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samedi 4 février 2023

Don Quichotte, ouvreur des temps nouveaux. Par Dominique Blumenstihl-Roth

Don Quichotte, ouvreur des temps nouveaux

par Dominique Blumenstihl-Roth

 

Don Quichotte parmi nous. Photo : Isabelle Bosché©

1. Augmenter la fertilité

« Pendant des millénaires, le relevé des valeurs systémiques du réel a été l'objet de tous les soins initiatiques, en Israël, une réception à partir de laquelle le mécanisme « train d'onde » les a propagées au monde entier où elles ont été recueillies avec la même attention en chaque région linguistique, donnant ainsi prise à la multiplicité et pluralité des traditions… Dans cette manœuvre naturelle, de l'ordre du fonctionnement cortical, le rôle d'Israël est déterminant. Il correspond, au plan planétaire, à ce qu'est, en chacun de nous, la zone de phonation captatrice de l'énergie qui alimente le cortex. Importance topologique et fonctionnelle à distinguer de la prétention humaine à dominer. C'est parce que la nature est d'essence cérébrale que l'aire du langage est appelée à recevoir en premier ce que le Verbe créateur émet en sa « radiophonie » cosmique. Aucun neurologue au monde ne peut nier, aujourd'hui, la prédominance fonctionnelle dont bénéficie l'aire du langage ». 

Ces lignes de Dominique Aubier, reprise de son livre qui traite du messianisme de Don Quichotte, méritent toute notre attention. Sa pertinente analyse se poursuit dans des lignes encore inédites, tirées d'un manuscrit : « l'esprit s'incruste en l'homme au fil du temps et à chaque moment correspond sa dose d'esprit. Mais il faut posséder l'esprit investi par la grâce, au degré de l'investiture qui est celle de son temps. D'autre part, il faut avoir assimilé toute la connaissance recueillie par les livres et par la tradition et l'avoir passée au filtre de son esprit investi pour saisir le message initial actualisé ». Cette actualisation correspond à l'effort réalisé par les vrais maîtres de la doctrine qui ne se contentent pas de répéter : ils ajoutent une part nouvelle à ce qui est déjà compris, il deviennent en cela ce que la tradition appelle des « fontaines ».

La tradition n'est pas sclérosée, elle est constamment vitalisée non par le questionnement devenu projet en soi, mais par la trouvaille originale (Hidouch) fruit d'une inspiration. Ainsi le Verbe se renouvelle et la révélation commencée au Sinaï ne cesse de se donner, tout en tendant vers l'objectivation qui lui est assignée. Faire d'abord, comprendre ensuite est le vieil adage de la tradition, l'acte de comprendre ne pouvant être rédimé ou perpétuellement remis à plus tard : le Verbe descend, et cette descente révèle une part de lui, proportionnelle à la durée de l'ombre de Moïse, pendant le temps qu'il passe par les intermédiaires et métamorphoses dans sa tension vers la révélation achevée. Dès lors, toute œuvre qui rend compte d'un moment stratégique de l'achèvement de la révélation ou d'une étape évolutive vers la délivrance est fertile. Ce sont des œuvres rares, qui provoquent l'étonnement, l'émerveillement de monde et son bonheur. Mais ne croyons pas que tous les prétendus chefs-d'œuvre de la littérature répondent à une telle notion de la fertilité.

 

2.  Don Quichotte et l'enseignement du Sinaï

Le Quichotte appartient au répertoire exigeant des œuvres ayant conquis l'éternité, d'autant qu'il implique les temps futurs dans l'attente du dévoilement dont il demande à faire l'objet. Puissent les lignes s'écrivant ici-même contribuer à cette délivrance, en droite ligne du jet initial que l'exégète première lança en vue de défaire les nodosités que les siècles d'érudition conventionnelle avaient infligées à la compréhension élargie du symbolisme et du codage cervantien. Aussi la surprise fut de taille lorsque parut Don Quichotte prophète d'Israël, l'agrégation du sens littéral qui faisait école jusqu'alors en fut commotionnée, soudain mise face à des critères de lecture dont l'élite conventionnée n'avait ni la connaissance ni l'usage. C'est qu'avec le Quichotte, la méthode de lecture se donne « en même temps » que le texte à étudier, dans le corps même du roman qui repousse hors de lui la dimension romanesque narrative pour devenir un traité « radicalement autre ».

Ce livre a dégagé Don Quichotte en dehors des normes théoriques de l'esprit conventionnel. D'où le malaise d'une certaine culture devant un Quichotte dont elle n'ose admettre, malgré les innombrables preuves versées au dossier, l'étroite connexion à l'herméneutique hébraïque. Au regard de cette tradition, nous estimons que le Quichotte fait partie des ouvrages s'élevant à une dignité égale à celle des Textes, parce qu'il procède de la même source. Encore faut-il connaître cette source, se familiariser avec son langage et sa sémiologie. Vaste savoir initiatique qui s'effectue par les procédés herméneutiques propres. Le langage du Quichotte, puissamment axé sur l'hébreu et les concepts sinaïtiques, s'affirme comme un phénomène linguistique où la référence hébraïque, indubitable, signe l'originalité d'une pensée qui constitue par elle-même le lieu privilégié de sa signification, au-delà du narratif et du symbolique. Il s'agit donc de saisir le Quichotte sur le vif, à son niveau le plus original, je dirais dans la sauvagerie brute d'un cerveau non encombré par les compromissions neutralisantes.

