Par Dominique Blumenstihl-Roth
Cela fait des semaines que je n'ai pas serré la main à quelqu'un, crainte du Covid oblige, la poignée a été remplacée par d'autres gestes.
Mais aujourd'hui, la chance m'a souri. Me promenant le long de la rivière qui traverse mon village j'ai croisé une jeune femme accompagnée de ses deux enfants, une fille et un garçon qui jouaient au ballon. Un beau ballon de football bleu sur lequel était écrit le mot « France ». Et voilà que le ballon s'échappe et roule dans l'eau. Le courant l'entraîne. La jeune femme ramasse une branche, elle réussit à ralentir le ballon. De mon côté, je descends vers la berge où je trouve une branche dont le bout présente une fourche et je réussis à ramener la balle vers le bord. La jeune femme me tend la main : — prenez ma main, dit-elle, je vais vous aider pour remonter.
Je lui dis : — Que ne ferait-on pour toucher une main amicale. — Ne tombez pas dans l'eau, quand même, répond-elle en riant. Je rends la balle aux enfants, et mon attention est particulièrement attirée par le mot « France ». Puis je réfléchis au sens de tout cela.
N'était-ce pas un symbole vécu ? Une mise en scène — allégorie — dont il faut tirer le sens ? La vie n'arrête pas de faire du théâtre… De quelle lumière éclairer un événement dans notre vie pour en comprendre le sens ?
La France voguerait-elle au gré des flots, emportée par le courant de l'Histoire sans parvenir à connaître qui elle est, ce pourquoi elle existe ? Ce ballon « France » tombé à l'eau est-il l'image du destin non maîtrisé, non connu — à peine pressenti par quelques intuitions ? Mais le ballon symbolique, portant le nom de France, est tiré hors de l'eau. Il est rendu aux enfants, à la jeune génération. Et une main secourable de femme a permis cette sortie heureuse. Un beau présage dont je donne ma lecture afin de rendre public le signe et son sens. Car un signe non partagé tend à rester inerte, il a besoin de sortir au grand jour, afin que sa protéinisation soit effective.
Je ne crois pas qu'aucun des candidats à l'élection présidentielle d'avril 2022 ait une idée exacte du destin du pays dont il (elle) voudrait la charge : ces candidats lisent-ils les signes ? Je ne doute pas que la vie leur en envoie, reste à savoir s'ils savent les lire et s'ils ne subissent pas, dans leur esprit excessivement polarisé dans le domaine du « faire », de redoutables inversions…
Lire les signes que la vie nous envoie est une des techniques pour interpeller l'Appel qui nous détermine : les signes convergent dans sa direction. Les signes répondent à nos questions et les réponses, souvent inattendues, surprenantes, expriment l'opinion de la vie intégrant l'information première de l'Appel. Les signes sont cohérents entre eux, sur le rail de la liberté essentielle qui nous est accordée. Liberté d'être ce que nous sommes appelés à être.
Mais que ce soit clair : nul n'est « voué » à être un assassin. Il ne le devient que par inversion de l'Appel, au gré de circonstances, influences, manipulations etc. Il n'existe pas d'ADN spécifique de tueur, de malfaiteur. Le Mal est l'inversion de l'Appel : la nuit n'est pas première en soi, elle est absence de lumière. L'obscurité n'est pas l'origine, elle n'est que l'effet d'une absence. Elle résulte de l'absence de lumière : une lumière nécessairement pré-existante, mais retenue dans son retrait.
La Torah est assez claire à ce sujet. L'obscurité régnant au début de Genèse — « des ténèbres couvraient la face de l'abîme » — n'est pas une donnée première bien qu'elle apparaisse au verset 2. Dieu dit « que la lumière soit ». Cette parole-là est première bien qu'elle n'apparaisse qu'au verset 4 : l'obscurité du Qui fait sans lumière est la conséquence du retrait antérieur d'une lumière déjà présente mais dont l'occurrence ne surgit qu'au verset 4.
La lumière (Aor) א ו ר
est le 23e mot de la Bible, et s'écrit Alef,Vav, Resch. Le système divin est aux commandes, dans le cycle (Vav) s'ouvrant sur la structure Rosch.
L'Alef en initiale du mot Aor signale la prééminence de la lumière : elle est première, bien que le premier mot Béréchit ouvrant Genèse commence par un Bet, deuxième lettre de l'Alphabet. Ce Bet ouvrant le « Commencement » implique que l'Alef non écrit lui soit antérieur mais il demeure invisible, dans le domaine du pur Qui Sait. Tandis que le Bet ouvre le domaine de l'existant réaliste, la lumière, par son initiale Alef, implique qu'elle soit conçue depuis le Qui Sait qui lui donne l'ordre d'exister. Parole sortant du néant, propulsée dans le réel et qui se transforme aussitôt en matière : la lumière est un transport de photons, donc un effet visible de cette projection du Verbe.
