par Dominique Blumenstihl-Roth
La
structure d'Absolu présente deux hémisphères. Le néocortex humain en donne l'image. L'un de ces hémisphères possède l'aire du langage. Il dit, tandis que l'autre… traduit, tendant à inverser, en raison de leur disposition en miroir. L'un donne et l'autre prend. Celui qui donne, donne
toujours. Celui qui prend, prend toujours et ne peut que prendre. Le
geste de prendre suppose un vide. Il est comblé momentanément par la
chose prise. Mais celle-ci s'en va aussitôt qu'utilisée. Le vide se
creuse à nouveau, se comble provisoirement, dans une incessante
captation de la vacuité faisant le plein. C'est le temps vide qui se
nourrit des événements remplissant une vie. L'informant donne, le vide
appelant est comblé… provisoirement. Loi de l'amour donné qui sans cesse
donne, et de l'amour reçu qui sans cesse augmente son appel…
C'est
aussi la loi du possible excès de l'insatiable qui, parvenu à son
paroxysme, retourne sa dépendance en haine à l'égard du donateur : pour
s'affranchir du lien, il cherche à éliminer celui qui lui prodigue la
nourriture informationnelle afin de pouvoir se prétendre seul.
La négation exercée à l'encontre du donateur est à la source de l'antisémitisme, expression d'une inversion consolidée en haine.
L'inversion est une réalité fonctionnelle
L'apparition de l'interprétat négatif, surtout quand il prend une forme obsédante, signale la présence de la « régularité fonctionnelle ». C'est par le terme « archétype » que le psychanalyste Jung a nommé ces « régularités » dont il a pressenti la tension sur les événements, mais en tout respect de son œuvre immense, il convient de reconnaître qu'il n'en a pas dressé la liste, et n'a donc pas pu les inscrire dans un principe d'unité qui est à lui-même un archétype. Il ne les a pas raccordé à la cohérence d'une structure qui en serait le réceptacle conditionnant. Mais qu'irions-nous adresser des reproches au savant ? Je crois qu'il a poussé son enquête aussi loin qu'il a pu, laissant le champ ouvert à d'autres investigations devant résoudre l'énigme du Modèle d'Absolu qu'il avait sans doute pressenti. Grâce aux travaux de Dominique Aubier, le Code des archétypes a pu être identifié, il a été publié sous le titre La Face cachée du Cerveau. Cet ouvrage situe le code archétypal dans une unité fonctionnelle d'essence corticale, animée par une énergie activant un système soumis à la structure récipiendaire. Il en résulte la mise au clair de la trame des lois universelles que des chercheurs brillants tels René Guénon ou Mircéa Eliade avaient soupçonnées — sans parvenir à les percer.
L'interprétat négatif source de conflit
L'un des archétypes — nommés également arcanes, unité de signification — est l'Inversion. Présente dans le fonctionnement mais non visible au microscope, elle est un effet de la dualité des hémisphères en miroir. Observable dans les faits, elle ne l'est pas dans la structure dont elle subit le conditionnement. Mais chacun peut la constater, en soi et autour de soi. « On reconnaît sa présence dans l'interprétat négatif qui lui accordent les faits qui l'extériorisent ». Description : « Ce qui était à l'endroit informationnel une donnée positive devient, côté manifestant, une précision négative ». Car s'opposer à une sommation, c'est aussi une manière de la percevoir…
Dans toute unité corticale, l'énergie circule de Droite à Gauche, et retour, allant de l'hémisphère Qui Sait vers l'hémisphère Qui Fait (dénomination du neurologue Deglin) avec changement de régime et inversion à la frontière, ce qui donne prise à l'archétype de l'Echange Latéral. Cela est valable pour toute unité vivante, dans toute structure unitaire où il se développe toujours une dualité — y compris dans les régimes les plus totalitaires qui deviennent totalitaires précisément parce qu'ils s'acharnent à ne pas accepter l'existence de l'Autre, partenaire en symétrie. Le totalitarisme est donc une négation de la réalité structurelle édifiée en dualité, négation de l'Echange Latéral, et cristallisation dans l'Inversion négatrice d'un message perçu à l'envers.
Les experts en sciences politiques nous abreuvant de commentaires envisagent-ils cette dimension dans la lecture qu'ils font des événements ? Leur approche est essentiellement fondée en pragmatisme linéaire, où ils convoquent toutes sortes de sciences (histoire, géographie, économie etc…) à l'exclusion de la lecture archétypale d'essence initiatique qui pourtant détient la clé pour décoder le réel.