 

3. La responsabilité du Lecteur

Le Quichotte exige une vive participation du Lecteur et ne livre son secret qu'à ceux qui le scrutent « avec une attentive sympathie, sachant que le sens doit s'arracher par un effort permanent, des signes qui forcément le dissimulent ».

La responsabilité du lecteur est engagée face au Quichotte, livre que l'on ne referme pas sans avoir subir la métamorphose transformant la chrysalide en papillon dont les ailes portent la fine poudre des critères initiatiques. La lecture du Quichotte s'avère comme un « acte valable », dirons-nous, pour adopter l'expression talmudique. Une lecture transformante de la réalité non seulement psychique mais du monde réel en ce qu'elle restaure l'influx nerveux au sein de la structure nerveuse de l'individu mais aussi dans l'édifice séphirotique de son environnement : lire le Quichotte et le comprendre est une restauration du monde ; un salutaire retour vers le « Lieu » (Maqom) : le Quichotte est à coup sûr « un lieu près de Moi », au sens même d'Exode 33-21 où le texte ne dit pas « Je suis en ce lieu » mais que c'est « un lieu près de Moi ».

 

4. La leçon de Don Quichotte

La leçon du Quichotte est à la fois « retour » — Et si ton cœur court, reviens vers le Lieu (Ezéchiel 1-14) — et simultanément « avancée » irréversible vers davantage d'intelligibilité : « chaque mot dont le sens se renouvelle grâce à l'effort consenti, Dieu en fait un firmament ». Et dût-il en apparence prendre l'aspect du burlesque ou du comique qui pourrait offusquer l'esprit révérencieux, le héros ne manque pas de renouveler, d'affûter l'art de la lecture/écriture, sans jamais quitter le territoire mental du Horeb, en projetant toutefois l'irradiation loin dans le monde jusqu'alors ignorant de la Révélation alphabétique et de sa nécessaire mise au clair où trois logiques s'enchevêtrent comme une chevelure tressée en une natte resserrée et enroulée sur la tête : la mèche de l'histoire racontée se croise avec celle de la symbolique qui s'en dégage et toutes deux s'entrelacent sur la troisième frange, celle de l'exigence attendue, formant toutes ensemble une solide unité. Le Quichotte s'avance dès lors en une interprétation renouvelée de la vaste érudition kabbalistique antérieure, remontant jusqu'au Séfer Yetsirah, si bien que tout l'ouvrage cervantien en devient parole originale, présente, et terre nouvelle. Il écarte les murs, repousse les limites des cercles où la lecture s'enferme sur elle-même : il est un guide d'action donnant à voir sa grille.

On est libre, bien entendu, de lire Don Quichotte en se laissant glisser sur l'enchaînement des événements racontés, il n'en est pas moins clair que Don Quichotte n'est pas une amusette « que le respect des valeurs admises permet de saluer à condition de ne pas l'interroger… »

 Son implication dans le monde est singulière, monde qu'il veut transformer au moyen de critères inhabituels, — ses paramètres systémiques — entendus comme « fous » par les arguments de la raison ordinaire. Et cependant, nous le savons bien, c'est le Quichotte qui a raison de la raison, tant sa liberté abandonnée à la « sur-raison » l'emporte : Don Quichotte est ce que l'on appelle un homme vrai, qui ne se laisse pas emporter par la vague des événements, il les traverse, il les voit par son œil de voir, il les innove. 




5 commentaires:

R.ose a dit…

Le "train d'ondes" , arrivé en gare de la Mancha ,kabbalisé par Don Quichotte ,reparti ensuite en Tzarfat ,arrivé en gare de Damville , kabbalisé en aire corticale Aubiériste , a pû déposer son contenu initiatique .
Il y a des manques dans le tracé des déplacements ainsi présentés .
Il y eu la dame de Carboneras , en qui Aimel Helle pût aller à la rencontre de Don Juan par son envoyée spé(a)ciale Véronique Skawinska en factrice d'un être de connaissance pour contacter Carlos Castaneda .
Et il y a en France un certain DBeitRosch , dont l'acronyme DBR est bien connu .
Le contenu , livré , déballé , mis en rayons MLL éditions , recherche une audience curieuse et attentive au Pardès .
Halleloujah

Marie-Christine C. a dit…

merci pour ce texte lumineux‌ !

Il nous rappelle la belle et forte amitié qui nous relie, tous, dans notre fidélité à Don Quichotte.

Soyez béni.

Nicole B. a dit…

C’est toujours un immense plaisir que de lire Dominique Aubier.

Stéphane V. a dit…

merci Dominique pour vos partages toujours lumineux.

Anonyme a dit…

Merci, vous lire est toujours une.source qui revigore mon esprit acquis à l'exégèse de Dominique AUBIER. Avez-vous déjà songé, cher Domino, à commenter l'actualité via le média YouTube ou pourquoi pas, de manière plus décentralisée et souveraine, dans la perspective de Kavariians sur la blockchain MultiversX ?