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jeudi 12 décembre 2019

Qui est Yiska, dans la Torah ? Réponse à l'énigme.

Qui est Yiska dans la Torah ? 
Réponse à l'énigme…
par Dominique Blumenstihl-Roth


Dans un Blog précédent, j'ai évoqué une énigme concernant le personnage de Yiska, dans la Torah. Qui est ce personnage biblique qui n'apparaît qu'une seule fois dans la Bible à Genèse 11-29 ?

La réponse est simple. Yiska = Saraï. Le grand talmudiste Rachi l'écrit très clairement. Mais il n'explique pas comment il est parvenu à cette réponse. Quel est le déroulé intellectuel aboutissant à la conclusion ?
Voici la conduction du raisonnement : d'abord la logique de la généalogie. Ensuite la logique des Lettres et le sens des mots. Le mieux est de prendre une feuille et un stylo pour suivre le déroulé de manière systémique.

1. Selon la généalogie.
Yiska et Saraï, c'est la même personne. C'est l'épouse d'Abram. Sœur de Loth et de Milka. Donc fille de Harân.
Mais cela n'est pas clairement écrit et certains endroits de la Torah pourraient même prêter à confusion. Ainsi, à Genèse 20-12, Abram dit à Abimelech que Saraï est la fille de son père Tharé. Dans ce cas, elle serait sa sœur. 
Certains commentateurs, prenant les mots dans leur acception la plus courte, en ont déduit que Yiska et Saraï n'étaient pas la même personne. Selon Genèse 20-12 Abram dit en effet : « de fait, elle est la fille de mon père mais non la fille de ma mère, et elle m'appartient comme épouse ». Si Saraï est fille de Tharé (« fille de mon père et non de ma mère »), alors Abram aura épousé sa demi-sœur.
Or la Torah ne mentionne pas la naissance de Saraï quand il est question de la génération de Tharé (Genèse 11-27). Il  semble dès lors clair que Saraï n'est pas la fille de Tharé, contrairement à ce que dit Abraham. Est-il un menteur ? Il est plutôt un habile sémanticien. Ainsi, il a demandé à Saraï de dire à Abimélekh qu'ils étaient frère et sœur. Mensonge ou vérité ? Ou les deux à fois ? Saraï n'est point sœur au titre direct avec Abram et pourtant, elle peut se dire « sœur », au même titre que Loth, (fils de Harân) qui est très clairement le neveu d'Abram. Or Abram considère Loth comme son frère et ne manque pas de l'appeler ainsi (Genèse 13-8) : « Abram dit à Loth : qu'il n'y ait donc point de querelles entre moi et toi, entre mes pasteurs et les tiens ; car nous sommes frères. » Le terme de frère et de sœur, dans la Torah, s'étend à la proche famille et touche les nièces et neveux. Si Loth, neveu d'Abram et fils de Harân est appelé « frère » par Abram, il n'y a aucune raison que Saraï, ne soit dénommée « sœur » par Abram, fut-elle en réalité une nièce, fille de l'un de ses frères. Ce qui vaut pour Loth vaut pour Saraï. Simplement en face d'Abimélekh, Abram joue sur les mots et Saraï devient sa sœur-épouse : c'est par précaution à l'égard du roi qu'il affirme qu'elle est fille de Tharé, qu'ils sont frère et sœur directement liés par un père commun afin que le lien ne puisse faire l'objet d'aucune interprétation dans l'esprit d'Abimélekh. Abram a-t-il menti au roi ? Il lui a dit qu'elle était fille de Tharé. Alors qu'elle est fille de Harân. 

