L'univers est féminin
Dans son immensité infinie en expansion, l'univers est d'essence féminine : il est le Qui Fait, produit d'un Qui Sait invisible et inaccessible qui se situe hors de toute matérialité. Un Qui Sait qui n'est pas « antimatière » — ce serait faire de la matière la référence dénommant tout ce qui n'est pas elle. Le Qui Sait est pure information, sans support. L'énergie, projetée depuis ce non-lieu, suscite aussitôt existence en un site dévolu et symétrique, selon un processus que Louriah appelle le Tz(i)m Tzoum. L'univers naît de ce processus. Cela a amené les kabbalistes à dire que l'univers est la part féminine de Dieu, qui a tiré de lui-même l'information expédiée donnant naissance à toute chose, selon l'équation de la formule dévoilée en Exode 3, 14, la fameuse parole « je suis qui je serai », dont le codage en hébreu retrace point par point le processus créatif. La formule, écrite dans ses lettres dont chacune explicite une étape de l'évolution, a fait l'objet d'un sondage que nous ne saurions reproduire ici, on le retrouvera, déployé, dans le livre L'Ordre cosmique.
אהיה אשר אהיה
Pour la Tradition, l'univers est féminin, étant le lieu créé où se déverse l'énergie suscitant existence. Par analogie, la femme est univers, lieu et puissance d'incarnation. Tuer la femme n'est, dès lors, rien moins que néantiser les forces mêmes de la vie.
Ils sont étranges, ces petits Césars (ou Jupiter)
… autoproclamés maîtres des femmes (des opprimés en général) qu'ils maltraitent et dont ils s'estiment les décideurs. Se croiraient-ils en analogie avec le Maître de l'Univers ? Si l'analogie se vérifiait, cela voudrait-il dire que le Dieu tout puissant serait à même de détruire sa propre création ? Il n'en est rien : Dieu n'exerce point un tel carnage, il est Dieu du Verbe, de la Parole, il est l'interlocuteur de sa Création. Le meurtre de la partenaire n'entre pas dans le projet divin ni dans sa méthode…
Le meurtre est prohibé — Tu ne tueras point. Injonction sinaïtique valant au présent et au futur, l'interdit du meurtre est écrite au futur indéterminé pour validité permanente. Sa transgression met le tueur en situation d'exclusion de l'humanité, ayant lui-même régressé dans l'antériorité. Le meurtre nie la Libération de la Sortie d'Egypte, il nie le commandement, et donc nie la parole divine. Le meurtre est l'expédiant du Négateur.
Négateur qui franchit le territoire de l'interdit, et qui dès lors se promulgue idole de sa propre autorité. Il nie la Parole, il nie l'Ecrit des paroles gravées. Les articles du contrat sont bafoués, pour lui, ils n'ont jamais existé, car seul prévaut son désir. Oserait-on le lui faire observer qu'il s'en indigne : Quel Autre ? Quel contrat ? Quel article ? L'écrit ne sert à rien, puisqu'il n'y a que moi, dans ma prise de pouvoir, et si cette condition ne vous convient pas, je fais tout exploser. Sous la menace, nous nous résignons alors sagement et demandons pardon d'avoir osé imaginé que nous avions droit à l'existence.
L'instauration idolâtrique, pour se survivre, ne peut que promulguer l'aliénation de l'Autre, sa disqualification comme sujet de droit. Dans le système de l'omnipotence que le tyran veut imposer, l'Autre — qu'il soit homme ou femme — se voit réduit au statut d'objet vivant, il ne s'appartient plus lui-même, mais se voit soumis au droit exclusif d'une sorte de propriétaire qui exerce sur lui son pouvoir… de jouissance et d'usage comme il le ferait d'un objet entrant dans son patrimoine. Privée du libre consentement, mineur ou incapable de fait, l'être est déclaré incapable de gérer sa vie : n'étant pas libre, dépossédé de droits, comment pourrait-il /elle subir quelque préjudice que ce soit… si elle est inexistante à elle-même ? Etrange législateur que ce super-dominant qui fonde son autorité sur l'admiration qu'il a de lui-même…
Le témoignage des téphilines
Les femmes ne peuvent-elles traverser le monde à leur manière ? Faut-il qu'elles soient la partie subrogée ou accompagnatrice de l'homme, ne peuvent-elles s'avancer sans être « la moitié de », selon l'expression consacrée ? Elles sont humaines autant, et n'ont à ce titre rien à démontrer.
