Comprendre le Talmud.
Comment ouvrir cette énigme talmudique.
Par Dominique Blumenstihl-Roth
Dans le dernier Blog, je vous ai soumis une énigme talmudique. Vous avez été nombreux à y participer et à proposer vos lectures. Elles me semblent toutes intéressantes. Je vais tenter une approche par les archétypes et l'Alphabet hébreu. Mais tout d'abord, qu'est ce que le Talmud ? Mon article va se déployer en deux temps. Précisément parce que dans l'énigme, le Redoublement est au cœur de l'affaire. Vous pouvez bien sûr, continuer de commenter et apporter vos lumières…
Donc voici la première partie.
Les Talmud sont des commentaires de la Torah, composés sous forme de dialogues, d'aphorismes ou d'apologues, rédigés du IIème au IVème siècle. Ils sont composés de plusieurs livres, et traitent de toutes sortes de sujets, affairant aussi bien à la lecture de passages bibliques que de cas concrets de la vie quotidienne. Par exemple, que faire quand la chèvre du voisin a brouté vos rosiers ? Comment faire correctement une addition ? Le Talmud semble avoir exploré toutes les possibilités qu'offre le réel et ses réponses laissent perplexes devant l'originalité — le décalage — des réponses. Hautement considéré par la tradition hébraïque, il semble avoir réponse à tout, y compris aux questions que nous ne nous posons pas. Par exemple a-t-on le droit de prier en haut d'un arbre ?
Il s'occupe également des bonnes manières sociales, se mêlant d'une foule de détails ayant trait aussi bien à l'organisation des fêtes que la bonne composition des menus. Il se mêle également du droit matrimonial, des règles commerciales, de la bonne manière de se laver, de mettre ses chaussures…
C'est une immense œuvre dont il est difficile de saisir tous les raffinements, si bien que s'occupant de questions parfois inextricables — Kafka y a peut-être trouvé son modèle d'écriture —, il semble rempli, selon certains commentateurs, d'aphorismes incohérents destinés à nous montrer que nos existences en quête de vérité se heurteraient à un sens toujours fuyant et inaccessible. S'agirait-il en somme, de la « sagesse de l'incertitude », comme le dit Marc-Alain Ouaknin, dans son livre « Lire aux Eclats » (éditions Lieu Commun, p. 261) ?
Dans le Talmud, il n'y aurait, selon ces chercheurs, qu'infini dans l'infinitude, quête de l'incertain par la parole déconstruite, dire et dédire incessant, aléatoire approche et fuite devant la vérité. Vérité inadmissible, s'agissant d'être toujours « en marche » vers une « proposition du monde » nécessairement inaboutie.
A chacun sa définition du Talmud et de la vérité.
1. Cet ouvrage est sublime…
précisément en ce qu'il ne répond à aucun critère des référents culturels conditionnant nos catégories. Il a été traduit en français pour la première fois par Moïse Schwab. Une traduction exceptionnelle, publiée aux éditions Maisonneuve en 1932-1933 et réédité en 1960. C'est à cette édition que je me réfère.
Le Talmud ne cesse de « titiller » l'esprit de celui qui en a ouvert la première page. Il ne vous lâche plus, défiant nos logiques linéaires fondées sur le rationalisme. Nos habituelles catégories articulées autour de la croyance en la science sont mises à mal par les ressources intellectuelles — les folies — talmudiques. Le Talmud procède en effet par la rupture discursive de la linéarité à l'occidentale. D'où son caractère incongru pour la critique littéraire. La psychologie y est mise en échec, de même que l'analyse formelle des arguments. Une autre logique s'impose… Une logique initiatique, reposant exclusivement sur la connaissance des archétypes, de leur stratégie propre et de leur déploiement dans le Principe d'Unité. A quoi s'ajoute, subliminalement ou explicitement, quantités de références à l'Alphabet hébreu.
A mes yeux, le Talmud réalise pleinement l'Écriture, parce que l'Écriture réalise le monde. Disant cela, je me trouve en délicatesse avec la pensée de mon ami le Rabbin Ouaknin qui écrit que « le monde ne réalise pas l'Écriture et l'Écriture ne réalise pas le monde ». Son point de vue paraît insolite car s'il était exact, à quoi servirait la Torah et à quoi servirait de vivre si le monde, donc ma vie ne réalise par le projet de l'Écriture qui est d'accomplir notre Liberté ?
Selon son livre (p. 40), pour le Talmud, « la vérité est l'a-vérité : toujours plurielle, multiple, complexe ; jamais unifiée, unique et simple ». Sans vouloir concurrencer cette philosophie, je n'ai pas compris cette pensée selon laquelle le Talmud serait l'expression d'une vérité jamais unifiée, jamais unique, alors que tout le Talmud n'est qu'affirmation du Principe d'Unité, de la cohérence d'un modèle d'Absolu. Ne pas connaître ce modèle permet-il de dire que ce dernier n'existe pas ?
