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vendredi 15 décembre 2017

The Fountain. Part 2. Exégèse kabbalistique du film d'Aronofsky

The Fountain, film de Darren Aronofsky. Film kabbalistique
L'exégèse part 2, par Dominique Blumenstihl

Retrouvez le début de l'article ici.

Dans mon blog précédent, j'ai parlé de Moïse Cordovero dont il est évident que Darren s'est inspiré.
Toute l'imagerie de l'Arbre sort de la théorie séphirotique présentée dans les livres de ce kabbaliste.
Plusieurs personnes m'ont demandé qui il était.

Moïse Cordovero est un kabbaliste né en 1522 dont la famille, comme son nom l'indique, était originaire de Cordou (Espagne). Installé à Safed vers 1542, il était considéré comme le plus grand des kabbalistes de son temps ayant eu le privilège d'être l'élève de Yosef Karo. Il fut le maître de Louria et écrivit une œuvre considérable dont La Douce Lumière (Or né érab), Pardes Rimomim, et 'Or yaqar, un commentaire du Zohar. En 1570, la population de Safed était majoritairement espagnole et portugaise. (Précisions de Schouel Ouziel, dans sa traduction du Palmier de Déborah, éd. Verdier).

Depuis sa sortie, il y a plus d'une dizaine d'années, The Foutain suscite de vives passions.
Cependant, à ce jour, il n'a pas fait l'objet d'un décryptage permettant d'ouvrir les images et les allégories dont il est rempli.
Quel est le sens de ce film ? Quel est son vrai propos ? Quelles sont ses sources, ses références ? Il est nécessaire d'en faire une exégèse.
Oui, ce film est d'essence kabbalistique. Les preuves ? Les voici.

Les étincelles
Autre indice kabbalistique : le thème des étincelles. Thomas Creo marche seul dans la rue. Moment insolite du film, car pendant cette séquence, le cinéaste a neutralisé la bande-son. Une dizaine de secondes sans aucun bruit, la neige paraissant avoir assourdi l'espace. Et soudain, à un carrefour, le chercheur voit des gerbes d'étincelles jaillir derrière une porte métallique — peut-être un chantier de soudures à l'arc, mais dont ne verra pas les ouvriers. Image gratuite ? C'est impossible, dans une œuvre où le moindre plan est chargé d'intention. Les étincelles : allusion à la thèse de Louriah, le disciple de Cordovero, qui a mis au point la théorie du Tzm-Tzoum. Le cinéma indien a lui aussi exploité la métaphore des étincelles, dans le même sens qu'Aronofsky et avant lui : au moins deux films peuvent être cités. Yes Boss, film indien de Aziz Mirza, 1997 où les étincelles jaillissent dès le générique. Et Chori Chori, film de Milan Luthria, 2003. (cf le livre La Porte de l'Inde, p. 228 et 284).

« Paamim » le Redoublement
Autre référence kabbalistique : l'archétype du Redoublement. Lorsque Liz est hospitalisée suite à une attaque cérébrale, le médecin dit à Thomas, son mari : « la prochaine fois… », laissant entendre, dans le non-dit, que la prochaine fois serait fatale. Il est en effet des mots que l'on ne peut dire mais que l'on entend sans qu'il soit indispensable de s'enfoncer dans la lourdeur de l'explicite. Or quelques heures plus tard, l'électrocardiogramme en alerte émet un sifflement strident et affiche la valeur 240. Arrêt sur image : ce chiffre écrit en hébreu le mot « paamim » (Pe-Ayin-Mem-Yod-Mem final) c'est-à-dire l'expression « deux fois ». Autrement dit : Redoublement. C'est à la seconde attaque que Liz décède et que son esprit rejoint Kether puis l'Ein-Sof. C'est le grand voyage.
Ce film décrit le processus énergétique se produisant à l'instant de la mort : le drame, la douleur, la séparation, mais aussi la délivrance et le retour à la Grande Source qu'est l'Ein-Sof. J'ai décrit ce processus dans un article précédent où j'ai traité le sujet des Séphiroth et de la Daat. « La mort est un retour de l'énergie vers l'Ein Sof sans renvoi vers Kether. » (cf Dominique Aubier).