La tradition hébraïque en apporte la preuve, où elles apparaissent dispensées de porter les téphilines (et non pas, comme on le croit souvent, interdites de s'en orner). Les téphilines symbolisent la descente et la distribution sur le corps de l'énergie, par la voie de l'Echange Latéral induit depuis la tête par le cubique, fixé sur le front contenant quatre compartiments (les quatre niveaux d'organisation du Pardès). Ils enroulent le bras gauche et signalent ainsi les cycles du « faire » devant se terminer au niveau des doigts marquant la terminaison nerveuse. Rappel de la loi du « Stop » intervenant sur la Gauche « Qui fait » enroulée par la droite « Qui Sait ». La description des téphilines et leur fonction symbolique est donnée dans le livre « La mission juive ». Les téphilines sont un rappel mnémonique, comme un nœud que l'on ferait dans un mouchoir pour se souvenir de quelque chose d'important, destiné au secteur viril de l'humanité. Rappeler afin que l'on s'en souvienne, car les hommes seraient donc susceptibles d'oublier ? Obligation rituelle pour les hommes de cette tradition de se nouer tous les jours les téphilines, si bien que l'oubli ne peut survenir sur un acte qui finit par devenir un automatisme de l'esprit. L'ordonnateur du rituel — Moïse en personne, sur injonction divine — a-t-il établi ce symbolisme afin de protéger la leçon sinaïtique de l'inadvertance ? Qu'est-il besoin de redire aux hommes ce qu'il serait inutile de rappeler aux femmes ? Les téphilines sont un rappel du processus créationnel, la descente de l'énergie, l'inversion et l'échange latéral. Privilège des femmes d'être connectées directement sur ce processus et de pouvoir le gérer, par délégation même des forces de vie. Une femme enceinte finit (normalement) par savoir qu'elle l'est sans qu'il soit nécessaire qu'un intermédiaire mémoriel le lui rappelle. Quant aux hommes… les femmes savent bien qu'ils ont la mémoire courte quant à leurs actes dont ils sont comme déconnectés quand il s'agit d'en assumer la responsabilité jusqu'au bout. Aller jusqu'au bout ne leur est peut-être pas réservé ?
il
est certain qu'après la copulation, la femme se retrouve rapidement
seule face aux conséquences de l'acte commis à deux, étant seule
porteuse de l'ovocite fécondé. Le mâle est détaché physiologiquement de la suite
évolutive conséquente au transfert du spermatozoïde. Le secteur « Qui
fait »… fait le nécessaire. Jalousie
masculine d'être moins bien pourvu face au réel ? Les hommes
seraient-ils plus démunis que les femmes, face au monde ? Réagissent-ils
à cette faiblesse par un surcroît de volonté compensatrice et
d'affirmation de puissance ? La psychanalyse y verrait-elle le complexe du tyran qui ne serait, somme
toute, qu'un amoindri en quête du surmoi jupitérien ?
Les téphilines inscrivent sur le corps masculin un acte culturel renouvelé de jour en jour, afin que se transmette la mémoire des concepts qui ont présidé à leur élaboration. Redire sans cesse l'obligation de l'Alliance, des principes de Liberté qu'elle pose, et du Code des archétypes sur quoi elle est fondée, en même temps que le Code Alphabétique. Les téphilines sont eux-mêmes une visualisation d'archétypes serrés sur le corps, destinés à être vus et sentis, mettant en valeur le Cerveau, les niveaux d'organisation, la descente d'énergie sur le corps (la descente séphirotique), la notion des cycles enserrant le réel, l'enroulement sur le bras gauche évoquant le réalisme de la projection énergétique venant de L'en Face, la ligature du doigt en terminaison cyclique sur un doigt de la main gauche dont la fibre nerveuse cependant appartient à la descente homolatérale de gauche rappelle la nécessité de contrôler le secteur Qui Fait. C'est la Droite qui enroule la Gauche, le Qui Sait qui maitrise le Qui Fait et non le contraire. Grande leçon que savoir lequel des deux secteurs dirige la marche de la civilisation. Il est clair qu'en ce moment, par la domination des technosciences et leur emprise sur toutes les décisions, c'est le Qui Fait qui a pris les rênes. Le Qui sait est écrasé, nié. C'est pour prévenir cette amnésie (l'homme sans mémoire) que fut mis au point ce rituel spécifique contraignant la gente virile.
