Comprendre le conflit entre Israël et Palestiniens 1/1
par Dominique Blumenstihl-Roth
par Dominique Blumenstihl-Roth
Israël se retrouve une fois de plus face à la violence du Hamas. Les responsables palestiniens se trompent quand ils croient qu'Israël doit disparaître.Toute leur pensée est vissée sur cette erreur, et elle rend impossible tout dialogue.
Ce conflit soulève pas mal de questions :
1. Comment réagit l'islam dit « modéré » face à la guerre déclenchée par le Hamas ?
Le terme « modéré » présuppose qu'il existe une modération entre des extrêmes qu'elle ne réduit pas. Il suppose également l'existence d'une autorité qui encadrerait cette « modération ». Une autorité qui prendrait également en charge la grande exégèse coranique : à ce jour, elle n'a pas été produite et l'indigence des intellectuels musulmans dans ce domaine suscite un manque essentiel, laissant par cette absence toute puissance aux factions intégristes du littéralisme.
2. « Sa main sera contre tous… » écrit Genèse XVI.
Ce verset traite-t-il d'une adversité inéluctable de l'islam contre tous ? Ces paroles émanent, dans la Torah, de l'ange qui apparut à Agar, alors qu'elle venait d'être rejetée par Abram. Ces mots sont-ils irrévocables ?
Le Dieu d'Israël, celui qui s'exprime au travers de l'ange, est Dieu de parole et de Dialogue. Un dialogue qu'il cherche avec l'homme, depuis le début. Abraham est homme de parole, de dialogue. Il discute, négocie… même avec Dieu. Agar, quant à elle, entend, écoute, accepte. Noble résignation. Elle répond aux questions posées mais n'en pose aucune. Agar n'a pas le réflexe de demander à l'ange : « Mais pourquoi dis-tu cela ? » Ismael est présenté « contre » les autres. Cela pourrait tout aussi bien s'entendre comme un « contre » de soutien, un appui, un contrefort adossé au mur principal de l'édifice.
La prophétie de l'ange a-t-elle été comprise en terme de conflit et interprétée par Agar et Ismaël (bien qu'il ne fut pas encore né) comme une injonction de contrainte ? Ismaël s'est-il obligé de se positionner « contre » en relation d'altérité violente alors que les paroles pouvaient aussi bien s'entendre en terme d'alliance partenariale et d'adossement, fraternellement positif à la voie d'Isaac, en apport d'union et d'ajustement selon une symétrie où chacun tient son rôle ? Isaac / Jacob / Israël reçoivent la réception directe du message, tandis qu' Ismaël / Islam bénéficient d'une conduction commentée, post-talmudique, pédagogique, redonnée « à tous » — et non « contre tous ».
3. Sans partenaire de dualité
L'islam se dresse-t-il « contre tous » pour affirmer sa conviction d'être seul, sans partenaire de dualité structurale (d'où le mythe de l'androgynie de l'islam qu'Henry Corbin a défendu dans sa défaillante compréhension du système de dualité) ? Il s'agissait tout au contraire, pour l'islam, et cela depuis le jour où l'ange apparut à Agar, d'appuyer la leçon hébraïque — Agar retourne dans le clan abrahamique — et la verser pédagogiquement sur « tous », non par le glaive de la conquête sanglante mais la démonstration sur des arguments initiatiques. Le soufisme de Mansûr Al Hallaj (Iran, Xè siècle) a tenté cette percée. Elle fut anéantie par les intégristes de l'époque, qui ne se différenciaient en rien de la sauvagerie de ceux de notre temps. Reprise par Ibn' Arabî (Espagne, XIIè siècle), la cause de l'islam initié reste aujourd'hui encore contestée par l'ignorance majoritaire, et incomprise de l'élite qui ne parvient pas à décrypter le langage symbolique du grand maître de Murcia.
4. « Et la main de tous sera contre lui » (Genèse XVI-12).
Abraham est constamment en « débat » avec son Dieu : « que me donnerais-tu ? » (Genèse 15-2). Dialogue de l'inter-locution, qui répond, relance : il est fini, le temps du monologue divin, voici enfin un interlocuteur valable. Abraham mérite le qualification d'« inventeur du dialogue ».
