Rechercher dans ce blog

Translate

mardi 20 octobre 2020

Comment lutter contre la haine et les terroristes ?

par Dominique Blumenstihl-Roth

Nous sommes consternés par la violence de l'intégrisme musulman. Comment faire pour mettre fin à ce processus  morbide ?

— Il faudrait pratiquement les attraper un à un, leur faire un lavage du cerveau, me disait un ami. Car chacun de ces intégristes est, à titre individuel, porteur du projet d'anéantissement. Mais que pourrions-nous leur inculquer en lieu et place de leur idéologie ? Quelle doctrine, meilleure que la leur, pourrions-nous leur enseigner, qui les passionne avec la même ardeur ? Comment remplacer leur pulsion de mort par celle de la vie ?

Que faisons-nous, en face, de manière évidemment pacifique, qui serait à même de corriger leur état d'esprit ? J'ignore si nous pouvons les changer. Mais nous pouvons nous changer nous-mêmes. Comment ? En cessant d'être ignorants. En acceptant de nous regarder nous-mêmes de manière sérieuse et impitoyable. Voir quelles sont nos qualités, mais aussi tous nos défauts et les affronter. Sortir de notre état de béatitude navrante et chercher à comprendre qui ils sont… et qui nous sommes.

Les intégristes, comme le nom l'indique, ont l'esprit attaché aux ritualisations désuètes, aux méthodes violentes.
Alors regardons les religions : elles sont toutes immobilisées dans des symbolismes de décoration, d'architecture, de peinture, de langage, de vêtements mais les données essentielles ne communiquent plus. Les religions n'ont pas franchi le pas qui sépare l'appréhension symbolique de la maîtrise explicative consciente. C'est dans ce contexte que l'on doit regarder l'Islam, ses réactions, ses blocages, et l'intégrisme qui émane de lui. L'intégrisme, pour tenter de revivifier une dernière fois sa vague, replonge dans le passé des fondateurs pour y puiser l'énergie des premières heures conquérantes. Ce phénomène s'appelle "le retour à l'archigène". Ils n'ont, pour survivre, d'autre recours que s'enfoncer dans la croyance fanatique, à des formes d'expression dont le sens leur échappe.
L'intégrisme correspond à ce que Dominique Aubier a identifié dans son livre "La Face cachée du Cerveau", au retour en force des strates anciennes, activées par des liaisons correspondant à des axones remontant aux couches premières. L'intégrisme est une émanation régressive, mais parfaitement prévisible dans le cadre d'une évolution cyclique à l'intérieur de laquelle le retour à l'archigène est structurellement inscrit.

Si nos experts de la politique avaient un peu plus de culture — ou s'ils acceptaient de s'instruire ou du moins écouter —, ils auraient pu anticiper la vague intégriste. Celle-ci est puissante, parce que le "retour à l'archigène" en tout cycle se myélinise sur un axone qui replonge dans les strates premières du cycle en suivant itinéraire fortement innervé. L'Islam cherche à se ressourcer à son origine, faute d'apercevoir l'issue exégétique de ses textes fondateurs.
Défaillance de l'élite musulmane et incapacité totale de ses intellectuels de réaliser cette exégèse libératrice du langage symbolique du Coran… 
L'intégrisme salafiste est une volonté de renouer avec les formes "intégrales" des premières années de l'Hégire… mais il est bien incapable de produire la moindre lecture initiatique de son Texte. Il ne connaît que la lecture littérale et interdit fermement l'approche symbolique. Quant à "l'Islam de France", il est dirigé par des dévots en charge du culte, mais aucunement d'initiés capable de dégager le sens.

Face à la forme régressive qu'emprunte la religion musulmane, il faut constater qu'il n'existe, à l'intérieur de la même religion, aucune poussée verticale exégétique qui sortirait le texte de référence coranique de son ornière symboliste. Le soufisme est resté bloqué dans les allégories, et les penseurs qui auraient pu susciter l'avancée intellectuelle de l'Islam ont été assassinés dans des conditions horribles. Le supplice du grand poète Mansûr Al Hallaj, tué en raison de ses remarquables perceptions, est emblématique.
L'avancée maximale de l'Islam demeure, encore aujourd'hui, Ibn' Arabî, l'initié andalou… mais son langage métaphorique (du XII° siècle !) reste quasi inaccessible à l'entendement du XXI° siècle. L'Islam n'a produit aucune actualisation de sa propre théologie. (Selon la tradition musulmane, ce serait le rôle de "l'Imam cachée" que la produire. Le chercheur Henry Corbin l'a mentionné dans plusieurs de ses ouvrages.)

