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dimanche 2 février 2014

La trahison d'Einstein - ou les ambiguïtés d'Eric Emmanuel Schmitt

La trahison d'Einstein
(ou les ambiguïtés à peine subliminales d'Eric Emmanuel Schmitt)


Je viens d'écouter à la télé le comédien Francis Huster qui interprète le rôle d'Einstein dans la pièce d'Eric Emmanuel Schmitt. Il a conté une anecdote étrange, selon laquelle Hitler aurait renoncé à la bombe atomique parce que c'était une invention juive…
J'ai bondi ! Ah non, me suis-je dit ! Cher Francis, arrêtez vos salades. Vous vous rendez compte de ce que vous racontez ? Vous colportez là une fausse légende, car cette thèse n'a jamais été vérifiée par les historiens et aucun élément sérieux n'apporte d'eau à ce moulin. L'historien Ian Kershaw, auteur d'une vaste biographie du dictateur est formel à ce sujet. Si l'Allemagne nazie a bien tenté de trouver la formule de la bombe atomique — ses savants connaissaient fort bien les travaux d'Einstein et la fission nucléaire —, il y a un monde entre la connaissance théorique de la fission à la mise au point d'une bombe nucléaire. Que ce soit clair. Les Nazis n'ont pas "renoncé" à chercher la bombe atomique sous prétexte que ce soit une "invention juive" ! Au contraire ! S'ils avaient réussi à la mettre au point, ils s'en seraient immédiatement servis pour la jeter sur Londres. Ils ont tout simplement été pris de court et leurs pistes de recherches (eau lourde) n'étaient pas les bonnes.
Alors dire que Hitler y a "renoncé sous prétexte que c'était une invention juive", c'est une belle vacherie ! Car Hitler apparaît alors, selon cette thèse, comme un saint homme renonçant à l'arme atomique et les juifs comme les responsables de la bombe.
Cette légende est fausse, concoctée dans les imaginaires d'esprits encombrés d'idées fallacieuses, légende reprise par les gentils naïfs comme Francis Huster qui ne se rendent pas compte qu'il soutiennent par là une imposture historique.
Cette invention est à mettre sur le même plan que le pseudo protocole des sages de Sion, fumisterie issue d'un habile montage dont on a parfaitement identifié les auteurs, mais qui a les reins solides et qui continue d'être colportée par les esprits malveillants ou sots. Francis Huster, je vous en supplie, vous êtes un comédien extraordinaire. Ne donnez pas écho à cette fausse légende selon laquelle "Hitler aurait renoncé à la bombe atomique parce que c'est une invention juive". Cela porte tort à votre image, à la sympathie que l'on a pour vous : restez un bon comédien, mais ne devenez pas le commentateur simplet de l'Histoire.

Venons en à la pièce d'Emmanuel Schmitt. Le titre déjà, la trahison d'Einstein, nous fait croire que le savant juif aurait trahi. Trahi qui ? L'humanité en ce qu'il aurait inventé la bombe ? Que ce soit clair, Einstein n'est pas l'inventeur de la bombe atomique et n'a pas participé à son élaboration. La seule chose qu'il ait faite, c'est d'avoir écrit une lettre au Président des États-Unis. Dont il s'est d'ailleurs repenti. Alors pour ce qui est de la catastrophe atomique, rendons à Joliot-Curie les honneurs de cette calamité, ainsi qu'à Werner Heisenberg et surtout les politiques qui l'ont mise en œuvre.
Accuse-t-on Einstein d'avoir écrit une lettre au président américain de l'époque le suppliant de lancer la bombe sur l'Allemagne ? Le faisant, qui a-t-il trahi ? Quand un pompier vient éteindre un incendie, l'accuse-t-on de trahir les incendiaires ? Je n'ai pas saisi où était la trahison. À moins que… sous le masque d'Einstein ne se profile, dans la pièce, en réalité, de manière subliminale, une accusation à l'encontre du Juif qui, en lui, serait l'inventeur de la bombe ? Dès lors le titre, dans le non - dit de l'auteur, ne serait-il pas : "la trahison du Juif Einstein" ? Quelle est la véritable accusation qu'Emmanuel Schmitt lance à la face d'Einstein ? 