Le Redoublement : éléments techniques.
Les kabbalistes usent de ce procédé qui consiste à « dire deux fois », nommé également le « davar schanoui » par les Talmudistes. La technique  s'appelle « Kafil », un mot bien connu des hébraïsants (mais je ne suis pas certain qu'ils sachent toujours de quoi il retourne). Une légère différence entre les mots : ils ressortissent du même concept mais en décrivent chacun un mouvement : ainsi, lorsque je dis ou fais « deux fois » (c'est-à-dire quand je procède à une répétition), j'use du « kafil » et je réalise un « davar schanoui »  dont le résultat est un « paamim ». Le concept, c'est le « kafil ». Le davar schanoui, c'est l'acte technique de l'exécution de l'archétype, le paamim, c'est le concept intelligible, visible et observable dans le résultat. Pour des facilités de langage et de communication, il me semble que l'on puisse indifféremment utiliser un terme ou l'autre, bien que par souci de précision intellectuelle il est préférable — au moins pour soi-même et quand on veut enseigner — de savoir les distinguer.
S'agissant d'une technique de Vie et d'un archétype universellement connu de toutes traditions du monde, l'humour n'est pas interdit. Dominique Aubier a nommé la procédure du Redoublement « Bip - BOP ». Car il s'agit bien, par cet outil, de savoir « danser sur sa vie », et si possible allègrement. Quant à Don Quichotte, il en use plaisamment, quand il dit, au moment d'exprimer ses besoins organiques vitaux… qu'il fait d'une part le « petit » (en Bip) et le «gros » (en BOP). En « petit » Bip , vous recevez la première information et le symbole. En BOP, c'est la matérialité bien lourde de l'événement qui s'impose.
J'ai expliqué tout cela dans ce texte : « Le Redoublement ».
Pour avoir l'explication détaillée des archétypes, se reporter au livre "La Face cachée du Cerveau", de Dominique Aubier.
Je vous préviens, c'est un sacré bouquin. Mais quoi ! Si on veut ajouter quelques cordes à son arc pour comprendre la vie, ce livre sera utile.

Je reviens à Fountain.  On m'excusera de passer ici à l'explication d'un mot hébreu. Langue interdite pendant l'Inquisition… Car les « hérétiques » torturés dans le films, ce sont bien les Juifs poursuivis par l'Inquisiteur. On leur reprochait d'en savoir un peu trop. Alors voici une mise au point sur le sens du mot désignant le Redoublement. C'est un exercice de kabbale pure.

Paamim s'écrit en hébreu :
פעמים

Je précise que la dernière lettre du mot hébreu (à gauche), le Mem final, s'est écrit de lui-même en gras. L'ordinateur par lui-même se mêle de l'explication et y participe…


Pe : la Parole, le Verbe
AyIn : Voir
Mem : le cycle
Yod : l'Energie
Mem final : répétition et terminaison du premier Mem. Donc en gras, décidé par l'ordinateur lui-même !

Les lettres composant le mot en donnent le sens : en toute chose, il faut savoir que le Verbe (Pé) veut être vu (Ayïn) et compris. Ce Verbe pénètre un cycle (Mem) il y imprime et exprime son énergie (Yod) qui trouvera sa résolution terminale dans un second cycle (Mem final). Il faut donc voir le mouvement de la « double détente » dans la répétition augmentative du Mem dans ce mot : deux Mem, le second étant une lettre finale. Entre les deux Mem circule l'énergie évolutive. Le mouvement s'exécute toujours sur ce rythme du Redoublement et toute chose, dans la vie, est répétée, subissant ce traitement archétypal inéluctable.
Noter dans ce mot la répétition de la lettre Mem, sous ses deux formes. Le premier Mem présente un espace ouvert, non encore abouti : c'est l'espace d'un cycle en devenir. C'est une première instance en cours d'élaboration, recevant les informations qui se développeront grâce à l'énergie Yod. Le cycle ne s'achève qu'en Mem final, lettre nettement fermée, cousue tout en haut de son côté gauche où une petite croche cependant surplombe le graphisme : l'énergie se propulse hors de ce cycle achevé (saut quantique ?) et change d'orbite pour commencer un nouveau cycle.
Le concept « Paamim » est signalé dans la Torah au verset : « une fois Dieu a parlé, deux fois j'ai entendu » (Psaume 62/12). Il est explicité dans La Face cachée du Cerveau qui en donne les fondements ontologiques sous l'appellation Redoublement. La reine Esther en est une experte, organisant la salvation d'Israël au moyen de cet archétype, ainsi que je l'ai montré dans mon livre Esther, la Délivrance d'Israël.
Et s'agissant d'un archétype universel, on le retrouve dans la doctrine du T'chan et du Taoïsme. Et les Amérindiens en connaissent le retentissement sur le bout des doigts…

(Si vous connaissez un kabbaliste ou un initié qui aurait explicité ce sujet, je vous remercie de me le faire savoir. Toute immodestie mise à part, il me semble que cette explication du mot Paamim est une mise au point. Une actualisation. J'allais dire un Tikkoun, au sens lourianique, une réparation, dans le sens où toute clarification par delà le symbolisme consolide la grande réparation des « vases brisés ». C'est ma part à ce projet et je l'assume en toute immodestie.)

