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jeudi 4 août 2022

Le messianisme, tel qu'il s'écrit… (1 / 2)

Le messianisme (1 / 2)

(ou la vraie grammaire du bon langage) par D. Blumenstihl-Roth


1. Les espiègleries du rabbin

Dans une de ses histoires drôles dont il a secret, le rabbin Marc-Alain Ouaknin (qui ne m'en voudra pas puisqu'il est un ami), en comique assermenté mais philosophe tourmenté, affirme tout en parlant de « la joie du Messie », que « le messie est fait pour ne pas venir » (cf son livre Concerto pour 4 consonnes sans voyelles, éd. Balland p. 124). Devant pareille contradiction, le lecteur reste en effet les bras ballants, car ce trait d'humour — si c'en est un — serait plaisant s'il n'engageait une responsabilité. Est-ce l'expression d'une conviction profonde ? Ou une provocation pour choquer tout exprès ? Une phrase destinée à faire réfléchir ?

En tout cas, la philosophie offre ici, sous trait d'une facétie, une occasion remarquable de faire commettre au rabbin une sacrée erreur. Il oublie en effet que le Yod est la lettre qui rend juif, pas philosophe. A moins que la philosophie juive se trouve dans le Yod ? Dans ce cas, la négation du messianisme disqualifierait l'auteur de la plaisanterie d'autant qu'il ne s'en est pas expliqué ultérieurement. La lettre Yod, marque de l'énergie évolutive, impose précisément la nécessité qu'a le messianisme de venir, dans sa phase résolutive et aboutie, exégétique et explicative : c'est un processus civilisateur auquel le judaïsme travaille sans relâche, au travers de la transmission de la Connaissance, assumée sous toutes ses formes Torah, Talmud, Michna, Kabbale. Rappelons également que la Shoah n'a eu d'autre objectif qu'anéantir la certitude de la venue messianique, et croire un seul instant qu'elle serait faite « pour ne pas venir » revient à créditer dangereusement l'option négationiste qui n'attendait pas tant de bons secours à ses thèses. Pour ce qui nous concerne, l'accomplissement messianique, sans aucun doute, ne peut que venir, il est déjà en cours, les termes de l'espérance, de l'attente s'étant transformés en effectuation dès lors que le peuple-témoin a opéré son retour. C'est là le signal des temps qui confirme le retour de la lumière, l'avancée sans rétrogradation sur les formes antiques de participation au sacré — tout en les respectant —, le passage des temps symbolistes aux temps exégétiques. Ce à quoi nous travaillons, ici même.


2. Les quatre lettres du mot Massiah, Mem, Schin, Yod, Het

ne sauraient être écrites en vain, en vue d'une non-réalité : est nommé ce qui doit advenir, le cycle messianique (Mem) affirme les valeurs du Verbe (Schin), et le Yod en transporte l'énergie pour la construction de l'édifice Het solidement planté sur ses deux piliers. Il est normatif que ce mot codé suscite de violentes inversions, y compris dans les rangs du judaïsme, et paradoxalement sous la plume d'auteurs dont l'expertise retournée se met à nier l'intensité de l'appel premier. Ce qui était à l'endroit informationnel une donnée positive devient, côté manifestant, une précision négative. Dès lors, là où était la négation, là se trouvait niée, la vérité. Le reniement du messianisme est donc un interprétat régulier, qu'ici même nous redressons afin qu'un « oui » se pose clairement sur la question messianique : il se situe du côté « Tov » de la Vie.

On rencontre également le mot Massiah avec une orthographe différente, qui a sa raison d'être. En effet, dans certains textes, il se termine par un Alef, et compte alors 5 lettres. Dans ce cas, c'est le mot araméen. La signature en 5 lettres évoque la terminaison cyclique symbolisée par la valeur 5 qui signale la phase d'aboutissement des 5 couches évolutives. On se reportera à la FCC*, volume II, p. 183 pour en avoir l'explication. L'Alef, ajouté à Massiah, signe l'aboutissement messianique par son retour à la première lettre d'ouverture. Il en découle que le Messie doit connaître le système Alef — système d'absolu — tandis que le mot écrit sans Alef désigne le stade de l'attente de « celui qui viendra ». Quant à savoir s'il n'est pas « déjà venu », comme le professe le christianisme, je ne doute pas que Jésus a marqué de son empreinte l'ouverture du cycle messianique en tant qu'informateur, mais qu'il n'en est pas pour autant celui qui le mène jusqu'au bout, étant très clairement acteur de prémisses symboliques et non l'explicateur de la mission qu'il professe : il est lui-même le symbole qu'il représente, annonciateur des temps messianiques, annonciateur du processus historique douloureux en ce que sa crucifixion organisée et exécutée par le bourreau occidental romain préfigure la Shoa, le sort négationiste infligé à la pureté sinaïtique quand elle pénètre en territoire d'Esaü. La Croix symbolise dramatiquement la séparation maximale Gauche et Droite entre qui Fait et Qui sait, écartèlement funeste sur la lettre Het, dont les forces entropiques ont coupé la barre transversale qui devait les unir, et empêché l'apparition de l'Aleph supplémentaire qui donnait au messianisme l'ampleur du retour. Retour qui s'opère tout de même, historiquement daté en 1948 par la proclamation officielle de l'Etat d'Israël et le retour du peuple sur la terre de Canaan.