Don Quichotte, dont la pensée et les actes semblent inspirés par une étrange folie dit à son Lecteur « ne crois pas que j'agis sans modèle ». Quand bien même ce modèle soit ignoré du Lecteur désoccupé, il n'en existe pas moins. Il ne reste dès lors qu'à le découvrir, le comprendre, et qui sait, s'en emparer et en user à notre tour.
L'incohérence apparente des récits talmudiques peut rebuter, amuser, distraire ou agacer. Il n'en est pas moins vrai que tout le Talmud est édifié sur une modélisation positive, qui pulvérise la pensée conventionnelle, sa référence étant tout autre : le Talmud comme le Quichotte, s'exprime selon une modélisation que nous sommes priés de découvrir sans a priori. Quel est ce modèle ? Quel est le référent ? Ce référent non pluriel mais unique ?
C'est donc en toute amitié que je prie Marc-Alain Ouaknin de me permettre de retourner ses propos, tout en saluant l'intérêt de son œuvre et en le remerciant d'avoir ouvert le débat : pour ce qui me concerne, je me range résolument du côté de l'Écriture-vérité réalisant le monde. C'est la thèse biblique, celle du Quichotte pour qui n'existe aucun doute quant à l'existence d'un modèle de référence, d'une grille de Lecture de la vie, d'un plan selon lequel la Vie aurait été pensée.
A mon sens, nul hasard, oui la vie se manifeste et s'invente, à chaque seconde, selon une intention dont nous ignorons certes la finalité, et c'est ce futur qui nous tire vers lui, faisant de nous déjà les hommes du passé par rapport à ce point d'avenir nous tirant vers lui, vers sa certitude. Cette logique constitue un défi à l'esprit philosophique et sa croyance en l'épluchage éternel de l'oignon en attendant l'apparition du sens.
Le sens est là d'abord. Le réel s'organise autour de lui. Il est perceptible, identifiable, saisissable.
2. De l'oignon philosophique.
Pour illustrer la quête de vérité, on utilise souvent la métaphore de l'oignon : le chercheur serait comme le cuisinier enlevant une à une et à l'infini les peaux du légume sans jamais découvrir le noyau. La métaphore, hélas, est fausse, tout d'abord parce que l'oignon n'a pas de noyau. La première erreur réside donc dans le choix de l'objet de la métaphore. Car le sens existe. Le noyau existe et préside. Mais pas dans l'oignon. Et si le philosophe a choisi l'oignon pour décrire sa démarche, cela décrit surtout l'échec de sa propre quête, et non pas l'objet de la quête. Le philosophe épluche une pensée — qui le fait beaucoup pleurer — pour finir par ne jamais trouver le noyau, tout simplement parce que chercheur s'est trompé de légume et de méthode. Peut-être aurait-il dû cueillir une cerise, la mettre en bouche (organe de la parole), savourer le fruit et extraire le petit noyau, symbole d'unité d'où l'arbre futur sera issu ?
Et voici justement un oignon qui semble poser problème au penseur. Je reprends ici le texte que M. Ouaknin donne d'une énigme talmudique. Parviendrons-nous à résoudre la charade ?
3. Une énigme talmudique.
— « Un jour où il était en train d'étudier dans la vallée de Génazareth, il (Elicha) vit un homme grimper à un arbre et s'emparer des oiseaux. Emportant la mère avec les petits, il descendit sans encombre. Le lendemain, il y eut quelqu'un d'autre. Celui-là grimpa à l'arbre, prit les petits oiseaux après avoir, comme le prescrit la Torah, chassé la mère.
En redescendant de l'arbre, il fut mordu par un serpent et en mourut.
A cette vue, Elicha s'étonna et dit : "il est pourtant écrit : Tu renverras la mère et tu prendras les petits pour toi afin qu'il t'en arrive du bien et que tu vives longtemps". Or quel bien cet homme en a-t-il acquis ? Où est sa longue vie ?… »
L'auteur précise, au chapitre suivant de son ouvrage, que le récit talmudique est issue d'un passage de la Bible, Deutéronome, verset 22, 7 : « si par un hasard de rencontre, un nid d'oiseau, devant toi en chemin ; dans tout arbre ou sur la terre, des oisillons, ou des œufs et la mère sur les enfants.
Renvoie, tu renverras la mère, et les enfants tu les prendras.
