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jeudi 16 septembre 2021

Conseil à un jeune ami qui en a assez de subir des contrôles de police…

Par Dominique Blumenstihl-Roth

Un de mes jeunes amis, métis, me racontait que dans la même matinée il avait été contrôlé à trois reprises par trois patrouilles de police différentes à Paris. Je n'avais aucune raison de ne pas le croire.
Il ne s'en indignait pas, mais ne comprenait pas pourquoi les forces de l'ordre jetaient sur lui leur dévolu. Il n'y a eu aucun problème particulier, dit-il, ils étaient très aimables, juste une vérification d'identité, tout s'est bien passé, mais trois fois, cela marque une situation. Les trois patrouilles s'étaient-elle passé le mot ? Qu'est-ce qui motivait le fait qu'il fut, ce matin-là, ciblé ?

Je lui ai expliqué que les policiers ne s'étaient pas téléphoné pour se communiquer son signalement. Mais qu'il répondait sans doute physiquement à une sorte de « typologie » tombant dans la nasse préconçue d'un filtrage réellement ou subliminalement enseigné dans les écoles de police. Pour éviter ce désagrément, lui-dis-je, — appelons cela clairement : le contrôle au faciès — il fallait, soit que la police modifie ses critères, soit que lui-même s'arrange pour ne plus entrer dans les catégories pré-établies déclenchant la suspicion. Une réforme de l'état d'esprit des forces de l'ordre est de toute évidence nécessaire. Elles sont appelées à n'être pas les adversaires des citoyens mais leurs bienveillants protecteurs. A n'être pas les bataillons de l'Etat autoritaire mais les anges gardiens de la population. Réforme qui prendra son temps et qui demandera une refonte totale de la pensée de ses chefs. Mais en attendant, et dans l'immédiat, dis-je à mon ami, tu peux agir sur toi-même.

S'éclaircir la peau ? 
Cela ne semblait pas une alternative acceptable. Il ne voulait pas devenir comme Christmas, le héros « nègre blanc » du roman Lumière d'Août de William Faulkner. Cependant un petit travail pouvait se réaliser qui modifie son rapport au monde face à l'autorité.
En effet, lui dis-je, les policiers possèdent une grille de lecture, soit enseignée dans les écoles de formation, soit conçue dans leur propre psyché ou imaginaire, composée de multiples entrées. Des « cases » qui se cochent successivement — subliminalement — dans l'esprit des fonctionnaires avant que le contrôle ne s'exerce. C'est une sorte de « conjonction » d'indices, un « faisceau de soupçons » qui détermine le regard du policier à effectuer son contrôle, motivé par la potentialité virtuelle de ta possible et pré-supposée délinquance pré-établie. Et c'est toi-même qui devras prouver, lors du contrôle, que tu n'es pas ce que l'on croit que tu es.

J'ai conseillé à mon jeune ami… de changer de look.
— Eh oui, je sais, tu as la liberté de te fringuer comme tu veux, nous sommes en République, c'est ton droit absolu d'être en jogging noir à capuche, mais vois l'effet : on te juge. Le regard des représentants de l'ordre t'inscrit aussitôt dans une catégorie socio-suspecte appelant à la vérification. Tu es suspect d'office. De plus, tu marches la tête légèrement voûtée : ils croient que tu mijotes quelque chose. Alors : laisse tomber ces frusques difformes. C'est un code vestimentaire des jeunes en vigueur dans ton quartier ? Tu n'as pas à te conformer à ce code. Tu dois marquer ta vraie personnalité. Quitte le poulailler de cette convention de quartier, et adopte le « costard trois pièces » et surtout la cravate, uniforme de la convention bourgeoise au pouvoir. Tu verras aussitôt le changement : plus jamais tu ne seras contrôlé. Achète-toi une belle paire de chaussures laquées : soigner sa tenue est le premier remède pour échapper à la suspicion systématique. Soigner son « tonal », disait le sorcier Amérindien Don Juan Matus à son disciple, l'ethnologue Carlos Castaneda…

Ensuite, une fois bien fringué, fais-toi une démarche ayant de l'allure. De la fierté, que diable, et cesse de te sentir toi-même susceptible de faire l'objet de contrôle : dis-toi, en toi-même : « moi, on ne me contrôle pas. Je suis un homme libre, fier de l'être, et les policiers ne sont pas là pour m'ennuyer. Ils sont là, pour me protéger. » La pensée générée agit sur toute chose : ta propre pensée affecte l'autre. Dès lors pense les policiers en des termes affables. Habillé avec classe, pense avec classe. Et tu verras bientôt les policiers te considérer… autrement.