Dès lors, en matière de messianisme, il reste encore du travail à faire : repérer les acteurs ayant agi pour son ouverture, relever les étapes progressives toujours assumées par un individu mandaté, ajouter sa propre participation à la propagation de l'explication, cela dût-il incommoder les partisans de la rigidité retranchés sur les confortables lignes arrières du front. Et cesser toute accusation antisémite, quelle qu'elle soit, singulièrement celles qui voudraient se construire une légitimité sur des fondements religieux.


3. L'araméen et l'hébreu

Ces deux langues forment ensemble une structure en dualité, la première étant l'extériorisation de la seconde, araméen en Qui Fait, l'hébreu en Qui Sait. L'un fait ce que l'autre sait. Dès lors l'expression « le roi messie » s'écrit-elle « Machikah » avec un Alef en terminaison. Ce qui signifie que le messianisme annoncé par l'hébreu sera métabolisé « en face », dans le secteur Qui Fait. Le messie trouve donc dans l'araméen une première « sortie » réaliste, mais toujours de type informatif, l'araméen se situant dans la sphère hébraïque générale, formant une unité de type Qui Sait. Le processus est cependant bien tracé : il y a échange latéral et passage à la métabolisation. C'est en conséquence dans une région évolutive en partenariat, analogue à l'araméen en Qui Fait, que le messianisme résolutif se produira. En plein territoire opposite au Qui Sait, donc face à Israël, là-même où règne la puissance fabriquante, lourdement matérialiste. Or analogiquement, l'Occident occupe structuralement ce lieu, que l'on identifie sous le nom du personnage biblique d'Esaü, le frère ennemi de Jacob. Dès lors c'est dans l'empire d'Edom — autre nom d'Esaü — que le messianisme est appelé à surgir.

Dans l'expression araméenne « Hilkta le Machikha », le mot « hilkta » s'écrit avec un Tav, duquel sort l'Alef terminal. Il émerge à la fin d'un cycle, d'un parcours historique nommé la « halaka », c'est-à-dire la démarche, l'avancée. « Dans cette expression, les deux mots se suivent et se terminent chacun par un Alef. Le premier marque la démarche menant à la sortie messianique, le second porte sur le résultat de cette démarche. »

 On en peut déduire, au risque de déplaire, d'offusquer ou d'insurger que si l'hébreu ne met pas d'Alef à la fin du mot qui désigne le messie, cela signifie que le messie de la résolution explicative n'est pas juif et que si l'hébreu, langue de vérité cependant grave un Yod dans ce mot, c'est pour inscrire la participation éminente du judaïsme dans le processus y conduisant. Le Yod induit le Het, lettre de structuration édifiée sur deux pylônes en Gauche et Droite reliés l'un à l'autre en hauteur par l'échange latéral : passage de Qui Sait vers le Qui Fait et de la colonne gauche du Het émerge l'Alef terminal devant s'y ajouter. L'Alef s'inscrit alors dans l'espace du Qui Fait où le messianisme passe à l'acte — au cœur de l'enfer d'Esaü.