Le mot Aor signale que le système divin est aux commandes, dans le cycle (Vav) s'ouvrant sur la structure Rosch. « La lumière se fait quand le système Alef fonctionne en toute liberté et se rend intelligible de lui-même en révélant la structure dont il est la règle, le modèle Rosch, le cortex. »
« Et Dieu dit : que la lumière soit… » Ou plutôt : qu'elle se mettre à exister du côté Qui Fait, qu'obéissant au Qui Sait qui lui donne l'ordre d'être, elle franchisse la séparation interhémisphérique et éclaire le Qui Fait de ce monde. La lumière « était » déjà avant qu'elle n'arrive de notre côté… Non matérielle, elle patientait en retrait, dans l'attente de la parole lui ordonnant d'être.
Ce retrait de l'Informant, de l'énergie vitale, la kabbale hébraïque le dénomme phase Tzim du processus créateur Tzim Tzoum. Le Tz'm (retrait) n'a pas d'énergie, il en exprime même l'absence, en ce que ce mot hébreu s'écrit sans Yod. Cependant, pour prononcer le mot (Tzadé Mem), il est indispensable de dire le son de la lettre manquante. Sa prononciation « Tzim » appelle la lettre absente à s'écrire un jour, dans une phase ultérieure, créatrice et réparatrice. L'énergie est potentiellement là, mais ne se donnera à voir qu'en seconde instance dénommée Tzoum.
Lire l'Appel qui nous concerne consiste donc à s'ouvrir à la lumière telle qu'elle peut éclairer notre intelligence pour la compréhension de nos actes.
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Précisions sur la lumière
Il peut paraître surprenant d'entendre dire que la lumière précédait l'obscurité alors que de toute évidence, selon la lecture littérale et linéaire des versets, l'obscurité en premier couvrait la terre. Cela signifierait-il que les ténèbres aient été là avant ? Au verset 4, Dieu considère que la lumière était bonne. La bonne lumière viendrait-elle après les ténèbres ? Oui, en apparence. Non si l'on s'en remet au code archétypal : en effet, l'ordre « que la lumière soit », donné une seule fois, s'est nécessairement exprimé en deux instances dont la Torah, en Genèse, déploie l'instance créatrice seconde. La première instance de cette parole unique est restée dans le Tzim, dans l'attente de sa réitération donnant existence effective à la lumière. L'ordre « que la lumière soit » ne fut donné qu'une fois, conformément au protocole créateur usant du Redoublement : les choses se produisent en deux temps et « Dieu ne parle qu'une fois mais deux nous l'entendons ». (Psaume LXII, 12 et Job XXXIII-14). La création de la lumière ne peut échapper à cette modélisation. Dès lors la lumière qualifiée de bonne, issue de la Parole, est première, et cependant n'entre pas dans sa phase effective. L'ordre génère, en première instance, une inversion du côté Qui Fait qui absorbe la lumière ordonnée mais non réalisée, et l'anéantit, d'où l'obscurité… qui semble première.
Les ténèbres, quant à elles, sont toujours au pluriel tandis que la lumière est unique au singulier. Les Ténèbres interprètent la dispersion, l'éclatement entropique : elles sont non-lumière. Le mot hébreu correspondant est Hochek, douzième mot de la Bible depuis son début. La douzième lettre de l'alphabet hébreu est un Lamed, désignant l'enseignement : les ténèbres ont assurément quelque chose à nous apprendre sur elles-mêmes.
ח שׁ ך
S'ouvre sur un Het, construit un pont qui débouche sur le Schin dont le point énergétique se trouve à droite, en potentialité de bondir vers la gauche dans le sens de l'écriture hébreue. Le Schin s'écrase sur un puissant Caf final : lettre d'ouverture de la seconde instance évolutive, le Caf est riche de promesses, mais sa forme finale semble bloquer cette évolution par sa forte barre descendante marquant l'obstacle… Seule l'arrivée de l'énergie de la lumière pourra dissoudre cette barre d'arrêt et ouvrir l'évolution cyclique aux lettres suivantes : l'Alef du mot Aor pulvérise l'arrêt que marquent les ténèbres en Caf final, ouvre un cycle (Vav), dont le projet est de présenter à la lumière du jour la lettre Resch, renvoyant à Rosch, le Cerveau cosmique.
Ce passage qui ouvre la Torah, où la lumière est qualifiée de « bonne » est un concept applicable à notre vie, à tous les cycles vivants : il y a toujours une lumière qui finit par percer lorsque le cycle dévolu à l'obscur prend fin. Obscurité couvrant le réel, jusqu'au 23e mot de Genèse qui inhibe sa puissance. Aor en position 23 est le mot ordonnant l'apparition de la lumière qui aussitôt est. Elle est que parce qu'elle a été dite et cette parole a généré cette réalité en deux impulsions successives dont la première demeure non visible. La lumière se déploie nécessairement en deux temps, et elle prend le pas sur les ténèbres, ainsi en est-il de la Connaissance qui triomphera de l'ignorance. Le secours de la Lumière est inévitable.
Lire à ce sujet :
Don Quichotte la révélation, p. 341 et suivantes, entretiens avec le prof. Paul Forlot.
Voir : le film indien "Black", de Sanajy Beela Bhansali
1 commentaire:
Vendredi 1 avril, la lumière électrique a quitté ma pièce de vie , m'obligeant de revenir à la fondamentale bougie pour illuminer les ténèbres .
???
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