Afin qu'il te soit fait du bien
Et tu prolongeras les jours. »
Je propose d'inverser l'ordre proposé par M. Ouaknin et de commencer par le texte biblique de Deutéronome pour passer ensuite au Talmud. Car c'est le Talmud qui est le commentaire de la Torah et non le contraire. Précisons que c'est dans un esprit positif que je souhaite progresser et améliorer, si tant est que cela soit possible, l'approche d'un texte. Peut-être une découverte nous attend-elle au bout du chemin si nous débroussaillons les passages et si nous avons l'audace de nous engager d'une manière originale, « disruptive » de tout ce qui a pu être pensé jusque là ? Trouverions-nous quelque éclaircissement nouveau quand, depuis plus de deux mille ans, des dizaines d'esprits brillants, autrement plus lettrés et instruits que nous se sont penchés sur ce texte ? Qui peut croire qu'une découverte serait encore possible ? La seule trouvaille réalisable, ce serait que nous (re)tombions sur le noyau du sens. Dans ce cas, le mérite serait tout entier à reverser sur le Maître nous ayant instruit de la bonne méthode. Encore que sa modestie écarterait cette reconnaissance.
4. Le texte biblique du Deutéronome verset 22, 7.
Ce verset se compose de deux parties aisément repérables. La première partie, sans aucun verbe, met en scène la circonstance de l'action : un hasard de rencontre, un nid d'oiseau, toi en chemin, un arbre ou sur terre, des oisillons ou des œufs, la mère sur les enfants. Six éléments narratifs, six images fixes.
Surgit le verbe « Renvoie ». Verbe redoublé, d'abord à l'impératif, redoublé d'un futur « tu renverras ». « Et les enfants tu les prendras ». Verbe d'autorité. Les œufs ou les petits de l'oiselle (la mère) deviennent des enfants. Il faut les prendre avec soi après avoir chassé la mère.
Pourquoi ? Afin qu'il te soit fait du bien et tu prolongeras tes jours.
Comment le fait d'avoir enlever des petits d'oiseaux pourrait-il prolonger mes jours ?
Ces questions, des dizaines de talmudistes se les sont posées.
Les uns ont estimé qu'il fallait chasser la mère avant de prendre les oisillons, afin que la mère n'assiste pas à l'enlèvement.
C'est un peu court, si nous en restons à cette lecture littérale. D'autant que c'est là l'opinion de Maïmonide, l'immense savant médiéval du judaïsme. Je suis persuadé qu'il en savait bien plus mais qu'il se tait. Sa réponse en dit beaucoup plus long. Car si la mère représente l'ancien entendement, l'ancienne approche de la Connaissance, alors il faut effectivement la chasser pour favoriser l'émergence de la génération nouvelle d'esprits : les oisillons représentent ici la mise à jour de la Connaissance dépassant les acceptions anciennes qu'il convient d'écarter au préalable. Maïmonide, parlant de la mère chassée pour lui éviter l'affliction, songeait-il à lui-même, dont il savait que ses propres travaux seraient un jour dépassés par une réactualisation des critères de la Connaissance ? En esprit lucide, il ne s'oppose pas à l'élargissement de la Connaissance par les générations nouvelles.
5. « Renvoie, tu renverras ».
A noter, dans le texte biblique, le verbe renvoyer, sous deux formes impératives répétées : « Renvoie, tu renverras ». Cette formule correspond à ce « dire deux fois » symptomatique de la Tora, où toujours Dieu parle une fois, mais deux fois nous l'entendons. Le Rabbin Ouaknin commente ce phénomène de la répétition : selon lui, il s'agirait de la pluralité de l'expression divine, où deux correspond au pluriel (cf. Lire aux Eclats, p. 267). Nous ne partageons pas ce point de vue étonnant, car le deux n'exprime pas la pluralité ou la multitude. Le deux exprime soit la dualité soit la répétition (redoublement). Deux concepts différent qui ne se superposent pas mais qui cohabitent. D'une part, « deux » implique la structure duelle — structure d'Absolu en deux hémisphères disposés en Droite et Gauche. Il en découle le fonctionnement duel, donc la dualité fonctionnelle. L'autre concept-archétype s'exprimant par le deux, c'est le Redoublement. Les choses se font en deux temps. On se reportera au livre de référence La Face cachée du Cerveau pour distinguer au mieux ces deux archétypes.
Le texte biblique en appelle très clairement à l'archétype du Redoublement quand il interpelle le Lecteur : « Renvoie, tu renverras ». Agir en deux temps.
6. Renvoyer la mère. C'est « remercier » l'ancienne pensée.
La Torah dit de renvoyer. Dans le sens de repartir, retourner et laisser les œufs à la portée du passant. Qu'en fera-t-il, de ces œufs ou oisillons qu'il a l'obligation de « prendre pour soi » ? Que signifie « prendre pour soi » ? Manger, ingurgiter ? Comme on ingurgite une pensée, un enseignement ?