Le patriarcat en cause
Ayant pris connaissance de mon texte sur les féminicides, dans un échange amical, la professeure Manon Garcia, Université de Harvard, m'a écrit pour me rappeler que « des gens sérieux écrivent sur ce sujet depuis environ quatre décennies », dont elle-même. Aussi, m'explique-t-elle, qu'avant d'avancer ce qu'elle appelle plaisamment mes « lumières », j'aurais été bien inspiré de m'instruire de ces écrits. C'était me renvoyer aimablement sur les bancs de son école, avec prière de prendre des notes, ce que je fais volontiers d'autant que sa thèse m'a intéressé. Elle est subtile et je la cite volontiers.
Son livre dont elle m'indique le titre en Anglais ne manque pas de conviction. Elle est convaincue que la soumission des femmes est la conséquence directe de la civilisation patriarcale. L'autorité virile construite en système recouvre alors l'être féminin au point d'en obtenir l'assentiment de son esclavage au service de l'homme surdimensionné en Père-Patriarche tout puissant, quasi divinité exigeant la prosternation féminine. Tout le système des hiérarchies conscientes ou non serait édifié sur cette donnée imposée… Par qui ? L'inventeur du Patriarcat serait-il un homme ? Dieu lui-même se serait délégué sur les hommes en leur conférant son autorité ? Dieu étant lui-même… un homme ? Autant de questions passionnantes… que la science ne résout pas.
Est-il possible de réfléchir autrement à ces questions qu'avec la méthodologie « pure » des sciences ? En effet, compte tenu de l'extension du phénomène des féminicides, de la cruauté et de la violence que subissent les victimes, il me semble que toute réflexion positive — et la mienne l'est assurément — mérite d'être considérée. La délivrance des victimes nous concerne tous, et si le moindre péquin ou extraterrestre pouvait apporter une solution heureuse, je la considérerais avec attention. Car sait-on jamais : j'ai observé bien souvent que la vie nous mettait en relation avec des personnes a priori fort éloignées de nos préoccupations mais dont l'avis inattendu, parfois surprenant ou « hors de clous » apportait une nouveauté propre à éclaircir la question que nous n'arrivions pas à résoudre. Aucune recherche n'est à écarter, d'autant qu'il existe des travaux exemplaires qui non seulement permettent de réfléchir sereinement à la question des féminicides, mais qui ont exploré, depuis 3000 ans, la réalité des relations homme/femme sous le regard inspiré de la tradition fondatrice de l'abrogation de l'esclavage. Le Zohar est à ce titre une référence incontournable dont tout chercheur prendra connaissance, en ce qu'il a travaillé puissamment sur la différenciation des genres, bien avant que la sociologie ne découvre — miracle des sciences ! — que les hommes ne pensaient pas comme les femmes et inversement.
Je ne crois pas que le patriarcat soit fondateur de l'oppression des femmes. Le système patriarcal pose l'autorité des pères, mais n'amenuise pas celui des mères, ni celui des femmes en général. La tradition abrahamique dont nous savons combien elle a fondé de rites et de cultures, n'affirme en rien la soumission féminine et m'amoindrit pas les femmes. Remontant plus loin — irons-nous jusqu'à Adam et Eve ? — on ne voit nullement Adam écraser Hava d'un quelconque machisme. Elle fait ce qu'elle veut, et même uniquement ce qu'elle veut — ce qui ne manque pas de poser quelques problèmes. Elle exprime les forces du « Qui fait » dont la vocation est… de faire et pour qui la notion de l'arrêt (Tzadé final) n'existe pas. Si elle ne l'a pas observé, cet arrêt, c'est qu'Adam ne lui a pas assez expliqué. Il dormait, le brave homme, tandis que le Serpent la manipulait. Hava, dès lors, s'écrit sans Yod et qu'elle n'est pas considérée comme la fondatrice d'une humanité révélée à elle-même. Elle est la mère biologique d'une humanité devant (encore) s'instruire de la loi qu'elle-même a ignorée. Cette
loi ne s'est jamais perdue, n'en déplaise aux adeptes du « paradigme perdu ». Elle s'est transmise, redonnée à Seth le
troisième fils d'Adam, puis confiée à la lignée menant à Abraham,
prolongée par Isaac et Jacob… et se poursuivant de nos jours.
