Découvrir le principe d'unité
(par Dominique Aubier)Oh ! La science, s'exclame Arthur Rimbaud. La science est trop lente. Science et patience, le supplice est sûr. Et c'est vrai. A son régime, on souffrira longtemps avant de posséder le trésor de la vérité absolue. Avec elle, l'esprit doit subir l'incertitude non comme un tourment, mais comme un hallucinogène dont la mythridisation est encore le meilleur contrepoison. La clairvoyance de l'auteur des Illuminations est proche de la pensée initiatique qui procède, elle aussi, par illumination. Je suis sensible au fait que Rimbaud doute de la science, des années avant que se pose le problème de la juger. C'était en 1873. Einstein n'était pas encore né. Une superbe prémonition un demi siècle avant que la relativité et la théorie quantique n'impulsent la science.
A l'époque où le livre de Capra est paru (Le Tao de la Physique) la France, en particulier, demandait à cette liaison de la doter d'une trouvaille qui lui confère une motricité nouvelle. L'intuition au niveau de l'élite a été brassée par cette mouvance. Certains auteurs proclamaient la fin de l'ésotérisme. D'autres célébraient le retour au spirituel par des incursions exotiques. L'anthropologie, l'ethnologie se sont estimées les mieux placées pour atteindre le principe d'unité. Ce n'était pas pour elle le Secret des secrets, mais simplement une notion à établir. Notion à atteindre par des moyens scientifiques et dont on aurait accepté qu'elle se fasse découvrir par degrés, comme on attrape mieux un arc-en-ciel tandis qu'on se déplace. Non sans redouter de le voir trop bien. A voir ce principe d'unité, à le découvrir, qu'arriverait-il ? La recherche serait stoppée. Plus d'un savant a envisagé, non sans terreur, l'arrêt qui s'en suivrait pour sa discipline… et son gagne-pain. Cette réaction d'auto-protection a certainement conditionné l'état d'esprit rationaliste à l'égard du Sacré. Qu'il n'aille pas découvrir le pot aux roses alors que l'on avait tant de plaisir à lui secouer les épines.
De quoi vivrait la découverte s'il n'y avait plus de mystères à braver ? Aussi n'a-t-on pas longtemps défendu l'espoir probabiliste qui conseillait d'en quémander le secret auprès des entités qui affirment en avoir la maîtrise, quitte à l'emporter en oubliant d'où il venait. Quant à devoir plier le genou devant la Torah, l'hébreu et la sagacité traditionnelle des rabbins… Ce n'était pas acceptable pour l'égo rationaliste, même après la fêlure considérable que Freud et sa psychanalyse ont infligée au monolithisme des Sciences du XIXè siècle. A sa suite, le sillon a été recreusé par les travaux de Groddeck, de Jung en particulier qui a embrassé la connaissance traditionnelle. C'est lui qui a individualisé la notion d'archétypes et créé le mot — sans toutefois réussir à les identifier clairement. Puis est arrivé Lacan avec son sens aigu du verbe. Malgré ces divers rendez-vous officiellement pris avec l'esprit, la requête fondamentale n'a pas abouti. Le principe d'unité est demeuré un mystère… Du moins pour les sciences…
Ce texte est extrait du livre Ce Monde à rebâtir.
PS : à l'instant où je publie ce texte sur le Blog, le petit coq dans mon jardin se met à chanter. Béni soit l'Eternel qui a donné au coq l'intelligence pour distinguer le jour et la nuit. Il en sait plus long sur le principe d'unité que toutes les sciences car « il reçoit l'aube, qui sort de la nuit, quelques instants à l'avance, à l'approche de la lumière. Admirable symbole de l'intelligence, celle qui connaît le sens de l'Histoire avant l'événement et ne le devine pas simplement après coup… » (Emmanuel Lévinas).
— Vient de paraître : La Lecture des Symboles.
6 commentaires:
De l'aube au crépuscule le coq , qui n'est gaulois qu'en Tzarfat ,s'époumone de lumière . Qui chante donc le chant de la nuit ?
Pourtant ,le jour et la nuit furent distingués au même moment, par le même verbe .
Le livre du ça de Groddeck a infusé le travail de Freud .
CG Jung s'est attaqué à plus grand que lui et Lacan a savamment tourné sa langue dans un verbe qui ne l'a pas favorablement rendu audible .
Et pourtant, Freud, même s'il s'est trompé dans sa compréhension du cerveau humain, a fait un pas énorme.
Il a vu 2 modes de fonctionnement dit le conscient et l'inconscient. Ce mode double, qu'on ignorait alors,n'est pas en contradiction fondamentale avec une sorte de farce cachée du cerveau. Pas celle de DA, infiniment plus subtile que le moteur de tout supposé être la libido.
Freud nous a poussé à oser voir double, et peut-être Jung à avoir le culot d'oser voir trouble.
Je leur en suis bêtement reconnaissant et salue leur courage devant la forteresse du déterminisme matérialiste de leur siècle.
Pas évident de ramer à contrecourant, non ?
Mais alors FMM , vous dites une farce cachée du cerveau ?
Ah , parfois l'inconscient vise juste ?
Ce lapsus aurait ravi ( mais croyait il en quoi au juste ) J.Lacan .
Ah, j'ai bien rigolé de mon erreur de clavier au commentaire précédent.
Parler de farce cachée du cerveau alors que je ne faisais que parler de face cachée en référence à DA.
Un jeu de cache-cache, finalement c'est pas ce que nous faisons le plus souvent avec la bénédiction des sciences érigées en religion/philosophie ultime ?
PS : les lacaniens feraient des gorges chaudes de mon acte manqué, finalement pas si idiot que cela.
Pour redresser la barre, FMM et Rose, faut-il écrire en même temps : la face casher du cerveau ?
A anonyme :
Interrogez Qui Sait , vous aurez peut-être la chance d'une réponse .
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