S'agissant d'oiseaux, j'ai posé la question… à une vétérinaire de mes amis. Voici en substance sa réponse :
— Si on chasse la mère en train de couver et qu'on s'empare de sa progéniture, les petits sont pratiquement condamnés à mourir, à moins d'être soignés jour et nuit par des personnes qui leur donnent la chaleur et la becquée toutes les vingt minutes. Je ne voudrais pas contrarier la Bible, mais à mon sens, la meilleure chose qu'on puisse faire, quand on voit un nid, c'est de le laisser tranquille.
— Vous avez raison, lui-dis-je, c'est peut-être un apologue inversé… pour nous dire le contraire. Quand vous voyez un nid, ne touchez ni à la mère ni aux petits. Allez votre chemin, évitez leur les ennuis de votre intervention. Vous n'avez pas à vous mêler de leur vie. Fichez leur la paix. Et c'est pour cela que le texte dit « qu'il te soit fait du bien et tu prolongeras tes jours ». Vivre et laisser vivre. Et laissant les oiseaux bien tranquilles, je prolonge mes jours ayant prolongé les leurs.
Il résulte de cette discussion d'ornithologues que cette affaire d'oiseau a besoin d'éclaircissement. Dans le Talmud, les discussions sont enchevêtrées, parfois inachevées, toujours ouvertes sur de multiples pistes parfois contradictoires. Mais elles renvoient toujours le Lecteur vers lui-même, vers sa question, au sein de laquelle se trouve souvent la réponse. Le Talmud défie la perspicacité des esprits les plus fins, exigeant une initiation au préalable dont il ne donne pas lui-même ouvertement la clé. Il met le lecteur au défi d'exercer cette Connaissance pour déjouer ses interrogations, énigmes et espiègleries. Les mystères talmudiques ne se résorbent pas au moyen de la pensée linéaire, ni de la réflexion philosophique, dût-on en faire quatre lectures. L'outil de la philosophie demeure impuissant devant l'épaisseur de la muraille. Il ne s'agit pas, en effet, d'attaquer la forteresse du Talmud en l'assiégeant par la réflexion ratiocination sans fin du scientisme prétendant être la seule puissance à même de diriger, comprendre, ordonner le monde. Il existe un autre ordre, un autre système : celui de la vie, le système du Réel dont le Talmud et la Torah justement rendent compte.
Je n'ai pas la capacité d'élaguer l'arbre du sens pour mettre à nu le tronc de vérité. Mais il me semble qu'en appliquant à la lecture talmudique certains critères initiatiques, plus d'une énigme s'ouvre donnant à voir son noyau conceptuel jusque là dissimulé sous le langage métaphorique. C'est donc en me dotant du Code des Archétypes et de la science des Lettres que j'ai pu au moins entrouvrir, entr'apercevoir certains éclats de sens.
7. Ouvrons le texte talmudique. Seconde lecture…
« Un jour où il était en train d'étudier dans la vallée de Génazareth, il vit un homme grimper à un arbre et s'emparer des oiseaux. Emportant la mère avec les petits, il descendit sans encombre. Le lendemain, il y eut quelqu'un d'autre. Celui là grimpa à l'arbre, prit les petits oiseaux après avoir, comme le prescrit la Torah, chassé la mère.
En redescendant de l'arbre, il fut mordu par un serpent et en mourut.
A cette vue, Elicha s'étonna et dit : "il est pourtant écrit : Tu renverras la mère et tu prendras les petits pour toi afin qu'il t'en arrive du bien et que tu vives longtemps". Or quel bien cet homme en a-t-il acquis ? Où est sa longue vie ?… »
Le Talmud met en scène un homme qui observe le précepte biblique évoqué plus haut.
L'observateur-narrateur est Rabbi Elicha. Il voit un homme grimper à un arbre. Tout va bien pour ce premier fidèle. Mais le lendemain, le même Rabbi Elicha voit un second passant désirant lui aussi respecter la prescription de la Torah. Lui aussi monte à l'arbre, prend les petits oiseaux, mais en redescendant, il se fait pincer par un serpent et en meurt.
Le Talmud donne encore une autre explication, indique Marc-Alain Ouaknin, citant une autre version de cette histoire : « Le second jour, il vit un homme et son fils qui passaient devant l'arbre et le nid. Le père dit au fils : monte, renvoie la mère et ramène les oiseaux. Le fils monta, renvoya la mère. Lorsqu'il voulut redescendre, la branche cassa, il tomba et mourut. Elicha s'écrie : Est-ce là, la Torah, est-ce la sa récompense ? Il semble bien qu'il n'y ait ni rémunération ni résurrection ! »
Dans cette histoire, le Talmud projette des versions différentes du même scénario. On retrouve toujours Elicha comme observateur des drames frappant les seconds passants. C'est à cette constante-là qu'il faut réfléchir. A la « deuxième » occurrence. Réfléchir au second temps, comme cela est indiqué par la Torah « Renvoie, tu renverras ». Relisons les textes en ayant bien en tête cette répétition du verbe et ouvrons grand nos yeux.