Agar, vivant au quotidien près du patriarche, n'avait-elle donc pas appris l'art et la manière de dialoguer, parler en terme de « diplomatie différentielle » où l'échange vaut reconnaissance de dignité ? N'avait-elle pas observé qu'Abraham parlait à son Dieu et l'écoutait ? Les paroles de l'ange auraient pu être retoquées, et l'opposition de « la main de tous contre lui » se rédimer, à l'image d'une main « de gauche » serré contre la main « de droite » dans l'entrelacement fraternel de l'unité. « Sa main seule contre tous et la main de tous contre lui » résiste à l'idée préconçue de violence conflictuelle : s'agissant de sortir de l'affrontement, la rencontre des mains unies me semble l'autre acception de ces versets. Le Zohar, prédit « une conflagration mondiale avec les fils d'Ismaël sur mer et à proximité de Jérusalem… qui conduira finalement à l'avènement de l'ère messianique ». Cette tragique annonce, je voudrais la retoquer par une interprétation fidèle à la notion de dualité dans le cadre de la rencontre intelligente et dépassionnée des opposites structuraux. Puisse cette lecture proposée ici l'emporter et Moïse Schem Tob de Leon se tromper quand il annonça dès le XIIe siècle la déflagration mondiale sur fond de dispute universelle autour de Jérusalem : je souhaite que l'avènement de l'ère messianique se réalise par un acte d'intelligence, par une prise de conscience, par l'œuvre des initiés qui n'a nul besoin de guerre mondiale pour aboutir.
5. Agar dans le désert
Le texte de Genèse des révélations faites à Agar, dans le désert, se poursuit : « Mais il (Ismaël) résidera à la face de tous ses frères… » Cela signifie qu'il appartient bien à la famille d'Abraham dont il n'est point rejeté, indique le rabbin Elie Munk. Cependant, sa mission est distincte de celle d'Isaac : elle intervient ultérieurement bien qu'il soit né en premier. Mission spécifiée par sa circoncision à 13 ans qui marque un cycle ayant sa propre valeur. Isaac, dans l'Alliance ; Ismaël, dans l'unité (Ehad =13), en soutien fraternel et diffusion du message bien capté par Israël. Entre les deux noms, on notera la différence des Schin. En effet, Israël s'écrit avec un Schin pointé à gauche prononcé « S ». Ce point évoque l'énergie bondissant sur la lettre suivante, le Resch : motif d'absolu, lettre du Cerveau. Tandis que le Schin d'Ismaël est pointé à droite, sur la première branche. Laissant entrevoir le chemin qui reste à parcourir sur les branches suivantes avant d'accéder à la première étape (Mem) où il recevra une vision (Ayïn) du système divin Aleph avant de l'enseigner (Lamed). La lignée d'Ismaël — l'islam — a visiblement encore un grand travail à fournir avant d'en arriver à l'intelligibilité de son propre génie.
ישׁמעאל
Ce n'est pas la faction intégriste qui y parviendra. Sa violence est le signe même de son impuissance à comprendre. Dès lors, la barbarie se substitue à la parole. Une mise au point intellectuelle, exégétique du Coran devrait entraîner le déplacement de ce point d'énergie et transformer Ischmaël (Schin pointé à droite) en Ismaël (Schin pointé à Gauche).
Cette vision de la mission d'Ismaël a été entrevue par sa mère Agar.
Son nom s'écrit Hé, Guimel, Resch.
ה ג ר
Son nom s'écrit Hé, Guimel, Resch.
ה ג ר
Elle est impliquée dans la dualité par le Hé. Et en effet, elle forme structure avec Abram. Afin de porter (Guimel) le thème du motif d'absolu cérébral (Resch). Le Hé en elle est une donnée initiale, un potentiel devant conduire à l'exposition du modèle d'absolu. Reste à savoir si la promesse sera tenue par la génération qui naîtra d'elle. L'islam actuel n'en a pas même la notion…
Suite de ce texte ici.
Dans mon livre livre Fatima la délivrance de l'Islam, j'ai tenté de saisir le problème de fond qui oppose Ismaël à Isaac, et je propose une voie pour résoudre la question…
2 commentaires:
C'est en "soutien fraternel" que Isaac/ Israel et Ismael inhument ensemble leur père Abraham (Genèse 25-9). Après la mort d'Abraham, ses 2 fils vivent dans l'entente. Espoir pour aujourd'hui?
S'il reste une marge étroite pour que le conflit ne s'étende pas au monde...
C'est peut-être pour que le Ciel "Parle" brusquement ?
MFR
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