Je reprends donc l'explication, une deuxième fois, conformément à l'archétype que je présente : les lettres composant le mot « Paamim » donnent le sens du mot : en toute chose, il faut voir (Ayïn) le cycle en cours et savoir (voir) que le Verbe (Pé) exprime son énergie (Yod) en un cycle (Mem) suivi d'un second cycle (Mem final) qui reprend les informations de la première instance et les métabolise en seconde instance. Le mouvement s'exécute toujours sur ce rythme du Redoublement.
La difficulté, c'est que la plupart du temps, nous ne voyons que la seconde instance d'une réalité, lorsque sa charge réaliste nous écrase. Mais il est certain qu'avant que l'événement dans la lourde matérialisation ne s'impose, il a existé une phase informative en Bip, elle même constituée de deux phases : l'information pure suivie de sa mise en forme symbolique. L'échéance factuelle s'inscrit dans le BOP.

Le Redoublement s'est de lui-même imposé, en écrivant le Mem final (2ème Mem) en gras dans mon texte. Et il a pesé sur le cinéaste, artiste particulièrement « branché » qui se sera laissé traverser par l'irradiation de l'archétype désirant être vu. Mais il y a une grande différence entre, d'une part donner à voir sur pellicule cinématographique le chiffre 240, dont la numérologie évoque la répétition, et d'autre part apporter le décodage du chiffre en son équivalent lettrique « paamim ».  Et ensuite réaliser une exégèse de ce mot en le reconduisant à son principe unitaire, le Cerveau. Aronofsky a réalisé la première instance. Pur exercice visuel, que tout le monde peut voir sans effort. J'en assume la seconde instance, autrement plus difficile puisqu'il faut justement libérer ces images de leur geôle symbolique. Donc contourner les gardiens de la religiosité archaïque (sans leur rien reprocher) et nous diriger vers une exégèse… post-religieuse libératrice des symboles. C'est à quoi je travaille…


La suite de l'exégèse de Fountain dans un prochain Blog
Je précise que sans les travaux de mon Maître jamais je n'aurais pu approcher le symbolisme de ce film. Dans le prochain Blog, j'aborderai :
— le modèle du Cerveau dans le film d'Aronofsky
— L'Archétype de l'Union des Contraires
— Les sources de l'Arbre de Vie
— Le grand secret de la Tête

Toute la série sur Fountain :

—1. Le secret de la fontaine,concept kabbalistique.
—2. Fountain part 2. Lecture initiatique du film d'Aronofsky.
—3. Fountain part. 3. Le modèle cérébral dans le film

—4. Fountain part. 4 : la tête enchantée et le secret du Singe 
Je remercie les lecteurs de mes articles de citer leur source quand ils en reprennent des éléments.
Gracias por su ayuda.

2 commentaires:

Charles a dit…

Calculette en main, le père de Don Quichotte n'avait que 25 ans de plus que Cardovero. N'y aurait-il pas eu de porosité entre ces deux esprits abreuvés à la même Fontaine ?

Domino a dit…

Oui. Le lien a certainement existé entre les émules de Cordovero et Cervantès, et cela par plusieurs intermédiaires possibles : l'Italie où les kabbalistes de Safed diffusaient leurs enseignements. Et la communauté séfarades en exil (Cordovero = de Cordoue) qui n'a jamais rompu les liens avec l'Espagne. Mais il est possible également (et c'est la thèse qui me paraît la plus solide) que le lien ait existé sans contact direct dans le cadre d'une relation structurelle Gauche-Droite où l'un informe l'autre dans un rapport de type "quantique" où la particule est informée par l'Onde sans qu'il n'y ait aucun support matériel entre eux. A mon sens, cervantès et Cordovero - Louria sont liés par un effet de structure. Ils n'ont pas eu besoin de boire le thé ensemble. C'est de la pure énergie qui transite. Lire à ce sujet le livre de Dominique AUbier "Don Quichotte le prodigieux secours". Chapitre sur le messianisme.