L'écriture d'Eric Emmanuel Schmitt semble à ce titre équivoque — à peine équivoque —, et ce n'est pas la première fois qu'il porte ce genre d'ambiguïté — à peine ambiguë — sur scène : dans un roman - théâtre précédent, La Part de l'Autre, il présentait un Hitler face aux vicissitudes du destin : la thèse de cette pièce était la suivante : le dictateur aurait-il réussi son concours à l'académie des beaux-arts de Vienne que l'histoire du monde en aurait été changée… Qui peut adhérer à cette incongruité ? Comme si l'irréalité pouvait suggérer une forme d'excuse à la réalité des faits accomplis. Nous le savons bien, dans nos vies quotidiennes nous nous disons souvent : "si tel jour, telle chose ne s'était produite, ma réalité aurait été tout autre". Evidemment, si le nazisme n'avait pas existé, beaucoup de choses ne se seraient pas passées. Scénario à l'emporte-pièce dont l'intention (inconsciente) apparaît assez clairement, s'agissant de suggérer à l'imaginaire un "autre Hitler" au miroir que celui que nous ne connaissons que trop. Cette fascination du miroir est un classique chez E.E. Schmitt. Ainsi a-t-il, dans une autre pièce, portraituré un Alceste sortant de son reflet, sorte de "portrait de Dorian Gray".
Eric Emmanuel Schmitt, auteur fasciné par le judaïsme, depuis de nombreuses années, puise dans ce secteur et son inspiration et de substantifiques devises… Mais quelle thèse défend-il réellement ? Je n'oserais dire qu'il soit anti—, c'est une pensée que je m'interdis. Que d'autres que moi (et lui-même) trouvent réponse à cette question en sondant sous le vernis mondain et médiatiquement impeccable de l'auteur. Car enfin, qui cherche-t-il à faire applaudir dans La Part de l'Autre ? Le Führer au travers du comédien qui en assume le personnage ? L'auteur s'amuse-t-il secrètement d'abu-mu-ser le Public ? Savoure-t-il en solitaire le plaisir de duper le monde — extase de diablotin qui cependant ne peut jouïr pleinement de son forfait que le jour où il dévoile à tous et au grand jour, l'ampleur de sa mascarade ? Faire applaudir Adolf Hitler, sachant bien que l'Autre Hitler, l'aimable artiste mis en scène, n'a jamais existé, sous couvert de "théâtre", n'est-ce pas une dissimulation insoupçonnable que la critique n'admettra pas, d'autant qu'elle est tombée dans le panneau et que le talent des comédiens brouille la piste des intentions ? L'Autre Hitler — s'il avait existé — aurait dû être son exact opposé, c'est-à-dire un initié de haut vol, assumant le contraire de ce qu'a été le dictateur. Si cet Autre avait existé et avait été élu, il aurait fait de l'Allemagne le haut lieu du judaïsme éclairé et aurait déployé toute son énergie dès 1933 pour favoriser la création de l'Etat d'Israël afin que l'Exil en Edom prenne fin et que le retour en Canaan s'opère pacifiquement. L'Autre, inventé par E.E. Schmitt est loin de ce projet…
Depuis La Part de l'Autre, je m'interroge à propos d'Eric Emmanuel Schmitt. Voici un talent immense, un auteur qui maîtrise tous les ressorts de la dramaturgie — y compris celui de mystifier le Public qu'il parvient à l'enthousiasmer tout en lui servant un message subliminal extrêmement travaillé dont il est le premier à s'amuser, s'imaginant agir dans le secret insondable de sa pensée.  De quel Autre veut nous parler E.E. Schmitt ? De sa propre part inversée au miroir, Auteur étant dissimulé dans l'anagramme de l'Autre ?
Qui se cache dans cette image au miroir de E.E. Schmitt ? Mystérieuses évocations des fascinations d'un auteur remontant sans doute à un karma personnel, auquel nous n'avons pas accès — à moins d'un sondage kabbalistique qui pourrait être révélateur.
Ici, dans la Trahison d'Einstein, on entend  le discret soupir incriminant la pseudo "trahison juive", vieille ritournelle accablant le judaïsme d'être auteur d'une trahison civilisatrice. Le thème de la "trahison" est présent dans tous les discours phobiques d'Adolf Hitler, lubie obsessionnelle justifiant selon lui les "mesures drastiques" dont nous connaissons les mises en œuvres.
Si Einstein a trahi, qui a-t-il trahi ? En réponse à cette question, la pièce suggère qu'Einstein serait apparu aux yeux du FBI comme un traître judéo-bolchévique. FBI, comme "FoBIe". Nous y voilà : c'est bien la judéité d'Einstein qui apparaît en accusatoire.
Dans cette pièce, est-ce vraiment le FBI qui accuse le Juif ou l'habile auteur qui dissimule là sa propre inquiétude ? Est-ce le judaïsme qui se voit accusé dans cette pièce, le judaïsme devenant dès lors responsable d'Hiroshima et Nagasaki ? Et Hitler en ressortirait comme le saint homme, qui aurait renoncé à la bombe démoniaque car inventée par le Juif ?
La Trahison d'Einstein, est à mon sens une pièce résolument antisémite, sans équivoque — à laquelle la critique applaudira par… naïveté.

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Pour une mise au point concernant le nazisme : un livre qu' E.E. Schmitt ferait bien de lire :
Réponse à Hitler




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