Mon ami ne voulant pas me croire, je poursuivis ma démonstration.
— Quand tu sors dans la rue, récite-toi un poème d'Aimé Césaire ou de Léopold Senghor. Et pourquoi pas, sous le bras, un de leurs livres. Ou alors, pourquoi pas : les Mémoires du Général De Gaulle ? De la classe, que diable ! Montre ta classe, aussi bien dans l'apparence que dans ta pensée. Croise les policiers tranquillement, sûr de toi, mais sans fatuité, léger, affable. Une tranquille assurance de l'homme fidèle à sa vocation d'être, impeccable. Formule en ton esprit une pensée élégante, considère-toi comme un haut diplomate en fonction, représentant de ta propre dignité d'homme. Une démarche dégagée, une pensée libre, sans affectation : tu ne crains rien, étant fortifié en toi-même de ta conviction d'être homme. Es-tu noir ou métis ou blanc ? Penses-toi d'abord comme homme, égal à tout autre. Car c'est dans ton doute que viendra se loger la suspicion. Ta propre autorité d'homme libre intérieurement résolue n'aura pas à affronter celle des forces de l'ordre, elle évitera l'affrontement en ce que ta certitude intérieure agira comme une immunité.

Belles paroles, me dit mon ami.
— Et que dois-je faire si un policier me demande les papiers ?
— Ne le prends pas comme une agression. Réponds-lui en des termes courtois et positifs. Apprends quelques répliques qui te placeront au-delà de tout malentendu : — Bien sûr monsieur le policier. Aucun problème. Je vais sortir mes papiers. Aies recours à la parole, instaure le dialogue, dis au policier ce que tu fais — je sors mes papiers, je vous montre mes papiers — présentées dans un portefeuille soigné. Demande-lui : vous cherchez quelqu'un ? Il se passe quelque chose de spécial ? Oui, la parole est importante, toujours aimable et respectueuse, car la parole est reconnaissance de l'autre, elle est échange : elle transforme la relation. Dis au policier : « vous savez, je respecte les lois de la République et je respecte les policiers… » A cette seule phrase tu verras le regard du gendarme changer. Ta phrase agit dans l'esprit de l'homme en uniforme : il ne peut que te respecter, parce que tu as parlé en homme.

— Et qu'est-ce que je fais si d'emblée il me saute dessus et me massacre ?
— Bigre ! Tu penses les choses dans l'extrémité de ce qui ne t'arrivera jamais. Cesse de penser au malheur absolu, et dis-toi que tel n'est pas ton sort. Mais prépare-toi à changer le monde, à le rebâtir. Après la mésaventure de Michel Zecler il n'y aura pas d'autre nouvelle victime d'exactions de ces prétendus policiers. C'est terminé. « Pas avec moi » : c'est cela que tu dois te dire. Plus jamais, avec personne. Désormais, parce que tout le monde l'a vu, le temps a changé. Les temps nouveaux ont commencé. Ici, tout de suite, avec toi.

Que faire ?
Le recours la violence est exil de la parole. Un déficit du langage.
Le policier, de son côté, a lui aussi vu les images. Lui aussi peut changer. C'est son affaire. Ce qui te concerne, c'est comment toi tu agis et penses. Tu peux en tout lieu instaurer l'usage d'une parole dialogale et transformer toute tension en rencontre. Laisse voir ton être. Pense, en toi-même, le policier en des termes positifs. S'il a des préjugés, toi aussi, tu en as : si tu es sorti sans mettre ton masque, reconnais-le tout de suite. Si tu es en infraction, ne chipote pas, accepte-le. Pas de réplique déplacée. Mesure chaque mot. Si le policier vient vers toi, n'adopte pas la fuite. Reste calme, bien campé sur tes jambes dans une posture stable mais sans défi et sache sourire. N'aies pas peur, car ta peur peut a contrario déclencher ta réaction de fuite, ou renforcer la volonté de pouvoir de l'autorité. Quand le policier s'approche ou t'interpelle, pense que ce n'est pas un ennemi qui t'en veut, mais quelqu'un qui est là pour t'aider. Ne te positionne pas en délinquant potentiel qui se défendrait : ne dis jamais « je n'ai rien fait », c'est justement ce que disent tous les coupables. Demande plutôt : « j'ai fait quelque chose de mal ? » Ta question appelant une réponse, ce sera autant de tension en moins. Pose des questions, instaure le dialogue, la dialectique du Verbe.

Un exemple biblique (tu en feras ce que tu voudras).
Dieu a décidé d'anéantir Sodome et Amorah. Abraham entend le décret divin mais aussitôt entame le débat par une question. 
« Anéantirais-tu le juste avec le méchant dans ta colère ? » demande Abraham. Il soulève un point crucial : Comment, le Créateur lui-même ne distinguerait plus le bien du mal et anéantirait toute une ville ? (Genèse XVIII-5). Suit une négociation en des termes pesés, respectueux, selon un protocole initiatique précis en 6 étapes. Abraham est l'inventeur du dialogue, et face à l'autorité absolue de Dieu, en toute élégance d'âme, il invoque l'éthique face à la décision divine. « Un décret divin est toujours susceptible d'être révoqué pour autant que les hommes se repentent », écrit le rabbin Elie Munk dans son étude sur Genèse p. 193.  Il est donc toujours possible d'interjeter appel, mais dans les formes requises de la courtoisie et du code des archétypes. « La longanimité est un principe divin que l'homme peut invoquer, convoquer. Pour cela, il doit l'appeler. »
Un policier m'interpelle. Ai-je ou non commis un mal ? Je me dis : « maintenant les choses sont entre les mains, non du policier, mais de Dieu. Qu'il m'inspire les paroles, l'attitude, la correction nécessaires… »