8. Acte I. Le premier passant.
« Un jour où il était en train d'étudier dans la vallée de Génazareth, il vit un homme grimper à un arbre et s'emparer des oiseaux. Emportant la mère avec les petits, il descendit sans encombres ».
Sans encombre : pourquoi, dès le début du récit, le Talmud parle-t-il d'encombres possibles ? Présuppose-t-il que ceux-ci ne vont pas tarder à surgir ? Pourquoi y en aurait-il ? Relisons encore une fois ce passage : Elicha voit un homme qui emporte la mère avec les petits. A y regarder de près, cet homme n'a pas observé le précepte biblique. Il n'a pas renvoyé la mère, il l'a emportée avec les petits. Le texte est clair : « emportant la mère avec les petits, il descendit sans encombre ». Ayons à l'esprit un mot important non prononcé : « cependant ». C'est-à-dire : il a emporté la mère et les petits, et cependant il redescendit sans encombres. C'est là une technique classique du Talmud, que procéder par élision, d'accoler deux phrases laissant ouverte la qualité de la conjonction devant les lier. A nous de compléter et trouver le mot faisant lien.
L'attitude du passant est fautive : il a emmené la mère et les enfants. Il s'est emparé de la Connaissance ancienne et de la nouvelle, sans distinction, il en résulte un mélange des genres. Il parlera le langage ancien dans des temps nouveaux. Conséquence ? Elle sera subie par le second voyageur.
9. Acte II. Le lendemain, répétition.
Là où la première instance n'aura été qu'informative, sans conséquence effective, la seconde se verra confrontée à la réponse de la Vie. Le second voyageur suit scrupuleusement le texte du Déteuronome : celui là grimpe à l'arbre, prend les petits oiseaux après avoir, comme le prescrit la Torah, chassé la mère.
Mais en redescendant de l'arbre, il est mordu par un serpent et en meurt. Là aussi, insérons le mot essentiel à la compréhension : « pourtant ». Pourquoi est-il mordu par un serpent alors qu'il a fait ce qui est prescrit ? N'est-ce pas le premier qui aurait dû être mordu ?
Eh bien c'est en raison du Redoublement. Le premier a ouvert un cycle qui se déploie en deux temps. Il a introduit une erreur en ne chassant pas la mère. Cette information est prise en compte par le cycle qui en développe la thématique et qui conditionne le futur. La seconde instance subit le conditionnement de la première et l'erreur inoculée en « Bip » (l'expression est de Dominique Aubier) déclenche les conséquences en « BOP ». On ne peut rien modifier en BOP, dès lors que l'instance Bip est déterminante de l'avenir. Le livre-arbitre (pardon : le libre-arbitre) n'existe plus en seconde instance. La liberté a son lieu, son temps, et même son instant. C'est l'instant de la décision. C'est en première instance informative que l'Homme peut orienter l'avenir, le travailler, le modeler. Ainsi, quand le second voyageur, scrupuleux serviteur du texte s'empare des oisillons, il paie le fruit de l'erreur préparée par le premier. Le serpent n'est là que parce que le premier a commis l'erreur. Le serpent, alerté (informé de la Loi du Redoublement), attend tranquillement la seconde occurrence dont il sait qu'elle ne lui échappera pas. Il tire son droit de mordre depuis l'erreur commise en première instance.
Le véritable responsable de la mort du second voyageur n'est donc autre que le premier qui n'a pas respecté à la lettre la prescription de chasser la mère. Il a tout voulu garder pour lui, mère et petit, commettant là une grave erreur intellectuelle se répercutant sur le cycle suivant.
La suite de l'article dans le prochain Blog.
La Loi du Redoublement : explicitation dans ce livre : La Face cachée du Cerveau
15 commentaires:
Commentaire n°1 :
Merci, DB, j'ai appris ce qu'était le talmud, ce que j'ignorais...
Le mot je crois veut dire : étude. Il y a eu celui de Jérusalem et celui de Babylone. La naissance est claire : utiliser la technologie de l'époque pour ne pas perdre ce que la tradition orale largue en route en se gauchissant. Mais pourquoi l'arrêt au bout de deux siècles ?
La machine talmudique à produire de la connaissance - pardon de cette comparaison mécaniciste - n'aurait-elle plus de raison d'être ?
Ca coince pour moi.
Fin du commentaire n°1
Commentaire n°2 :
Il porte sur : " A mon sens, nul hasard, oui la vie se manifeste et s'invente, à chaque seconde, selon une intention dont nous ignorons certes la finalité, et c'est ce futur qui nous tire vers lui, faisant de nous déjà les hommes du passé par rapport à ce point d'avenir nous tirant vers lui, vers sa certitude. Cette logique constitue un défi à l'esprit philosophique et sa croyance en l'épluchage éternel de l'oignon en attendant l'apparition du sens."
