La France est-elle messianique ?
par Dominique Blumenstihl
Nous aimons la culture et la France se rêve d'être exemplaire en ce domaine. Mais de quelle culture parlons-nous ? Je m'interroge sur son état en apparence fastueux qui se complaît dans les prestiges de son glorieux passé, dans la légèreté de son art de vivre, son insouciance… Une forme de vacuité prétentieuse, peut-être de délabrement sous des marques grandiloquentes ?
La question est de savoir si la France est à la hauteur de sa vocation. Avons-nous considéré suffisamment l'éducation, la littérature, la connaissance ? Avons-nous été assez français — universalistes — pour nous dire à la hauteur de ce que le destin attend de nous ? Se pourrait-il que nous vivions en-deça de notre vocation, hors de notre destinée ?
Qui pourrait se résigner à n'être qu'un agent productif, contribuant au bien-être collectif matériel par ses cotisations sociales, consommateur de biens et de services engraissant banques et assurances, bien heureux citoyen angoissé quant à sa retraite future, abreuvé de 358 programmes télé dont il ne regarde aucun, connecté jour et nuit dans l'attente d'un appel qui ne vient jamais ?
Sans
rien rejeter du nécessaire matériel, n'avons-nous pas droit à autre
chose : le droit à la folie quichottienne qui n'est pas folie mais une
suprême philosophie de changement ? Philosophie d'une
action à mener, celle de participer à la mission dévolue à la nation dont nous sommes, natifs de Tzarfat — c'est le nom hébreu de la France tel qu'il apparaît dans la Bible au chapitre Obadia, verset 20.
Français
dans l'âme, sommes-nous pleinement conscients de la responsabilité
qu'engage ce contrat, j'allais dire cette « Alliance » entre le
territoire et sa vocation ?
La France « Pays des Lumières », est une expression que les politiques affectionnent. Mais de quelles lumières parlent-ils ? Le pays aurait une vocation, une mission… Quelle en serait la teneur ? Je crois que la France n'a de sens que dans la perspective du messianisme devant émerger d'elle dans la conduction émanée du Sinaï.
La France a-t-elle une mission ?
Le
messianisme est un mot qui fait rire ou trembler. En réalité, ce n'est
rien d'autre qu'une position de l'esprit devant s'instaurer selon
certaines règles et étapes. C'est une étape de la Révélation dont, sans
aucun doute, Jésus est l'un des marqueurs, au sens où il ouvre un cycle
vers l'Occident avec une visée sur l'universalité.
Il
serait absurde de minimiser son action symbolique donnant à voir, à
travers sa mort, combien l'humanité est clouée sur la Croix. Sa
crucifixion — supplice romain — est un symbole puissant qui s'est
inscrit dans la mémoire du monde. Elle désigne l'humanité entière qui
pourrait bien finir de la sorte si nous ne prenons garde. Il est donc
temps de le décrocher, ce malheureux Christ-humanité, de passer à une
étape suivante, post-religieuse, et désormais explicative, les religions étant des systèmes de codification symbolistes, dont le sens
aujourd'hui échappe aux institutions qui voudraient les maintenir à tout
prix. L'énergie propulse l'Histoire, pouvons-nous rester en-dehors du
progrès qu'elle écrit ?
A ce titre, il est légitime de s'interroger sur les J. M. J. (journées mondiales de la Jeunesse) organisées
par l'Eglise catholique. Un événement considérable. Une jeunesse
fervente, pleine d'espérance se réunit au Portugal sous le haut
patronage du pape. Les
grandes célébrations collectives suscitent l'enthousiasme d'une
jeunesse qui a soif d'un idéal spirituel : cependant, ne s'agit-il pas
aujourd'hui de dépasser l'adhésion au sacré fondée jusqu'alors par
l'acte de foi et accéder à une plus haute perspicacité en adéquation
avec les nécessités modernes de comprendre ?
Les temps post-religieux sont là
Le mot Tzarfat (France) a pour valeur numérique 770. Même valeur que « Tu t'étendras », en Genèse 28 verset 14. A mon sens, la mission « Tu t'étendras » est en cours.
En effet, le temps des religions se termine, mais non le temps de la Connaissance qui poursuit son chemin. Terminé, également, le temps de la science autoritaire, qui se croit seule à décider de la marche du monde, qui s'imagine porteuse de l'éthique et de la morale tout en écartant, au nom de la prétendue objectivité et liberté de recherche, tout ce qui limiterait son pouvoir. Ce qui s'étendra (770), c'est la Connaissance et plus singulièrement en France (770). Je parle de la Connaissance dégagée des rituels et symbolismes archaïques. La Connaissance actualisée, par delà les formes crispées de l'adhésion religieuse, par delà le dogmatisme scientifique.
Le messianisme, étant post-religieux, asséchera le stade de la religiosité pure pour le remplacer par l'intelligence totale. Or nous assistons à l'étrange crispation des religions face à ce que paradoxalement elles annoncent : l'émergence messianique. Les unes affirment que cette émergence serait déjà réalisée, ce qui leur garantit un statut d'éternité. Les autres estiment que le messianisme est à venir… le plus tard possible, à la fin de temps, ce qui donne pas mal de marge pour en parler pourvu qu'il ne vienne jamais. Et voilà que survient le retour de l'intégrisme religieux. Dominique Aubier l'a diagnostiqué comme étant l'expression du « retour archigénique » : en fin de cycle, il y a toujours un retour momentané à l'archigène. A l'opposé de ce « retour au type ancestral » (que Nietzsche appelait « l'Eternel Retour ») qui ne dure qu'un temps, il s'opère « une montée vers un cycle nouveau, une sortie culturelle de synthèse ». C'est à cela qu'il convient de travailler.
Le messianisme est une sortie, une émergence. La prophétie biblique du chapitre Obadia prévoit que cette émergence s'effectue dans l'aire géographique de l'Occident, territoire structurel d'élection pour le manifeste. La fonction du messianisme consiste dès lors à faire sortir — expliquer — le Code de la Vie. C'est là, le rôle de la France que dévoiler, faire connaître, faire sortir et donner à voir l'identité du motif d'universalité. C'est dans son nom : Tzarfat, et plus précisément dans la lettre Resch de son nom et dans la lettre Pé qui désigne la fonction de dire, de parler. Parler l'identité du motif d'universalité, c'est cela, le « grand dessein » de la France. À chacun sa mission et sa responsabilité. La sublime vocation d'Israël est différente : Israël reçoit le message de l'Invisible et en construit la codification alphabétique. Cette codification se répand, instruit le monde. Et le monde, touché par l'onde de cette leçon, génère des étapes d'application de cet enseignement.
En France se réalise l'union entre Connaissance et Science, c'est l'esprit même de son territoire. C'est la mission de la France, que dire et dévoiler. Et d'assurer la reconduction vers la source…
Quelques instruments utiles :