quasi religieuse) dans les voies de l'analyse rationnelle linéaire, voulant que demain une chose soit, au nom de ce qu'elle est aujourd'hui…

 

6. Sire, quels signes avez-vous observé ?

L'initié, s'il était admis dans le cercle des conseillers du Prince, lui aurait demandé : Sire, quels signes avez-vous observé qui vous incitent à envisager telle réforme ? Je ne parle pas des calculs des théoriciens, mais des signes réalistes, les signes que la vie vous envoie au travers des symboles qui vous parlent ? Lisez-vous vos symboles ? Quels sont-ils ? Qu'avez-vous observé d'insolite, dans l'immédiat, en plan de cohérence temporel au moment d'avancer votre projet ? Au moment de signer tel décret, qu'avez-vous remarqué ? Je ne parle pas de l'opinion tirée d'un sondage ou d'une projection pensée par un cabinet-conseil, mais de ce que la vie elle-même, en tant que conseillère supérieure, vous révèle.

L'initié a pour technique de « regarder par la fenêtre », et cela au sens aussi bien imagé que littéral. Il ouvre la fenêtre et regarde au-dehors pour voir quelle réponse la Vie lui communique. Il se passe toujours quelque chose au moment où… Encore faut-il faut-il l'ouvrir cette fenêtre… Sortez dans le beau jardin qui entoure l'Elysée, promenez-vous. Quelque chose vous dira que faire… Ce sera le Conseil de la Vie.

Evidemment, cette technique de lecture du réel présuppose que l'on soit disposé à en accepter la pertinence. Elle consiste à recourir au « qui Sait », qui ne manque pas de s'exprimer. La méditation consiste précisément à décharger l'emprise du « qui Fait » afin que l'énergie transite vers l'En face en « qui Sait », directement connecté au Verbe tel qu'il s'exprime quand il imprime sur le réel. L'initié surveille ainsi son immédiat, le miaulement de son chat, l'aboiement d'un chien, le bruissement d'une feuille, le vol d'une mouche, que sais-je ? Tout ce qui autour de lui agit dans réel en train de se construire participe à la pensée en émergence. L'initié tient également grand compte du moment cyclique. Peut-être la crise que nous traversons marque-t-elle la fin de quelque chose ?


 7. Désastre ou bonne nouvelle ?

Je viens d'entendre à la radio l'information selon quoi la France aurait été déclassée par les agences financières. Nous voilà « dégradés »… J'ai trouvé cela pittoresque que notre pays soit noté par des institutions émanant du secteur arthropodique de l'évolution culturelle, qui s'autorisent à juger les nations selon les critères qui sont à la source même des crises. J'ai appris que nous sommes « plombés à 120 % de déficit du PIB », « sans plus de marge de manœuvre »… 

Constat pertinent des économistes qui s'aperçoivent de l'échec de la gestion hyponeurienne des nations. Ne pas oublier cependant, que l'Evolution se réalise en deux modalités distinctes, traçant un arbre en Y. La branche hyponeurienne économiste avoue son échec… J'en prends acte. Fin de cycle. Désastre ou bonne nouvelle ? « De l'un on verra les bornes et de l'autre on verra le prodige », écrit Lao Tseu. Or, « la structure en Y concerne toutes les matières ayant achevé leur structuration en cycle. Dans toute situation évolutive, qu'elle soit végétale, animale, chimique, sociale ou civilisatrice, il y aura, à la fin des dynamismes, deux branches ouvertes dont l'une aura des caractères analogues au côté épineurien et l'autre au côté hyponeurien », précise Dominique Aubier.

Dès lors, s'il n'existe plus de marge de manœuvre du côté de l'économie, j'en déduis que le moment subtil est arrivé de procéder au grand transfert de l'énergie vers l'En Face, là où la dynamique sur-évolutive se met en route, non plus sur les fascinations des gloires matérielles passées, mais sur une sublimation des valeurs spirituelles. Elles-mêmes sublimées et libérées des conceptions archaïques. Face à l'impasse de la civilisation purement économiste-productiviste se présente le territoire de la Connaissance actualisé, exégétisée et dévoilée.

Savoir que cela existe. S'en informer, modifier dès lors le paradigme civilisateur. C'est à la portée d'un Chef d'Etat et singulièrement celui de la France dont c'est la mission d'insuffler cet air. Il suffit qu'il le veuille. Pour l'y aider, nous lui avons envoyé les ouvrages lui permettant de s'accorder avec la volonté du Temps.