Dans sa forme symboliste et littérale, l'Islam se heurte au mur du Temps qui construit une barrière infranchissable aux acceptions archaïques. L'intégrisme est donc sans avenir, car dans un cycle, la liaison vers les couches ancestrales ne dure qu'un temps délimité. Combien de temps va durer cette régression ? Il est démontré que, dans un cycle, quel qu'il soit, des lignes de persistance maintiennent en vie des états de conscience surannés. Tout dépend si, à son opposé, se propose la sortie exégétique drainant l'énergie vers le futur et si cette sortie est soutenue par suffisamment de personnes.
Où est-elle, cette sortie exégétique ? Et qui la réalisera ?

Face aux religions, le rationalisme — notre mode de pensée privilégié — est bien incapable de libérer ces compréhensions anciennes de leur carapace symboliste. L'anthropologie a échoué et l'ethnologie n'a pas réussi à réaliser la synthèse des croyances. Echec sur toute la ligne.
Dès lors se pose la question : nous, en face, dans nos pays occidentaux dits "raisonnables", avons-nous réellement fait le nécessaire pour que notre civilisation produise une grande avancée culturelle aidant la pensée symboliste à se libérer de la gangue des images et textes allégoriques ?

Nous sommes face à un terrorisme de "post-modernité" disait récemment une intellectuelle à la télé. Elle avait raison. Dès lors il faut trouver une réponse du même type. "Notre réponse sera impitoyable", ajoutait un interlocuteur… "notre amour sera impitoyable."
Réponse sublime.
Car si l'amour doit répondre à l'intégrisme terroriste, dans ce cas, qu'est-ce que cet "amour impitoyable" ? L'arme absolue ? On a galvaudé trop souvent le sens du mot "amour" par des acception pathétiques de sentimentalité, alors que dans le langage initiatique c'est un acte symbolique positif : sous ce terme, s'exprime la doctrine de l'Union, de la Synthèse, l'Union des Contraires, que la Tradition hébraïque appelle le grand Qorban. Unir Connaissance et sciences, réaliser la conciliation des contraires dont il doit émerger… une lumière nouvelle.

En France, nous avons les bistrots, la chanson, la philosophie… "Tous au bistrots", disait un responsable culturel, après l'attaque du Bataclan, espérant produire par là un acte de "résistance". Il aurait dû préciser quelle devrait être la boisson universellement servie à table. Le vin de Don Quichotte ? Le vin d'une mise au clair universalisante donnant une vue globale sur les religions et la diversité des cultures ?
 "L'Amour nous sauvera". L'Amour… certes. Le mot ne remplace pas la chose et la chose ne donne pas son explication. Avons-nous produit l'acte d'amour civilisateur :  la grande synthèse des cultures ? Nous parlons de "diversité culturelle", au point que c'est devenu un poncif mais on fait tout le nécessaire pour qu'elle n'émerge jamais. A ce jour, l'Unesco dont ce serait pourtant la mission de soutenir un tel projet, est restée inopérante.
Diversité, oui. Mais entre claironner une thématique sous des termes sentimentaux et en produire la charte, il en va d'une sacrée différence. Alors, qu'en est-il de produire la synthèse universalisante (acte d'amour !) qui dégagerait le cœur conceptuel de toutes les croyances et religions et les unifierait sous la bannière d'une compréhension unitaire ?


Le meilleur moyen de lutter contre l'intégrisme, du point de vue culturel, c'est de promouvoir l'émergence de la grande synthèse. Je ne dis pas : dialogue inter-religieux. Car le dialogue interreligieux est une illusion, chaque religion restant sur sa posture, persuadée qu'elle est la meilleure. Ce qui importe, c'est l'identification du motif à la base de toutes les traditions du monde. Le temps de l'universalité est là, unificatrice.