4. Le partenariat de l'adversité

Le partenariat obligatoire avec l'adversité du Qui Fait fut toujours présent à l'esprit des initiés. Le Maharal de Prague avait compris que les forces du mal participaient à la prise en charge du messianisme, et symboliquement plus d'un personnage biblique a commis cette « coupable » union des contraires que l'orthodoxie des rigoureuses lois de séparation condamne dans le cadre général de la vie sociale hébraïque. C'est précisément par souci pédagogique d'instruction pour l'avenir et comme marquage symbolique des archétypes à observer que Moïse épousa Tsiporah qui n'est pour le moins pas exactement issue de la Communauté. C'est elle qui sauvera Moïse lorsqu'il tomba gravement malade pour avoir oublié de pratiquer la circoncision à leur fils. Sans Tsiporah, pas de sortie d'Egypte… C'est grâce à son mariage quelque peu scabreux avec Ahashveroch qu'Esther, devenue reine par cette union, parvient à inverser le cours de l'histoire et empêcher le génocide. C'est par son action en plein territoire adverse qu'elle sauve non seulement le peuple, mais le message sinaïtique qui, grâce à elle, poursuit sa transmission… jusqu'à résolution messianique totale.

Le messianisme en tant que mouvement civilisateur devant opérer en Occident rencontre l'adversaire irréductible qu'est Amaleq. Exacerbant tous les traits de caractères négatifs d'Esaü sans en garder aucune des atténuations qui adoucissent quelque peu la rigueur du frère de Jacob, Amaleq s'en prend au judaïsme, en fait sa proie, vise à l'exterminer. La Shoa en sera la méthode, instrument négateur du messianisme. C'est par la férocité de la Shoa que l'on peut — par inversion — déduire l'irrévocable avènement messianique : objectif satanique du nazisme, détruire le peuple porteur de l'information Yod afin d'interdire l'écriture du Het, et plus encore celle de l'Alef de Massiah. Crime de longtemps annoncé symboliquement par la crucifixion, dont le pape Benoît XVI, en subtil théologien avait écrit qu'elle préfigurait le supplice qu'infligerait la descendance d'Amaleq — l'Occident au travers des légions romaines —à l'espérance messianique.

Il n'en reste pas moins qu'à l'issue du désastre l'incroyable s'est produit ; cela même que les tenants de la négation voulaient interdire s'est réalisé : le retour historique d'Israël sur les terres abrahamiques d'origine, la reconduction de « l'éternel retour » sur les lieux de la généalogie d'Isaac et d'AbraHam. Signe que le message a été délivré en Occident, signe également que le mode inversé de la négation s'est retourné : il est désormais possible d'atteindre le sens, de comprendre, de toucher directement la « Bathcol », la voix du Verbe, possibilité donnée à tous, universellement, suite au dégagement des lois de l'herméneutique libérée de la stricte enclave hébraïque qui n'en perd pas pour autant ni sa compétence ni son prestige. Eclaircissements permettant de percer la brume des symbolismes religieux, certes flamboyants, (somptueux dans le catholicisme), mais jamais explicatifs de leur propre raison d'être : seul l'accès au Code des archétypes calqué sur l'édifice des Lettres hébraïques donne la vision aboutie du Système et sa structure, libérant l'esprit des couches corticales premières, passant à la seconde instance du cycle civilisateur post-symboliste.

Le messianisme est en ce sens un état de la révélation. La révélation des lettres sinaïtiques se voit offerte à tous et les « Klalims », les « armes », c'est-à-dire les conseils et les lois, les règles de pensée, le Code des Lettres sont à la portée de tout esprit désirant les connaître. Ce que le sage taoïste appelait « les détails de la Grande Norme » constitue ce Code, « la vraie grammaire du bon langage » dira Cervantès, « quand l'usage les accompagne ». Cette « vraie grammaire » chère à Don Quichotte, ce sont les normes du modèle absolu, les critères de ce que l'on appelle l' « herméneutique hébraïque ».

 

(la suite dans un prochain Blog)

N.B. Les textes publiés sur ce blog sont soumis au ©

 

Références :

Le Principe du langage ou l'Alphabet hébraïque

Les secrets de l'Alphabet hébreu

Exégèse de Don Quichotte

— *FCC : La Face cachée du Cerveau 

4 commentaires:

Sendirosch a dit…

Merci pour ces précisions !

Rose a dit…

DBR , en ce cas précis , rendez au mot voyelle ses justes consonnes :(cf son livre Concerto pour 4 consonnes sans voyennes, éd. Balland p. 124).
Les deux ll de voyelles injustement remplacées ?

J. Charles V a dit…

Merci pour article Messianisme (1/2) qui est très clair et complet.

Anonyme a dit…

Merci pour cette étude.Je vous prie de savoir que je vous dois beaucoup....Je reviendrai à vous.Recevez mes pensées les meilleures.
F. X. I. Massalas