La Face cachée du Cerveau

La Lecture des symboles

Le Réel au Pouvoir

Ces Désastres qu'on nous fabrique

Exégèse de Don Quichotte


 

Résumé de la proposition initiatique :

— La « grande réforme structurante » que nous devons concevoir consiste à opérer le transfert civilisationnel vers un projet dégagé des obsessions productivistes. Tendre désormais à promouvoir la connaissance du modèle intégrant le phénomène de la conscience et son rapport au verbe.

— Le « passage » de l'un à l'autre : la référence de la « Sortie d'Egypte » marque de manière emblématique ce processus de rupture, de prise de liberté face à l'oppression pharaonique dont le système politique visait la destruction de l'être sous la charge excessive du « faire ». Les consciences appellent à cette délivrance, raison pour laquelle les peuples s'insurgent face aux doctrines pseudo-messianiques célébrant l'activité-agitation comme puissance de libération. Le concept du « travailler plus pour avoir plus » est une erreur, car il ne s'agit pas d'avoir plus (a-t-on jamais assez ?). Il s'agit de bénéficier d'un surcroît qualitatif en terme d'épanouissement de l'être. Le travail en soi est une haute valeur s'il est exécuté en vue de l'épanouissement et accompagné du sens.

— Le remplacement de l'idéologie centrée sur la productivité par le recours au principe civilisateur essentiellement appuyé sur la Connaissance et la lecture initiatique du réel.

 

 

A paraître bientôt : Inédits 2.

8 commentaires:

Unknown a dit…

Merci Dominique pour votre lecture initiatique du cas E. Macron, téflexion que je partage notamment la conclusion :" Le remplacement de l'idéologie centrée sur la productivité par le recours au principe civilisateur essentiellement appuyé sur la Connaissance et la lecture initiatique du réel."

Bien à vous

R ose a dit…

Sire , les caisses du royaume sont exsangues ,votre carnet de chèques est vide .
Auriez-vous prévu une cassette optionnelle , un plan épargne de l'esprit ?
Un parachute doré spirituel ?
Sire , vous si disert , où se terre votre verbe ?

Chantal V. a dit…

Cet article mérite une couronne…

Gabrielle a dit…

Une Régalade que ce texte si l'on songe au nom de Madame la Première Ministre :-)

Athena NOC a dit…

OUI
A partager largement
MERCI

Chantal de Geoffroy Brossat a dit…

Merci Dominique pour ces commentaires si intéressants et de "haute vue" sur notre actualité et son auteur principal !
Si "une solution" existe, prions Eole de la lui souffler sans tarder !

Vos réflexions partagées sont un très riche enseignement.

Anonyme a dit…

Est-il possible que s'arrête une personne icarienne en proie à la frénésie du "faire", emberlificotée dans les multitudes de choses matérielles qu'elle veut à tout prix résoudre, pour la gloire de qui ?
Il faut croire au miracle que celle-ci puisse se pencher sur un ouvrage initiatique, dans un éclat de ciel bleu au milieu de l'obscurité hyperactive.
A moins que les puissances de la nature à l'œuvre lui démontrent de manière extraordinaire qu'il n'est pas le capitaine essentiel à bord du navire.
Merci à Dominique de lui avoir adresser quelques livres éclairants.
MFR

Pascal F. a dit…

J'ai trouvé ton diagnostic très juste, et tu es parvenu, je trouve, à rassembler l'essentiel dans les trois points du "résumé de la proposition initiatique" - tout en le précisant.

Je crois d'ailleurs que la portée de ton texte peut être effective parce que, précisément, la France se trouve à un Stop particulier.
Ce moment d'arrêt ou de suspension, qui a été diagnostiqué même par des chroniqueurs politiques (et qui est à mon avis celui des institutions de la Ve République), a forcément une portée en résonance avec le Stop que rencontre notre planète dans bien des domaines depuis des dizaines d'années, et que Dominique Aubier souhaitait qu'il puisse être fait en conscience, sur le plan civilisateur.
Au moins serons-nous quelques uns à en avoir conscience, et peut-être les Français, en ces temps difficiles, sont-ils justement prédisposés à accéder à cette notion ? Et à commencer à participer à un "En-face" salvateur ?
Je crois sincèrement que nous traversons une de ces époques privilégiées...