Rechercher dans ce blog

Translate

mercredi 13 décembre 2017

Fountain. Film de Darren Aronofsky. Décryptage d'un film prophétique

The Fountain, film de Darren Aronofsky
L'exégèse du film (suite)
(J'adresse mes remerciements à Mme Marianne Ruiz qui m'a fait voir ce film et M. Romain Genon-Catalot qui me l'a offert… deux fois).


Cet article s'inscrit dans la série de textes consacrés au symbolisme de la Source, la Fontaine.

Cette étude n'a pu être conçue que grâce aux éclaircissements tirés des ouvrages de Dominique Aubier.

 
Plusieurs Lecteurs m'ont dit que je n'étais pas allé assez loin dans mon étude sur ce film. C'est vrai. Je n'ai fait que survoler la thématique générale de son œuvre en affirmant qu'elle était construite sur des référentiels kabbalistiques. Mais je n'ai pas étayé mon affirmation et il manquait des preuves. Il est vrai que le cinéaste ne siffle mot sur les sources de son inspiration. Jamais, dans ses conversations, il ne s'ouvre sur le sujet. À croire qu'il craint, comme les suppliciés de l'Inquisition que l'on voit dans son film, être soumis à « la question » ? Ses aveux seront inutiles. Le cinéaste a suffisamment découvert sa pensée pour que nous puissions y lire le scénario subliminal qu'il y a dissimulé. Il mérite d'être acquitté, avec les félicitations du Jury. Ce film a besoin d'une exégèse pour être compris : c'est au spectateur d'écrire le dernier chapitre manquant…

Un film kabbalistique
La critique officielle, déroutée par l'ampleur de l'œuvre parle de création poético-surréaliste et de chef-d'œuvre épique. J'y vois, pour ce qui me concerne, une œuvre pleinement corrélée avec les critères de la kabbale hébraïque et qu'il nous suffise, pour nous en convaincre, d'observer certains détails ne pouvant échapper à l'œil attentif tant soit peu versé dans la doctrine initiatique ou plus simplement sensible au symbolisme des images nouées en réseau tout au long du scénario. Un lecteur de Don Quichotte y trouvera de nombreuses similitudes avec le roman de Cervantès : il n'est que suivre le précepte que le célèbre Caballero-Cabaliste adresse à Sancho Panza : « et maintenant, ouvre bien tes yeux. »

Dès les premières secondes d'images, notre attention est priée de se porter sur la Bible — la Torah : le film s'ouvre par un gros plan sur le verset 3-24 de Genèse où il est explicitement question de l'Arbre de Vie. Nous sommes en pleine kabbale : L'Arbre de vie ( 'Ets Haym) est en effet le titre d'un livre de Haym Vital (1542-1620), disciple de Louriah dont il avait retranscrit l'enseignement oral. Cet ouvrage a connu — et connaît toujours — un immense succès, son auteur étant considéré comme l'un des plus grands kabbalistes ayant jamais existé.
On reconnaît, à travers différentes séquences filmées, le développement visuel des thématiques lourianiques dans l'œuvre d'Aronosky. Dont l'Arbre des Séphiroth. Un concept largement développé par les kabbalistes de Safed, et avant eux, par l'école des kabbalistes espagnols. L'Espagne étant au cœur de ce film : tout le drame espagnol y est signifié d'une péninsule en proie à l'Inquisition ayant juré l'extermination des « hérétiques » — de quels hérétiques s'agit-il que le cinéaste ne nomme si ce ne sont les Juifs ? —, y compris de la Reine qui représente ici la Couronne, autrement dit la Séphira « Kether ».
Affabulation, extrapolation fantaisiste me dira-t-on ? Confirmation est pourtant donnée : Rachel Weisz, interprétant le Reine d'Espagne, représente bien la Séphira « Kether » : le traitement esthétique en témoigne. Le photographe de plateau Matthew Libatique (anagramme de qabala) et le cinéaste ont mis au point un subtil éclairage en chaude surexposition solarisée pour communiquer cette idée. Dominante lumineuse qui sera reprise lorsque l'actrice jouera le rôle de Liz, en proie à une maladie touchant son cerveau.
Comment ne pas écarquiller les yeux et donc le diaphragme de l'objectif  lorsqu'on s'aperçoit — image furtive – que Liz est hospitalisée dans la chambre 620 ? Appel direct à la numérologie écrivant le mot « Kether », la Couronne, première Séphira nourrissant tout être et tout cycle vivant. L'énergie retourne-t-elle vers « Kether » en fin de cycle, en fin de vie ? La présence de Kether 620 venant couronner l'existence de Liz signe sa fin de vie et son proche envoi sans retour, vers l'Ein Sof, admirablement mis en scène par des images de synthèse. Plusieurs kabbalistes estiment que l'énergie d'une vie, pleinement vécue, se projette vers la Kether du cycle suivant… Je n'ai pas de certitude à ce sujet, du retour ou de la projection nouvelle. Ou peut-être les deux se suivent-ils ?