Si Sarah est fille de Harân, alors elle est la petite fille de Tharé. Il n'est pas faux de dire, en langage biblique, qu'elle est sa fille. Dans de nombreuses traditions, les petits-enfants sont considérés comme étant les enfants des grands parents. Abraham n'a donc pas menti quand il affirme qu'elle est fille de Tharé. Mais non fille de sa mère. Embrouille-t-il la généalogie, raccordant Saraï à Tharé mais non à son épouse ? Elle est descendante de Tharé (donc fille de), mais non par la naissance directe (elle n'est pas née du ventre de l'épouse de Tharé). Abraham fait là une subtile distinction entre la descendance de la lignée paternelle (père d'Abram) et celle de la biologie (par la mère). Saraï, biologiquement, est issue de la branche collatérale par Harân. Mais spirituellement elle est fille de Tharé, donc « sœur » d'Abram. La filiation de Saraï doit également être lue en considérant la symétrie avec Loth : Loth, Saraï et Milka étaient tous trois frères et sœurs, enfants de Harân, frère d'Abram (Genèse 11- 27 à 29).
Les généalogies sont toujours compliquées à expliquer, même dans nos familles. Il est en effet difficile d'expliquer à quelqu'un d'extérieur à un clan familial l'ensemble des relations liant les personnes les unes aux autres tandis que ceux qui en font partie les saisissent d'emblée. Pour la clarté, il suffit, texte à l'appui, de dresser l'arbre des descendances, comme le ferait un notaire au moment d'établir une succession, pour voir très aisément qui est qui par rapport à qui.

Yiska et Saraï sont la même personne.
Mais avec tout cela, nous n'avons pas encore prouvé que Yiska et Saraï seraient la même personne.
Yiska est fille de Harân.
Le Texte nous informe que Nacor, frère d'Abram, se marie avec Milka, fille de Harân.
Or Nacor et Harân son frères. On en déduit que Nacor, épousant Milka, la fille de Harân, se marie de fait avec sa nièce.
En symétrie, Abram, également frère de Harân, épouse l'autre fille de ce dernier, donc Yiska.
Cela n'est pas dit ouvertement. Mais qui épouserait-il d'autre ? Une inconnue ? Abram maintient le lien familial, il se calque sur le choix de son frère Nacor épousant sa nièce. Il fait la même chose, en toute logique clanique.

Le Texte le laisse entendre en Genèse 11-29. Le verset se termine sur le nom de Yiska. Le verset suivant commence par le nom de Saraï. Abram a épousé Saraï (Genèse 11-29). « Abram et Nacor se marièrent. La femme d'Abram avait nom Saraï, et celle de Nacor, Milka, fille de Harân, le père de Milka et de Yiska ».
Cela équivaut à dire que tant qu'elle fut la fille de Harân, la jeune fille se nommait Yiska. Mais étant devenue l'épouse d'Abram, elle se nomma Saraï. La situation matrimoniale change son nom, elle devient Saraï (princesse précieuse) pour Abram. En réalité, Yiska et Saraï, c'est la même personne. « Tu changes de nom, et tu changes de destin… »

2. Entrons dans la logique des lettre hébraïques écrivant les noms :
Yiska, c’est Saraï avant son mariage.
Yiska, c’est Yod, Samek, Kaf, Hé.
Saraï, c’est Schin, Resch, Yod.
1. Yiska, c’est l’énergie Yod soutenue et distribuée par Samekh (cf Alphabet hébreu p. 222) qui entre en action avec l’élan évolutif… et croit à la valeur définitive de l’unité qui se réalise (lettre Caf, dans l'Alphabet hébreu p.195) sans envisager les mutations futures. Elle a cependant la lettre Hé qui lui prédit et l’invite à voir la dualité…
2. Saraï, c’est l’étape suivante, elle connaît les lois du Verbe, elle a sûrement une idée de Rosch et pas mal d’énergie… Mais pour quoi faire ? Tout en étant mariée, elle n’a pas le Hé. Et son mari non plus. Ce Hé (qui se trouvait au début dans Yiska), elle le retrouve en 3ième position quand elle deviendra Sarah.
3. Sarah, c’est Saraï doté du Hé de Yiska. Elle garde le Yod tout le temps. Samekh est évacué n’étant qu’un intermédiaire et Caf est dépassé car le Caf est en tout début de dualité.