Paragraphe puissant avec au centre le mythe de l'oignon. On épluche, on épluche tant qu'on peut avec l'idée qu'au centre surgira de lui-même le sens. En médecine, la fin de toute étude scientifique reprend la même litanie : pour obtenir la certitude, des études complémentaires sont indispensables. Ce n'est qu'une croyance comme n'importe quelle autre.
Quant à la question du temps, comme celle de l'information ( cela veut dire ici le principe, l'énergie qui fait que les choses se mettent dans une certaine forme et pas n'importe comment, et celle cousine germaine de la conscience, cela mérite tous nos efforts d'étude, avec les données de 2018. Le nom d'un guide ? Philippe Guillemant
Fin du commentaire n°2
Concernant Maimonide ?Dominique nous dit : En esprit lucide, il ne s'oppose pas à l'élargissement de la Connaissance par les générations nouvelles. Et dans son analyse ,nous croisons : "Le sens est là d'abord. Le réel s'organise autour de lui". Et Cerventès d'ajouter : « ne crois pas que j'agis sans modèle ».
Dominique Aubier , dans le principe de l'évolution de l'élargissement de la connaissance ,a , avec un soin et une patience infinie terminé le travail que les naturalistes ont repérés dans l'arbre des l'évolution des espèces ,repère qu'ils ont appelé archigène ,(une eschatologie de toute la création ?). Dominique Aubier dernier maillon ? ,maillon resté patiemment silencieux depuis Don Quichotte ,qui a attendu que Tzaréphat se fasse femme de lumière. Le noyau que nous sommes invité à dé -couvrir est là . Et nous ,où sommes nous ?
L'arbre est au centre de cette parabole talmudique. On peut penser à l'arbre de la Genèse mais aussi à celui des Séphiroth. Le serpent, le Nahash est souvent représenté enroulé autour du tronc. Sa valeur guématrique de 358 est égale à celle de Masshiah (messie), curieux tout de même ! Nous le retrouvons dans la symbolique du signe du Scorpion souvent représenté sous la forme éthérée ou plutôt sublimée de l'aigle, le roi des oiseaux. L'aigle figurant sur le Tétramorphe en compagnie du taureau, du lion et de l'homme nous conduit donc sur la piste des oiseaux de la parabole.
Le tronc de l'arbre est ce qui doit retenir notre attention car il représente la colonne vertébrale au sein de laquelle circule la Kundalini (ou le CHI pour ceux qui préfèrent). Voilà donc réunis les principaux éléments qui composent notre tableau:
- l'oiseau est la sublimation de la matière en esprit (et vice-versa)
- l'arbre est le support universel, la verticale de l'espace à 3 dimensions, la référence en matière de variation de la conscience.
- le personnage qui monte dans l'arbre se réfère enfin à l'initié.
Poursuivons notre lecture à l'aide de ces éléments. Le premier personnage n'applique pas les recommandations du Talmud et tout se passe sans encombres pour lui. Les connait-il ? Il effectue le parcours dans les deux sens sans se retrouver "percuté" par cette expérience, ne faisant qu'un avec elle.
Il est ainsi capable de s'élever de la matière à l'esprit et d'effectuer le parcours inverse. Il le fait à la manière naturelle et spontanée de celui qui n'a pas lu le Talmud, ni peut-être les autres livres d'ailleurs.
Le second personnage a étudié le Talmud et il l'applique mais le fait-il par convenance ou par conviction ? La réponse est sans ambiguïté et tombe comme un couperet sous la forme du serpent et de sa morsure. Cet animal est lié à la matière, à la terre dont il épouse les formes. Sa morsure à la cheville va rendre notre homme boiteux, la "boiterie originelle" ou l'illusion de l'unité alors que la dualité est aux commandes et que le serviteur a endossé l'habit du maître ? Le sujet est d'envergure et pointe délibérément vers les sommets, à condition de ne pas rester focalisé sur le doigt talmudique...Nous pourrions presque dire que ces deux personnages sont Caïn et Abel. Abel fait les choses naturellement, il est resté très proche de la source, de l'unité. Caïn a fait sienne la croyance selon laquelle la volonté mène au succès, il est devenu le champion du libre-arbitre et s'est persuadé qu'en lisant le Talmud et en l'appliquant il obtiendra cette reconnaissance qui échoit jusqu'alors à Abel et dont il se sent frustré. Le scénario est vieux comme le monde et se répète des milliards de fois à chaque seconde jusqu'à avoir conduit les peuples, lassés de cet esclavage, jusqu'à la porte de sortie du "Qui suis-je?".
Bien à vous
az
Etonnant de trouver Abel le juste et son Caïn de frère dans l'aire du Talmud ,question d'ère ?, il semble pourtant que DBR "cale" les rédactions des commentaires Talmudiques à partir du IIème siècle , Abel/Caïn sont "entrés" par l'histoire beaucoup plus tôt .Ils sont frères pour toujours de cette lecture nécessaire de la dualité.