Les preuves
Le film excelle à plus d'un titre esthétique. Les costumes signés Renée April sont d'une facture soignée, taillés sur mesure, en pleine adéquation avec les thèmes subliminaux : on notera ainsi la somptueuse robe de la reine, transportant l'image même de la Couronne protectrice, où le dessin figurant sur le tissu évoque les racines de l'arbre de vie. On appréciera également la prédominance blanche entourant Liz, dans ses vêtements modestes et sobres, blancheur de son manteau accompagnant la neige tombant à l'instant où la jeune femme succombera à la maladie, dans les bras de son mari après avoir décodé le rébus maya. La neige, symbole des émanations divines (Atsilout) recouvrant en douceur sur terre rejoint l'intense lumière. Il en naît La douce lumière, selon le titre du livre du kabbaliste Moïse Cordovero qui écrit : « Le féminin est disposé à recevoir la blancheur… »

Faut-il d'autres preuves pour arguer de la qualité kabbalistique du film d'Aronofsky ? Comment ne pas remarquer… (serais-je le seul à l'avoir relevé, avec le cinéaste — lui pour l'avoir sciemment sculpté dans le bois et moi pour l'avoir repéré)  — oui en toute modestie je puis bien m'interroger : qui l'a vu parmi les millions de spectateurs de ce film ? Les fans d'Aronofsky que je connais ne m'en ont rien dit… Regardez le montant du lit qu'occupe le jeune couple. Dans sa boiserie est taillé un palmier contre lequel viennent dormir les deux héros. Allusion au « Palmier de Déborah ». C'est le titre du livre écrit par le grand Kabbaliste Moïse Cordovero, traité des séphiroths et de l'Arbre de Vie inspiré de l'épisode biblique où Déborah, la prétresse, rend justice au pied d'un Palmier. Cette même Déborah (Juge 4 - 4) sera contrainte de mener une guerre sans merci contre Yabin et Sisra. Le Palmier (Tamar) peut aussi renvoyer à Tamar, personnage biblique, la mère de Zera et Peretz. (Je parlerai du Palmier dans un prochain Blog qui à lui seul mérite une longue étude).

Le secret du Palmier
Revenons au film « Fountain ». Je crois que l'image du Palmier renvoie au livre de Cordovero. Aronofsky donne un indice : un peu plus loin dans le film, Liz évoque un souvenir de vacances. Elle dit avoir rencontré un certain Moïse Morales, guide de voyage. Ce dernier lui a raconté qu'il aurait planté une graine dans la tombe de son père, graine dont est sorti un immense arbre auquel son père s'est fondu. Image de l'enseignement survivant à son auteur, le Palmier, arbre à la profonde racine pivotante — Tamar — est associé et fondu à celui qui en fait le récit : le guide Moïse. J'ose y reconnaître Cordovero, l'auteur de Tomer Deborah.

Un kabbaliste ne s'y prendrait pas autrement pour « allusionner », dire en cachant, dévoiler prudemment sans se compromettre : la technique consiste à avancer des noms, des titres, et de laisser au Lecteur déjà informé le soin de retrouver le canevas ayant servi de trame à la pensée cachée. Aronofsky use ici d'une technique reconnaissable dans Don Quichotte où Cervantes dissimule sa référence au Zohar, créant autour de son auteur un faisceau d'indices concordant qui conduit à son identification. (Lire à ce sujet)

Le film procède par une écriture pointilliste où le détail ne donne pas immédiatement l'image de l'ensemble, mais un léger recul est suffisant pour qu'apparaissent les sources d'inspiration hébraïques dont Darren Aronofsky est imbibé. À moins qu'il n'ait tourné son film dans un état de somnanbulisme complet, guidé, dirigé par une sur-pensée « venant de plus loin » ? Aurait-il tourné et monté son œuvre en étant le jouet inconscient de la longue mémoire de sa tradition, ne s'apercevant pas même de ce qu'il faisait ? Une pluie de photons transportant la mémoire depuis Abraham l'a peut-être traversé à son insu. Et c'est alors tout le mérite de l'Artiste que se laisser guider par ces extraordinaires effluves venant de l'Au-delà cherchant à se faire comprendre par les Humains. L'Invisible a fort bien pu choisir le Cinéma comme vecteur pour se faire mieux voir, mieux comprendre : le cinéaste en devient l'acteur, le metteur en scène d'un scénario dont le texte s'écrit sur son corps, par son sang : Aronofsky met cette possibilité en scène lorsque son personnage Thomas s'inflige des tatouages en utilisant la plume de calligraphie que Liz (faut-il entendre « Luz » ?) lui a offerte, mêlant son sang personnel à l'encre qui lui fut donnée par son épouse. Métaphore d'une pensée de kabbalistes selon laquelle la réalité s'inscrit au fer sur nos existences, la vie s'écrivant dans nos réalités pour nous donner à lire ses messages…

La suite dans un prochain blog…
J'y parlerai de l'influence lourianique dans le fim d'Aronofsky.
Et une mis au point sur l'archétype du Redoublement, car beaucoup de gens confondent le redoublement avec l'archétype "Droite-Gauche" et le "retour archigénique". Avec les archétypes, il faut être précis et concis. Comme si on expliquait comment conduire une voiture.

—1. Le secret de la fontaine,concept kabbalistique.
—2. Fountain part 2. Lecture initiatique du film d'Aronofsky.
—3. Fountain part. 3. Le modèle cérébral dans le film
—4. Fountain part. 4 : la tête enchantée et le secret du Singe 

 
 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

" Merci de votre soutien. "

C'est ainsi que se termine votre article passionnant.
Vous n'osez pas dire : je fais un boulot énorme et probablement unique sur le Web. Cela me prend un temps considérable que je ne peux pas utiliser pour gagner ma vie. Et je vous livre tout cela sans que vous ayez un euro à verser.

Quand je lis les dépêches du Monde - loin d'être toujours de haut vol - je n'ai souvent droit qu'au début de l'article, et je suis prié de passer à la caisse pour lire la suite.

Un abonnement pour ce blog, Domino ?