3. Yiska et Saraï dans le Texte :
Le nom de Yiska (fin du verset Genèse 11-29) et le nom de Saraï (tout début du verset Genèse 11-30) sont, dans le texte hébreu, séparés par le mot :
ותהי
Vav, Tav, Hé, Yod.
יסכה ; ותהי שׂרי

C'est le verbe être de la phrase : « … père de Milka et de Yiska. // Saraï était stérile…» La proximité immédiate des deux noms Milka et Yiska renforce l'identité commune, mais également le verbe qui commence le verset. En français, le verbe était se trouve en deuxième position, mais en hébreu, il est en tout début. En apparence, le verbe ne concerne que Saraï du verset 11-30, mais il pourrait tout aussi bien toucher Yiska du verset 11-29 dès lors que l'on ne marque pas l'arrêt à la lecture. Cela écrirait alors Yiska était Saraï (était) stérile.
Saraï, on le sait, changera une nouvelle fois de nom, devenant Sarah, bénéficiant d'un Hé, en Genèse 17-15/16 : elle reçoit le au même titre qu'Abraham reçoit le sien (Genèse 17-5). Le qui la distingue lui est donné non en tant qu'épouse d'Abraham mais pour ses mérites propres et personnels et cela avant l'annonce de la naissance d'Isaac. L'octroi du , lettre construisant l'édifice de la structure en Droite et Gauche certifie le bon fonctionnement de l'énergie au sein de cette structure ayant intégré le système de la pensée divine. Ce Hé marque la plénitude acquise par Sarah qui opère, en elle, les liaisons interhémisphériques à la perfection, selon que le graphisme de la lettre l'indique. C'est tout un itinéraire de vie qui est parcouru depuis l'époque où elle était Yiska, fille de son père, devenant Saraï, épouse d'Abram, puis Sarah — enfin elle-même — par nomination attribuée par l'Eternel.

Avis aux experts pour de plus amples commentaires.

Supplément pour les psychanalystes…
A propos de la stérilité de Saraï. Toute la famille de Tharé quitte Our-Kasdim pour se rendre en Canaan, jusqu'à Harân pour s'y fixer (Genèse 11-31). Ils se rendent en un lieu qui porte justement le nom du défunt père de Saraï / Yiska. Tharé s'installe-t-il à Harân en souvenir de son fils du même nom, décédé ? Aussi longtemps qu'ils vivront dans ce lieu nommé Harân, Saraï (fille de Harân, le frère d'Abraham) restera stérile. Le lien au père défunt empêchait-il la fertilité de la jeune femme ? Tharé, le père d'Abraham décède à Harân et aussitôt commence la section Lek-Leka, avec les paroles célèbres qu'entendit le Patriarche « Eloigne-toi de ton pays, de ton lieu natal et de la maison paternelle, et va au pays que je t'indiquerai. » Il se rend en Egypte où il fait passer Saraï pour sa sœur. Mentir au pays du mensonge est peut-être de bonne politique pour survivre ?

Elle est ma sœur… Redoublement du mensonge répété.
On notera qu'Isaac, fils d'Abraham et Sarah, réitère le « mensonge » de son père et adopte la même technique de dissimulation. Il affirme, lui aussi, parlant de son épouse Rebecca, « elle est ma sœur ». Isaac reprend la ritournelle d'Abraham faisant passer son épouse pour sa sœur bien que dans son cas, le lien est beaucoup plus distendu car Rebecca, certes issue du clan abrahamique, est la petite-fille de Nacor et Milka. Le lien familial entre Isaac et Rebecca est déjà assez éloigné, Isaac étant en toute logique le neveu de Nacor et épouse la petite fille de ce dernier. Un sac de nœud familial ? C'est très simple : c'est comme si je disais « je me marie avec la petite-fille de mon oncle paternel ». Donc une sorte de cousine au second degré. La chose est plus courante qu'on ne le croit. Isaac la présente comme étant sa sœur, lors de son séjour à Gherar : « Elle est ma sœur, car il n'osait dire ma femme. Les gens du lieu pourraient me tuer à cause de Rebecca, car elle est d'une grande beauté. » Bis repetita, Isaac connaît la loi du Redoublement et l'applique. De même s'installe-t-il dans les mêmes lieux qu'Abraham (il met « les pas dans les pas ») et rouvre tous les puits que son père avait creusés et qui furent comblés. Il leur redonne les mêmes noms. En ce sens, Isaac ouvre la Connaissance une seconde fois, valide tout l'enseignement d'Abraham : creuser un puits, c'est forer dans l'esprit une voie de l'entendement pour renouveler et actualiser la Connaissance. Isaac réitère, redonne, confirme et insiste en Redoublement : en ce sens, il est légitimé quand il élargit le cercle et affirme que Rebecca est pleinement sa sœur.