Frères du même Rosch ,l'un et l'autre assumant leur charge initiatique . La boiterie est amenée au gué de Yabboq comme un rituel d'initiation. C'est un lieu de passage à l'état Israël . Une restauration ?
Un petit coucou en passant.
Dans la saga de Moise, il y à un petit truc qui titille ma petite tête de linote: Il brise la loi (Nohanique) en assassinant un Egyptien.
On en parle?
Paul
Les hébreux affirment qui il y a 70 niveaux de lecture de la torah, la réduire à un seul niveau semble improbable d ou la proposition
de Marc Alain Ouaknin quant à une Sagesse de l incertitude...., du dire et du dédire...
Le Modèle Absolue ou Principe d unité parait s étendre sur ces 70 niveaux tel un feuilletage, à des fréquences différentes...
( Cf à ce propos la métaphore de l’échelle de Jacob ou les mondes angéliques montent et descendent , ou bien l arbre des séphirots
dans sa vision anthropomorphique...ou bien encore la fameuse phrase du fronton du temple de Delphes " connais- toi toi même et tu connaitras l Univers et les dieux....pour accomplir le miracle de la chose une ". Une vérité d aujourd’hui hui sera obsolète demain, la seule chose qui perdure, telle une pierre à l édifice c est ce qui rentre en résonance avec les archétypes, d ou l intégration de Lois par et un transfert des acquis d ordre systémique.
Propos corroborés dans un autre registre t par les physiciens de la physique quantique qui nous disent que la vie est un potentiel d intégration d' énergies et que l énergie c est de l information....
Cervantes était un Kabbaliste de " haute volée" son Quichotte se présente comme le " miroir informationnel " du champs qu 'il avait conquis. Ce qui n'est pas
une mince affaire puisque le Quichotte est le roman de chevalerie le plus connu dans le monde. Pouquoi ? Parce qu il est en miroir aux niveaux des archétypes
avec l inconscient collectif des individus Le message reste Subliminal pour la plupart... Ce qui est en Haut et comme ce qui est en Bas.... Il arrive au 17 eme siécle, sciécle du début de la science Moderne et met le pied à l étrier au siécle des Lumiéres......
McP
Je vous remercie de votre message.
Vous avez raison, la Tradition dit qu'il y a 70 niveaux de lecture.
L'expression "70 niveaux de lecture" est une espièglerie, elle invite (c'est classique) à deux lectures :
1. Quantitative
Vous pouvez la lire en style quantitatif comme le fait M. Ouaknin, et croire que la multiplicité conduira à la découverte du sens. C'est la procédure quantitative de l'incertitude, du dire et dédire, dialectique infinie et c'est la procédure de la science avec ses théories infinies se superposant, se dédisant à l'infini.
2. Initiatique
En face, il existe la procédure initiatique, qui considère qu'il existe 4 niveaux de lecture établies en Pardès.
Le sens apparaît en quatrième position, en Sod.
Et c'est exactement le sens de 70 : le secret. (Samekh, Vav, Dalet)
Donc "70 lectures" signifie initiatiquement qu'il faut lire le SOD, le 4ème niveau de la formule Pardes.
L'Echelle de Jacob est une métaphore désignant l'Echange Latéral entre la Terre et l'Invisible dont l'énergie irradie le lieu d'insertion du Verbe (Jerusalem)
Il n'est pas vrai qu'une vérité d'aujourd'hui serait obsolète demain. Il ne faut pas confondre "interprétation" avec "vérité".
Les lois archétypales fondent la vérité, elles sont immuables, étant les noyaux fondant le réel. La compréhension de la vérité évolue mais pas la vérité.
La compréhension proposée par les sciences est soumise à l'avancée des recherches disant et dédisant ses théories. C'est la voie exploratrice de "Gauche" du théoricien", du philosophe. Mais les lois fondamentales du vrai demeurent et le Code est immuable.
La Connaissance ne procède pas de la voie "gauchère". Elle ne dit pas une chose pour se dédire. C'est là que M.Ouaknin se trompe quand il croit que la Connaissance serait la sagesse de l'incertitude, car l'incertitude n'a aucune sagesse. L'incertitude n'a que le doute et la peur de trouver.
La Connaissance, c''est au contraire le territoire de la certitude fondée sur le Code.
Il faut que vous sachiez que le rabbinisme religieux et philosophique reste très traumatisé par l'expérience de Sabbatai Tzévi et se réfugie dans la philosophie de l'incertain en réaction à l'affirmation messianique qui risquerait de s'imposer comme vérité. D'où la fuite dans le dire-dédire où rien ne serait jamais stable.
Le messianisme est au contraire l'établissement du vrai par l'élucidation définitive des énigmes.