Nous pourrions faire une lecture succincte de la guerre en Ukraine sous l'aspect de cet archétype de l'Inversion. Au delà des motivations de surface dites géostratégiques, on aperçoit nettement dans les discours de M. Poutine la tendance systématique qui le fait accuser les autres de ce que lui-même a fait ou prépare. Au lieu de concevoir une relation positive de paix et de développement harmonieux en cherchant à favoriser le dialogue, il est sous la pression d'un Qui fait excessif qui se nourrit d'une propension à l'inversion (qu'il ne redresse pas). Aussi développe-t-il tout à l'envers ce que l'Invisible lui dicte positivement. Il extériorise, métabolise à l'envers ce que la Vie attend de lui.
D'où le bombardement par son aviation d'un hôpital pour enfants et d'une maternité : tout s'inverse et au lieu de favoriser la naissance d'un cycle heureux, les faits se rangent à cette inversion et donnent à voir son erreur fonda-mentale : celle d'un homme dont la vocation aurait été d'œuvrer pour la paix se retourner en son contraire, tant il a obturé les voies de l'échange finissant par n'entendre que l'inverseur en lui. « Là où était la négation, là était la vérité ». Là où le missile est tombé, dans la cour de l'hôpital tuant un enfant, là était la vérité à sauver.
Comment y remédier ?
Que faire quand on se trouve face à une personne, ou un groupe, où visiblement la puissance de l'Inversion dirige la pensée et les actes ? Peut-être en éclairant (si son esprit est encore accessible à la parole) la personne de ce qu'elle subit en charge négative inversante ? Cela risque d'augmenter la charge inversante que de la pointer, mais cela peut également susciter une prise de conscience que dire à l'Inverseur : « voilà ce que tu fais ». Il est bon d'avertir une personne de son erreur quand on s'en aperçoit, c'est même un conseil — une prescription — donné dans la Torah au verset d'Ezéchiel 3-18 à 21.
La France est-elle victime de l'Inversion ?
Plus près de nous, nous pourrions prendre l'exemple de la France. Tzarfat en hébreu. C'est bien dans la Torah qu'apparaît sa première occurrence, longtemps avant que le pays portant ce nom n'apparaisse. Il est mentionné dans la prophétie Obadia, au côté de Séfarad qui désigne l'Espagne. Obadia, verset 20 : « Et les exilés de cette légion d'enfants d'Israël, répandus depuis Canaan jusqu'à Tzarfat, et les exilés de Jérusalem, répandus dans Séfarad, posséderont les villes du Midi. »
Le verset en cause désigne l'Espagne et la France comme vecteurs par lesquels transite le message du Sinaï transporté par le peuple qui les parcourt et les habite. Noble mission que celle de ces deux pays, liés par une vocation sinaïtique à vision universalisante, s'agissant de véhiculer la leçon des Lettres révélées dans le monde. Pour affiner le sens de cette vocation, il suffit de sonder le nom Tzarfat dans ses caractères hébreux, que le prophète Obadia a conceptualisé précisément pour que s'y écrive ce que les gaullistes appelle « le grand dessein de la France » — sans pour autant savoir de quoi il serait fait. La France répondra-t-elle à cet appel de l'esprit ou se contentera-t-elle, par inversion, de n'être qu'une banale nation industrielle enfoncée dans le Qui Fait ?
Nous pouvons changer les choses…
en prenant conscience
de ces phénomènes structuraux, en voyant le mécanisme structurel qui
manœuvre les choses qui nous regardent. Et si possible le plus
rapidement possible. En cherchant à identifier le contenu de l'Appel qui
nous concerne — et qui concerne toutes les formes de structures
vivantes, y compris les projets, les entreprises, la vocation d'un pays.
Donc à retrouver — remontant avant l'inversion — la première phase
d'évidence où les mots qui motivent l'apparition de l'être ont été dits.
Trouver la première occurrence d'un mot… Là s'écrit l'intention du
devenir qui ne manque pas de se développer.
A chacun de découvrir son Appel, à chacun de maîtriser l'Inversion qui immanquablement se manifeste, à chacun de ne pas se laisser engloutir par cette propension inversante que Goethe appelait « l'esprit qui toujours nie ». Sa pression est puissante tandis que la même négation suscite l'isolement dans le secteur du Qui Fait. Elle s'accentue à mesure que le
rapport au Sacré s'affaiblit et que la conscience s'assoupit. Mais cet esprit négateur, il est possible de le soumettre : par une restauration de notre alliance à l'Esprit.
Nous y travaillons… Avec vous.
2 commentaires:
Etonnante et intéressante analyse,
BP
Merci infiniment du partage.
Le drame de la chose politique (et parfois autre aussi) est probablement dans la rupture à la fois qualitative et quantitative entre, d'une part, ceux qui comprennent sans pouvoir agir factuellement ( l' l'honnête homme est de ceux là) et, d'autre part, ceux qui agissent sans comprendre.
D'un autre côté, encore plus tragique sans doute, la nécessité éthique universelle se trouve en deçà ou au-delà du hasard des phénomènes, y compris ceux d'ordre humain...Hélas.
Bien à vous…
Al.
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