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6 commentaires:

Paul a dit…

Bon sang mais c'est bien sûr!
Me dis je entre deux bouffées de bouffarde.
Paul

Anonyme a dit…

Peut-être est-il intéressant de noter que la différence numérique entre Saraï et Yiska est de 415 qui nous donne Tav Yod He qui veut dire “Tu seras”. Ces même lettres se retrouvent dans le mot qui sépare Saraï de Yiska, ou le Vav leur est ajouté.
Il est facile de lire alors Yiska, lorsque l’énergie aura atteint la complétude du Vav, tu seras Saraï.

Paul.G a dit…

Bonjour,

Merci pour ce long développement.
Des questions restent cependant toujours posées pour moi.
Yiska est le seul nom écrit une seule fois dans la Tora indiquez vous dans l'énoncé de l'énigme, ce ne peut être anodin.
Quid du redoublement en ce cas?
La situation "topographique" de ce nom dans le texte le ponctue nettement.
Point final et point de départ dans le même temps, basculement de la "saga" Nohanique à celle d'Abram.
S'il n'y a pas de redoublement de Yiska dans le rouleau de la tora, où peut il bien avoir lieu?
Cordialement
Paul


François-Marie Michaut a dit…

- Le changement de nom n'a rien d'exceptionnel.En France, une femme mariée n'est plus nommée que par le patronyme marital. Survivance peu défendable. A la fin des cérémonies d'initiation amérindiennes, le nom définitif à forte teneur symbolique est attribué. Les religieuses perdent leur patronyme au moment de leurs voeux. Les enfants abandonnés étaient par les clercs désignés par un prénom de saint (Jean, Pierre, Paul etc...) complétant le prénom de baptême enregistré par l'Eglise. Sans oublier les surnoms si répandus dès l'enfance jadis.

- La fertilité d'un couple est évaluée à 10% de la population. Elle peut être le fait de la femme comme de l'homme. Elle a quelque chose à voir avec le cerveau ( le diencéphale ) qui est la tour de contrôle de tout le système hormonal.
Quand les médecins ne savent pas expliquer organiquement ce qu'ils constatent ( la non grossesse ici mais presque toutes les maladies) ils invoquent des "raisons psychologiques" improuvables. A défaut d'origine consciente, on botte en touche en évoquant des facteurs inconscients à la manière des psychanalystes. Dit sans détour : nous ne savons pas.

On a beaucoup parlé de la stérilité de Sarah. Abraham avait-il de son côté une spermatogénèse impeccable, des oreillons tardifs et pfttt, c'est fichu ?
Agar aurait-elle eu une autre fréquentation pour pondre Ismael ? Et Sarah, physiologiquement titillée par la ménopause, aurait-elle pu faire, en toute discrétion, une rencontre d'un autre type se révélant fécondante ?
Pardon pour ces propos iconoclastes à ceux que ça peut choquer, mon objectif n'est pas là.

François-Marie Michaut a dit…

Correction :
J'ai parlé de fertilité des couples de 10%. Je voulais parler de stérilité. Une fois sur dix, c'est déjà beaucoup.
Au passage les mêmes 10% chiffrent la survenue des interruptions précoces spontanées de grossesse.
10 = Yod, et 100 = Qof. Ca monte pas en Caf (la main-ouverte) puis vers la suite.
Ma source : "Présentation schématique des archétypes etc" de DA, cité sur ce blog dans l'article précédent par Charles.

Anonyme a dit…

415 est aussi connecté au nombre Pi. Nombre qui transforme une ligne droite en un cercle qui est le symbole de l’anneau de la cérémonie de mariage.