Je vous remercie très sincèrement de vos remarques très intéressantes.
Joli McP !!!,
Comme dit le subliminal ciné: "Chacun cherche son chat" à sa porte.
Moi je cherche toujours par où est passé mon Elicha, des fois qu'il ne mange encore quelques oiseaux.
Paul
La suite de l'article dans le prochain Blog… Si cela vous intéresse.
Bien sûr que c'est de notre intérêt de lire la suite ,surtout quand la circulation se fait depuis le lieu d'insertion de l'énergie et que l'échelle est ouverte ,il ne s'agit que de l'évoquer (sinon peut-on craindre que les voies du ciel ne se détachent de lui ?).Jacob a bien posé sa tête .
Ce coquin de Descartes nous a joué un méchant tour. Le fameux (facheux probablement) doute cartésien. Ce type, à la fois scientifique ( lois de Descartes en optique) et philosophe ( la méthode ) a commencé ainsi, si ma mémoire est bonne. " Je doute donc je suis "" Si je doute, c'est que je pense" " donc si je pense, c'est que je suis". L'égalité doute et pensée, jamais prouvée, continue de nous dominer les neurones.
D'où l'opinion la plus courante que rien ne peut être absolu se traduisant par la vérité ne peut pas exister.
Ca vous pose son bonhomme, celui à qui on ne la fait pas, le blasé revenu de toutes les croyances. Alors le zéro degré absolu de la physique comme la constante de Planck ou la vitesse de la lumière, on le passe sous la table.
Alors on se décide à bosser sur la pertinence en 2018 de la double équation : la pensée = le doute et le doute = la pensée ? Dominique Aubier demanderait : où est l'aire corticale du doute, et personne dans la salle et ailleurs ne pourrait lui répondre. Sans le moindre doute, ;-)
La métaphysique file à la vitesse de la lumière derrière le mur de Planck . Le doute a besoin de la pensée pour douter ,qui pense sans aucun doute la non- pertinence d'un tel miroir . Le domaine de
la pensée est déjà un joyau archétypal .
Quel est cet objet que le doute ? La Kabbalah est le destrier (de l'évidence) de la Kabbale . Don Quichotte l'a "monté" en équipage .
Effectivement ,où est la place du doute ,qui ou quoi lui aurait laissé une place dans le cerveau ? la pensée ?
En Gan Eden ,il s'y trouvait un nombre certifié d'intervenants .
Un des intervenants a ouvert une piste/doute à Isha ,mais nous sommes là encore en amont de l'histoire .Le doute ne fait pas partie de l'histoire humaine . C'est un déchet qui est déjà restauré;Tikkoun pour le doute ,il nous reste alors une image symptomatique de la peur de savoir . Edénique cher Watson.
Pour retrouver mon Elicha, j’essaie de planer un peu plus haut (sans dopage).
Le spectacle que je vois n’est pas joli joli…
Le second temple et le saint des saints ont été détruits en 70, la seconde diaspora a débuté.
La révolte de Bar Kohba a été écrasée, le rav Akiva l’avait désigné Messie (dit-on).
L’énergie jadis canalisée dans le temple semble ne plus savoir ou donner de la tête.
Et là, je retrouve mon Elicha observant tout celà dans la vallée de Guenossar.
Pas facile à trouver, il est un peu à l’abri dans une grotte surplombante il semble marmonner dans sa barbe.
Bon, si jamais j’arrive à me poser, j’essaierai d’entendre ce qu’il dit.
Mais il faut encore que je choisisse une branche sure…
Énigme fort délicate, on marche sur des œufs... Difficile de rassembler ces données très intriquées en un tout qui fasse sens. Merci Domino d'avoir ouvert ce chantier participatif en apportant des éclaircissements ! L'oiseau se dit Tzipor et je pense que c'est aussi un indice important.
Oui, "Tsipor" est important dans l'affaire. Tzadé, Pé, Resch lettres que l'on retrouve dans Tzarfat, la France en hébreu. Cela désigne la montée vers le Verbe (Pé) le dévoilement du Resch - Rosch le Cerveau.
Le mot (Tzarfat - France) צרפת lettre à lettre veut dire : "ici, la dualité des pôles contraires est à son maximum d’intensité (Tzadé) dans un cerveau (Reisch) qui a la vertu de parler (Pé la bouche) la fin cyclique (Tav). Cette équation a été conçue par l’esprit du prophète Obadia quand il a écrit son verset I, 20, prévoyant la sortie messianique en Espagne et en France.
D'où la vocation universalisante de la France. C'est le chant de l'oiselle qui le dit. Tsiporah, l'épouse de Moïse… qui a donc un rapport avec Tzarfat.
J'ai traité cela dans le blog https://kabbale-kabbalah.blogspot.fr/search?q=tzarfat
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