Dans
la narration biblique, le patriarcat ne semble apparaître que tardivement
comme institution sociale, avec la généalogie aboutissant à Abraham où
les successions indiquent la transmission de la lignée paternelle. Le Patriarche ne semble pas exiger la soumission de sa jeune épouse. Est-il nécessaire de rappeler que Sarah était en fait sa nièce, fille du frère d'Abraham ? Le mariage interclanique n'avait rien d'exceptionnel et cette modalité se retrouve entre Isaac et Rebecca, entre Esaü et Mahalat (fille d'Ismaël), entre Jacob et ses cousines Léa et Rachel. Il n'apparaît, dans aucune de ces unions, que le patriarcat ait été l'instrument de la soumission des femmes.
Saraï devient Sarah, non par réverbération ou décalque de l'autorité d'Abram, elle gagne le Hé de son nom par ses propres qualités, en égalité avec son époux quand il devient, lui aussi, dépositaire de cette lettre en s'appelant Abraham. C'est elle qui préserve l'unité clanique, quand elle exige que Agar, la servante, soit écartée. C'est elle qui exige le bannissement d'Ismaël, ce à quoi Abraham se résout. Qui peut croire que Sarah ait jamais été une soumise ?
Isaac épouse Rebecca. C'est elle qui organise, à l'insu (réel ou feint) de son mari, la substitution de la bénédiction au bénéfice de Jacob alors qu'elle devait revenir, selon la loi patriarcale favorisant l'aîné, à Esaü. Elle bouleverse et transgresse la Loi patriarcale en modifiant la lignée héréditaire de la bénédiction. C'est elle qui fait partir Jacob afin qu'il rejoigne son oncle, Laban (frère de Rebecca) et y trouve femme. Isaac, aveugle, est appelé, lui aussi, Patriarche. On ne le voit pas contraindre son épouse tant elle décide, organise, prend en main la destinée non seulement du clan mais de la descendance…
Enfin, qui peut croire que Jacob — troisième Patriarche de la tradition — ait soumis les femmes qu'il épousa ? Il en eut plusieurs, Léa, Rachel et leurs servantes respectives, Zilpa et Bilha. On ne le voit jamais exercer de coercition sur aucune d'elles, même après son dépit d'avoir dû épouser Léa alors qu'il espérait Rachel. Son clan, quatre épouses, douze fils et une fille, n'est en rien un groupe soumis à quelque violence de sa part. L'amour qu'il a pour Rachel est absolu, soutenu par un respect profond, non moins partagé pour ses autres épouses. De ce petit clan naîtront les douze tribus d'Israël, sans que les Patriarches aient instauré un système opprimant les femmes.
On notera que dans la tradition hébraïque où le patriarcat est solidement établi, la transmission de l'identité, de l'appartenance au clan, à la tribu, à la communauté, se réalise par les femmes. On est juif par la mère. (Mais il existe certes d'autres voies d'accession à la tribu de Jacob, et l'engagement personnel au service de l'Esprit n'en est pas la moindre.) En tout état de cause, tout juif naît libre, homme ou femme, et ne peut être soumis à quiconque en vertu même de la sortie d'Egypte, ordonnée par le Dieu libérateur. Et comme « nous étions tous au Sinaï », les générations présentes et futures, cette liberté inaliénable s'étend à l'universalité… à tous les peuples, toutes le cultures.
La suite dans un prochain blog
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Féminicide, lecture initiatique 2/4