Pense au malheureux Michel Zecler. 
La dialectique de la matraque s'est abattue sur lui, administrée par des néo-nazis. Il en a coûté à cet homme d'encaisser les exactions des Kapos — et j'emploie à dessein ce mot. Violence érigée en lieu et place de la Parole, la matraque était surnommée « Dolmetscher » — appellation cynique du « traducteur » — dans l'univers d'Auschwitz. Nulle parole, mais uniquement les coups en vue d'anéantir l'être. Puis faire disparaître la victime et l'acte, sous de fausses déclarations et des alibis spécieux.
L'infiltration extrémiste au sein de la police est évidente. Je suis persuadé qu'une remise en ordre de l'Institution va se réaliser, et les vrais policiers, honnêtes, scrupuleux, regagneront la confiance du peuple.
— La police va changer, repris-je. Mais toi aussi. Montre ta qualité d'homme de Parole. Ne fuis pas devant le policier, mais trouve des mots qui rendent impossible le dérapage.
— Vos papiers !
— Aucun problème. Ils sont dans la poche intérieure de ma veste. J'ouvre ma veste. Je sors mes papiers. Les voici.
— Que fais-tu là ?
— Je réfléchis à ma vie… à mon avenir… Je cherche la vérité du monde…
— Tu es un dealer !
— Oui, je vends des livres et je fais connaître les critères de la Connaissance.
— Tu portes sur toi des armes !
— Oui, les armes du cœur et je les partage.

Pense-toi en homme de dignité, habité par la morale de ta propre responsabilité et l'éthique d'être en toute droiture. Peut-être les policiers, intrigués, voudront savoir qui tu es ? Ne les déçois pas. Dis-leur la fierté de ton être, dis-leur ton projet, dis-leur la vérité. Si tu caches sur toi du canabis, laisse tomber, dis-leur tout de suite ce qu'il en est, en toute tranquillité… et met fin à la fumette. Je te conseille plutôt d'avoir sur toi un livre… pourquoi pas Lao Tseu, Sri Aurobindo ? ou Rebâtir le monde, de Dominique Aubier…
Tu pourras conseiller au gendarme qui te contrôle de le lire… Et tu seras peut-être étonné de voir qu'il s'y intéressera…

5 commentaires:

Rose a dit…

J'ai l'impression d'être prise dans un déroulé narratif exclusivement au service de la commercialisation d'un groupe d'idées .
Je trouve cette méthode d'auto fiction très osée et en porte à faux avec une vraie situation sociétale .
Le joint et le Tao (avec une cravate svp !)fallait y penser comme opposition constructive .
Dominique a vraiment des amis à capuches très serviables.
Tout çà me semble malhonnête et je ne puis valider plus ces méthodes .

Domino a dit…

Auto-fiction… Je ne connaissais pas ce terme. Le récit est vrai et la discussion authentique. Je n'ai donc pas à la justifier.

François-Marie Michaut a dit…

Oui,comme Rose, vraiment énorme, énorme malaise devant cet article.
Encore aggravé par le : "je n'ai donc pas à la justifier" coupant séchement à tout échange.
DA n'a jamais cessé de justifier dans tous ses travaux ses propos. Dans son ancien site, elle refusait de donner des conseils ou consultations personnels, y compris à titre gratuit.
Elle ne voulait surtout pas être gourou de qui que ce soit pour quelque sujet que ce soit. Pas mail,je l'avais chinée jadis avec ses tenues de madame Irma sur les films. Elle avait pris cela avec humour.
DBR dans cet article, aussi vécue soit l'histoire, a joué avec le feu.
Le blog qu'il conduit lui-même depuis des années est, à mes yeux, ici mis en grave péril.
D'autres avis dans la salle ?

PS : cerise sur le gâteau, je crains bien que le policier contrôleur puisse comprendre la réaction dictée au gamin donneur de leçon autrement qu'une insulte à agent de la force publique dûment punie par la loi.

FF a dit…

Je bien apprécié les propos de DBR , qui correspondent parfaitement à ma façon de penser et suis étonné en revanche par les commentaires de Rose et FMM.

Anonyme a dit…

Le plus difficile à intégrer pour une grande majorité, c'est que nous attirons les situations que nous vivons. Se positionner en victime est plus facile que d'être responsable de notre manière de penser et d'agir. Être responsable, c'est être capable d'apporter une réponse appropriée. Responsable : respons, du latin responsum (réponse), et suffixe able, du latin abilis qui signifie capable de.