Ce travail de synthèse a été fait.
Sous la forme d'une lumineuse mise au point qui jette les bases de la civilisation de l'Universel, rendant justice à toutes les formes de tradition, y compris la Science et donc… la raison.
Et cela se trouve dans ce livre :

En français

En anglais

Pour rebâtir le monde, affirmer les valeurs de l'Esprit.

7 commentaires:

Charles a dit…

Une phrase capitale dans cet article. Et soulignée d'un trait :
____________________________
Les religions n'ont pas franchi le pas qui sépare l'appréhension symbolique de la maîtrise consciente.
_________________________________________________
Tenté de mettre alors au même niveau que les religions officielles la poésie, les arts et... les sciences qui ratent le passage au niveau "maitrise consciente". Stade 4 du Pardes, sauf erreur de compréhension ?
Une guerre du Savoir...

Rose a dit…

Dominique dit que Dominique Aubier n'a pas été écoutée par les "grands" de ce monde .
Mais quelle idée de parler aux grands ? écoutons cette comptine :
"Les grands" : Qu'est ce qu'elle dit la belle enfant ?
la belle enfant: Elle vous dit qu'les gens sont grands ,
qu'ils sont grands de temps en temps ,
mais qu'çà dure pas très longtemps .

Y'a qu'les grands qui se battent tout le temps ;
et çà dure depuis longtemps ,
finalement sont pas très ...grands .
La sortie exégétique est déjà produite , personne n'est en mesure de la reproduire mais alors .....attend elle un bop médiatique ? Dominique bip et Dominique bop .

Unknown a dit…

J'ai appris de mes parents une Loi de la Vie (confirmée par ma vie) et que j'essaye (j'essaye parce que c'est pour moi une attention de tous les instants) d'inculquer à mes enfants: tout ce que l'on pense, dis ou fais qui puisse blesser l'autre, abstiens-toi.
La sacro-sainte "liberté d'expression" est comme une arme très dangereuse mise entre les mains d'un enfant.
Rodrigue

Théophile a dit…

Pas sans intérêt d'écouter - ce qui ne veut pas dire cautionner- ce que la philosophie comprend de la haine et des haineux. Et quand c'est un compatriote de Cervantès, il a droit à la parole sur ce blog, non ? Source : wiki
___________________

" Le philosophe espagnol José Ortega y Gasset définit la nature de la haine :

« Haïr, c'est tuer virtuellement, détruire en intention, supprimer le droit de vivre. Haïr quelqu'un, c'est ressentir de l'irritation du seul fait de son existence, c'est vouloir sa disparition radicale. » Il précise ses modalités : « La haine sécrète un suc virulent et corrosif. […] La haine est annulation et assassinat virtuel - non pas un assassinat qui se fait d'un coup ; haïr, c'est assassiner sans relâche, effacer l'être haï de l'existence. »
--------------
Une question
se donner le droit de refuser à un, ou beaucoup, d'autre(s) le droit de continuer à exister, n'est-il pas la négation absolue de l'intelligence ou de la compétence du créateur lui-même ?

François-Marie Michaut a dit…

Réponse à Rose
Il ne me semble pas que Mme Aubier, que je n'ai jamais rencontré, ait été assez naïve pour penser qu'une révolution des esprits puisse venir du haut du pouvoir pour se répandre ensuite dans toute une communauté.
Avoir le courage de s'adresser à qui on souhaite le faire et selon la méthode qu'on choisit ne court pas les rues. On a tous si peur que la vérité irritant celui qui est en haut nous retombe sur la tête !
DA, une femme sans peur, bel exemple, très donquichottien est bien plus subtile dans son avantgardisme de l'esprit. Il n'y alors ni grand, ni petit, la lutte des classes est sans objet.

Anonyme a dit…

DBR répond à la question qu'il pose en titre.
En haut de page à droite, voici sa devise :

Domino
Ce qui m'intéresse, c'est la vérité en toute chose.

Cultiver le plaisir de rechercher la vérité en toute chose, quel beau programme de vie mettant KO toute haine et tout terrorisme en soi-même.

Unknown a dit…

Lutter contre la haine, c'est la renforcer ! Irradier l'Amour, c'est dissoudre la haine, et c'est la seule possibilité qui nous est donnée pour cela...
Régor