Par D. Blumenstihl-Roth
 
La première partie de ce texte se trouve ici. 
Je remercie les nombreux lecteurs et lectrice qui ont bien voulu me témoigner leurs encouragements dans la poursuite de cette étude. 
Noter qu'Ismaël est né avant que le Hé soit attribué à Abram. Isaac naît 14 ans après Ismaël, de la rencontre du Hé abrahamique avec celui de Sarah. Abram, à la naissance d'Ismaël, est encore incomplet.
5. Enseignement de l'Aqéda
L'islam
 gagnerait à réfléchir à l'épisode de l'Aqéda : la 
ligature d'Isaac selon la Torah. L'islam moderne affirme qu'il s'agirait
 du « sacrifice d'Ismaël », alors que la sourate 37 ne confirme pas 
cette option. En effet, le nom d'Ismaël ne figure pas dans cette sourate, du moins dans le texte arabe original. Il apparaît dans les traductions éditées en Arabie Saoudite, dont les Ulémas ont estimé qu'il fallait l'ajouter, créant par là une fausse lecture du texte de référence. Une manipulation qui déforme le texte coranique, ayant pour but d'éliminer Isaac et le remplacer par Ismaël. Ces traductions douteuses circulent dans toutes les associations musulmanes et servent de référence à l'enseignement dans les écoles coraniques. 
En
 tout état de cause, il faut retenir le fait que le bras du Patriarche est 
retenu et que le couteau ne s'abattra pas. Quel intégriste, dès lors, 
aurait l'audace d'exécuter ce qu'Abraham ne fit pas ? A moins de se 
croire supérieur au vieux Père ou à Dieu lui-même ?
L'épisode
 d'Agar, errant dans le désert mérite lui aussi d'être étudié. Le couple
 Saraï / Abram demeure stérile : absence du Hé de la dualité, de la 
rencontre. Saraï possède un Yod final d'énergie, mais à quoi bon 
posséder un potentiel d'énergie s'il n'existe pas de lieu où la déposer ?
 Abram quant à lui — sur conseil de son épouse — se reporte sur Agar qui
 possède un Hé favorable à l'union. Ce sera le Hé de la lignée 
ismaélienne.
Après
 la naissance de son fils, Agar est « renvoyée » pour ses impertinences.
 Livrée à elle-même dans le désert, elle finit par gagner une oasis — un
 puits — où un ange apparaît, lui dictant la conduite à tenir. Agar 
reconnaît alors « le Dieu qui voit tout », le Dieu de la vision. Sans 
doute a-t-elle compris que ses ressentiments ont été vus et qu'ils sont à
 l'origine du rejet qu'elle a subi. L'ange vient de lui parler du Dieu 
qui entend : la détresse d'Agar a été entendue. Curieusement, elle 
invoque le Dieu qui voit. L'ouïe et la vue ne relèvent pas des mêmes 
postes cérébraux, et Agar semble donc particulièrement sensible à la 
vue, aux choses visibles, à ce qui paraît là, dans l'immédiat. Le Dieu 
d'Abraham est un Dieu de parole, du Verbe prononcé. C'est une 
parole qu'elle a entendue. A moins qu'elle ait « 
vu » ce qu'elle a « entendu », dans le sens où la parole entendue par 
l'aire cérébrale de l'audition touche l'aire visuelle et y suscite une 
vision ?
Le
 Dieu audient et voyant toute chose, même le caché, a démasqué ce que 
Agar a pu ruminer dans sa détresse ; il se manifeste à l'instant où, 
renonçant à la colère, vaincue, elle en appelle à Lui. Elle s'abandonne à
 Sa volonté. Elle en est aussitôt sauvée. La rédemption est immédiate, 
son retour dans le clan abrahamique est ordonné — sous condition 
d'humilité.
6. La blessure de l'Islam
Cet
 épisode douloureux marquant le début de l'aventure ismaélienne a-t-il 
jamais connu une pleine « résilience » ? La marque de cette blessure 
semble indélébile dans le cœur de l'islam qui semble lire-ressentir tout
 événement le concernant au travers de cette entaille. Il n'intègre
 pas le fait que la fracture a été réduite et la structure ressoudée. La
 moindre observation critique à l'endroit de l'islam touche en lui une 
susceptibilité toujours sur ses gardes, exacerbée par ce traumatisme 
ontologique : il se développe même dans l'islam une sorte de délectation
 de souffrance, toujours renouvelée, une martyrologie. Provoquer une guerre, quitte à en devenir la pseudo-victime, en retour calculé de la violence essuyée par le conflit qu'il déclenche… Je laisse aux psychanalystes le soin de nommer cette pathologie d'automutilation allant jusqu'au suicide, ayant la particularité de faire en sorte que les autres en soient tenus pour coupables.
7. Mémoire d'Agar
L'islam
 des origines, celui qu'invoquent les intégristes, oublierait-il la 
noble attitude d'Agar qui revint dans le giron abrahamique ? Au service 
de Sarah ? Oui, elle sut comprendre qu'elle devait être au côté et 
soutenir le projet abrahamique en aidant de son mieux le vieux couple.
Certains commentateurs croient qu'Agar « a vu » Dieu, car elle dit : « Tu es le Dieu de la vision, car n'ai-je pas revu ici même la trace du Dieu après que je l'ai vu ?
 » (Genèse XVI-13). Elle n'a pas vu Dieu, mais sa trace. Il serait bien étonnant qu'Agar ait pu « voir » ce 
Dieu caché dont on sait qu'il se dérobe à Moïse et qui ne le voit passer
 « que de dos », c'est-à-dire qu'il n'est perceptible que dans sa 
manifestation et non visible dans son essence. « Après que je l'ai vu
 » : ces mots d'Agar concernent le messager et non l'expéditeur. Elle a 
reçu / entendu / vu le message et l'ange messager porteur de la parole 
divine : messager de chair et d'os, bien vivant, qui lui a parlé et lui a
 fait comprendre sa situation, lui indiquant la marche à suivre, celle 
du retour dans le clan familial où son fils à naître sera intégré à sa 
juste place : fils de la servante. Une place délicate et qui ne peut, en aucun cas 
spolier celle d'Isaac, ni prétendre à la domination.
Avec
 la naissance d'Isaac s'opère l'apparition des deux branches polarisée de la descendance. D'une part, celle étant dévolue à Isaac, 
légataire de l'Alliance. D'autre part, celle d'Ismaël dont la responsabilité est différente. Les récents accords et conciliations entre 
Israël et de nombreux pays musulmans laissaient prévoir une généreuse 
perspective d'avenir de coopération entre les deux branches. C'est assurément pour briser ce mouvement que le 
Hamas a lancé son attaque barbare, afin de maintenir l'état de rupture 
qui lui permet de se nourrir de la haine. La haine pathologique des 
terroristes à l'endroit d'Israël est à mon sens issue du fait que 
l'Islam ne sait pas qui il est. Il ignore — et refuse — d'être le partenaire de la branche d'Isaac. Ce refus se cristallise en violence exprimant une crise dont la source remonte à l'épisode de Agar dans le désert. Un traumatisme transgénérationnel qui n'a pas fait l'objet d'exégèse par ceux-là même qui en souffrent… Je souhaite que ces lignes ouvrent ce grand projet par quoi la conciliation devient possible.
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